Éducatrice spécialisée dans la protection de l’enfance, Isabelle Chaumard est passée à l’écriture. Son avant-dernier livre s’adressait aux travailleurs sociaux mis à rude épreuve dans l’évaluation des informations préoccupantes concernant les mineurs en danger. Son dernier ouvrage est une fiction dont le personnage principal est Marie, assistante sociale à Ajaccio, fatiguée de jongler à longueur de journée entre les dossiers de RSA, de surendettement, d’insertion, d’hébergement pour violences conjugales… Mais elle l’aime, ce métier. « Elle les aime, tous ces gens. C’est plutôt le carcan administratif qui l’épuise. L’absence de réponse et le mensonge qui va avec. La baisse des budgets. Les gamins fracassés qui attendent des mois avant d’être retirés à leur famille, même quand le juge l’a ordonné. » Quand elle rencontre Abram, un jeune de 16 ans dont elle doit évaluer la situation, cela fait déjà quelques heures qu’il est arrivé à l’hôpital psychiatrique. Ongles rongés, avant-bras scarifiés et zébrés de croûtes, obèse, l’adolescent est atteint du syndrome de Cotard, un délire de négation se traduisant par le sentiment d’être mort. Sur les 70 patients internés dans cet ancien bagne pour enfants, surnommé par la presse locale « l’hôpital de la honte », 5 % sont des mineurs. Marie veut parler à Abram mais ce dernier reste muet, impassible. Surtout, il pense qu’elle ferait mieux de s’occuper de sa mère alcoolique, pas de lui, puisque lui n’existe pas. Des vrais morts, il y en a dans le livre : trois adolescents, tous suivis par l’assistante sociale après des signalements. Qui les a tués ? Un usager mécontent voulant se venger des services sociaux ? Un mineur de l’ASE à la rue le jour de ses 18 ans ? Un parent en attente de soutien éducatif depuis de longs mois ? Tout accuse Marie, jusqu’aux sous-entendus de ses collègues et aux menaces à peine voilées de sa hiérarchie. Une enquête est ouverte. L’auteure a choisi l’intrigue d’un polar pour raconter les difficultés du métier, le manque de moyens et de reconnaissance, les jeunes ravagés par l’alcool ou la drogue et les familles qui sombrent.
« Le sacrifié de Castelluccio » – Isabelle Chaumard – Ed. Le mot et le reste, 17 €.