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La CEDH condamne la France pour les conditions de vie de deux enfants migrants en rétention administrative

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Au petit matin du 15 novembre 2013, une embarcation de fortune provenant des Comores est interceptée par les autorités françaises au large de Mayotte. A son bord, 17 personnes dont deux enfants de 5 et 3 ans sont venus rejoindre leur père établi de façon légale à Mayotte depuis presque 10 ans.

Après un contrôle d’identité sur la plage et un contrôle sanitaire, une procédure administrative de reconduite à la frontière est enclenchée. Les enfants, comme les 15 autres personnes de l’embarcation, sont placés en rétention. Le même jour, à 16 h 30, ils sont placés à bord d’un navire et sont renvoyés aux Comores. Dans ce court laps de temps, le père des enfants n’a pas eu le temps de prendre contact avec ses enfants.

Dans un arrêt rendu le jeudi 25 juin 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) condamne la France pour violation de plusieurs articles de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Violation de l’article 3 pour mauvais traitement des enfants

La Cour condamne d’abord la France pour violation de l’article 3 à l’égard des enfants placés en rétention administrative et expulsés de façon expéditive. Pour rappel, l’article 3 de la Convention prohibe la torture et les traitements inhumains et dégradants. Le Cour juge qu’« eu égard à l’âge des enfants et au fait qu’ils étaient livrés à eux-mêmes », leur placement en rétention « n’a pu qu’engendrer une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes pour leur psychisme ». Les conditions de rétention des deux enfants étaient en effet les mêmes que celles des personnes adultes. La Cour note, de plus, qu’elle est « indifférente » à la courte durée de ce placement en rétention, qui « n’a duré qu’une heure et 25 minutes », arguait le gouvernement français.

La Cour note par ailleurs que « les autorités françaises n’ont pas veillé à une prise en charge effective des enfants et n’ont pas tenu compte de la situation que ceux-ci risquaient d’affronter lors de leur retour dans leur pays d’origine ». Le placement en rétention n’est en effet pas la seule raison de violation de l’article 3. La CEDH pointe aussi « le manque de préparation et l’absence de mesures d’encadrement et de garanties » entourant le renvoi des enfants dans leur pays d’origine. La Cour note que les enfants ont effectué le voyage avec une personne qui les avait accompagnés à l’aller, et à laquelle les autorités françaises les avaient « arbitrairement rattachés ».

Présente sur l’embarcation, cette personne avait simplement déclaré, lors du contrôle d’identité, qu’elle les avait accompagnés. « La Cour est en effet convaincue que ce rattachement n’a pas été opéré dans le but de préserver l’intérêt supérieur des enfants, mais dans celui de permettre leur expulsion rapide vers les Comores », peut-on lire au paragraphe 64 de l’arrêt. Bien que cet élément n’ait pu permettre à la Cour de constater une violation de l’article 3, elle l’a quand même pris en considération pour prendre sa décision.

Violation de l’article 8 (droit au respect de sa vie familiale)

De surcroît, ce rattachement à « un tiers dépourvu d’autorité » sur les enfants « sans mener aucune recherche quant à d’éventuels liens les unissant » est, pour la Cour, un refus délibéré de réunir la famille et « ne visait pas au respect de l’intérêt supérieur des enfants ».

Ici, la Cour condamne la France pour avoir expulsé de façon trop expéditive les enfants sans avoir recherché un lien quelconque entre le père et ses enfants.

Violation de l’article 13 (droit à un recours effectif)

Le père des enfants avait formé un recours devant le tribunal administratif dans l’espoir de suspendre l’expulsion de ses enfants. Mais la Cour rappelle que l’article 13 « n’impose pas que les recours disposent d’un caractère suspensif » : « La possibilité d’un recours, exercé a posteriori par le requérant, suffit donc au respect de cette disposition et il ne résulte pas des échanges entre les parties qu’un tel recours était inexistant ou ineffectif dans les circonstances de l’espèce », juge la Cour européenne des droits de l’Homme.

En revanche, la Cour constate que, « compte tenu du déroulement des faits, aucun examen judiciaire des demandes des requérants ne pouvait avoir lieu ». La Cour estime que « la hâte avec laquelle la mesure de renvoi a été mise en œuvre a eu pour effet de rendre les recours existants inopérants et donc indisponibles hâte ». Elle conclut à la violation de l’article 13 de la Convention, combiné aux articles 8 et 4 du Protocole n° 4. Pour rappel, ce dernier prohibe les expulsions collectives d’étrangers.

CEDH, 25 juin 2020, Moustahi c./France, n° 9347/14.

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