« Le service social en faveur des élèves compte seulement 2 600 assistants de service social dont 360 conseillères techniques, pour plus de 5 millions d’élèves rien que dans le second degré ! Majoritairement des femmes, nous défendons les droits des usagers, parfois plus que les nôtres. Pourtant, bien souvent, nous sommes invisibles. Comme ceux que nous accompagnons.
Il est donc difficile de faire reconnaître nos compétences et de faire entendre nos voix, d’abord en raison de nos effectifs. Mais aussi faute de reconnaissance au sein de notre institution : nos missions sont rarement mentionnées dans les publications du ministère de l’Education nationale. Elles sont peu connues, pas vraiment reconnues.
L’association Actessen œuvre à changer la donne. Elle réunit les conseillers techniques affectés auprès des directeurs académiques et des recteurs. Cadres du service social en faveur des élèves et des personnels, ils et elles portent le sens du travail social à l’Education nationale et valorisent l’action de leurs services auprès du ministère.
Pendant le confinement, le ministre nous a adressé des messages gratifiants en vidéo, nous a nommés devant les médias. Sans ignorer sa forte valeur symbolique, il est permis de s’interroger : la reconnaissance institutionnelle va-t-elle dépasser le coup de projecteur et survivre au déconfinement ?
Si les proviseurs, les principaux, les enseignants reconnaissent la collaboration nécessaire avec l’assistant social et font appel à ses conseils techniques et à son expertise pour gérer les situations toujours plus complexes, il faut pour autant régulièrement rappeler la place de l’action sociale.
Le confinement a bousculé nos modes de travail et les modalités de nos accompagnements. Ensemble, avec les équipes éducatives, les conseils départementaux, nous avons dû inventer, créer et renforcer nos liens professionnels. Une véritable dynamique collective s’est enclenchée et le service social a fait la preuve de ses capacités à faire valoir les droits des enfants et de leur famille, à leur apporter du soutien, notamment en cas de décès de parents.
A présent, les assistants sociaux scolaires sont retournés dans les collèges, les lycées et parfois dans le premier degré, dans les quartiers les plus difficiles, dans les territoires ruraux les plus isolés, partageant leur temps de travail entre de nombreux établissements.
La porte du bureau s’ouvre, un élève apparaît. Dans ce lieu, un lien de confiance s’instaure, où les familles et les élèves se confient. Notre présence dans l’école favorise l’échange et la rencontre. Tout peut être abordé, du futile au dramatique. Sans secrétariat, l’assistant social est directement sollicité. En toute liberté par les jeunes. Cette facilité d’accès représente une souplesse dans les relations et une ouverture adaptée à un jeune public.
Le temps de l’école et hors l’école n’est pas le même. Nous avons souvent un rôle de médiation, d’explication auprès des équipes éducatives ou des familles très en attente, qui ne comprennent pas toujours les délais de prise en charge.
Notre mission s’appuie sur le quotidien de l’enfant à l’école. Le service social scolaire évite l’aggravation de situations de maltraitance. Les assistants sociaux scolaires assurent une prévention, en amont des difficultés, jouent le rôle de sentinelle, veillent sur l’évolution des conditions de vie de certains enfants ; ils alertent des structures extérieures en les mobilisant et en les remobilisant quand elles baissent leur vigilance.
L’Education nationale est le premier transmetteur d’informations préoccupantes aux CRIP (cellules de recueil des informations préoccupantes) : un tiers des informations préoccupantes transmises. Les assistants sociaux scolaires y pourvoient largement et mettent aussi en place des actions de formation destinées à l’ensemble des personnels, des premier et second degrés, confrontés à des situations de protection de l’enfance et à l’obligation d’agir.
Aussi, pour une véritable prévention, faudrait-il envisager l’existence d’un service social dès l’école maternelle et primaire, sans dépourvoir le second degré où notre présence est déjà insuffisante. Les directeurs d’école le déplorent d’ailleurs souvent : “Mais je ne suis pas une assistante sociale, je ne peux pas tout faire !” Les équipes pédagogiques tentent de résoudre seules des situations complexes qui les laissent souvent démunies. Notre soutien leur serait précieux.
Quand un enfant est perturbé pour des raisons personnelles, familiales et/ou sociales, sa disponibilité pour les apprentissages est diminuée, même dans une classe à faible effectif. Le bénéfice d’une pédagogie de qualité peut être totalement perdu.
L’assistant social scolaire peut aider les parents à tenir leur rôle, les enseignants à assurer leur mission pédagogique, les enfants à occuper leur place d’élèves. Il peut être ce tiers capable de distinguer ce qui est de l’ordre du pédagogique, et ce qui relève de la vie privée de la famille. Son intervention met à distance les points de tension.
L’accompagnement social à l’école est un travail de médiation entre les différents acteurs et de relais vers des structures extérieures qui pourront apporter des réponses adaptées. Les objectifs sont pluriels : pacifier les situations familiales, restaurer la confiance des parents dans l’école et réciproquement, aider l’élève à se réinscrire dans sa scolarité, orienter au plus près de l’intérêt de l’élève. Aider un jeune à retrouver de l’ambition et de l’autonomie, malgré les obstacles.
Les assistants sociaux assurent un travail de guidance pour des élèves et des familles sur plusieurs années scolaires ; ils deviennent des repères qui balisent un chemin souvent semé d’embûches. Par leurs compétences en matière d’évaluation et d’analyse des interactions, les assistants sociaux s’approprient avec efficacité les enjeux des problématiques rencontrées par les jeunes. Les assistants de service social peuvent ainsi aborder ces questions au niveau individuel ou au travers d’actions collectives, qu’ils animent seuls ou avec les autres personnels : infirmières, conseillers principaux d’éducation, enseignants, psychologues. L’usage des réseaux sociaux, le harcèlement, le développement de l’estime de soi, les relations filles-garçons et la prostitution des mineurs comptent parmi les thèmes majeurs d’intervention.
Le service social scolaire est un service spécialisé et unique, qui assure des missions bien précises, portées par les priorités et les valeurs de l’Education nationale. En proximité immédiate avec les élèves et tous les autres personnels, il fait partie intégrante de l’Education nationale. Il en connaît les codes, les procédures et les dispositifs. Le service social scolaire est à l’interface du dedans et du dehors. Il permet une meilleure compréhension du fonctionnement de l’école et de ses objectifs pour les élèves, les familles et les professionnels extérieurs. De même, il facilite l’accès aux institutions extérieures aux élèves, aux familles et aux membres de la communauté éducative.
Cessons de dire que le travail social scolaire est invisible pour tous. Il ne l’est certainement pas pour les élèves et leurs familles. Il ne l’est pas non plus pour les personnels des établissements scolaires. D’autant moins que même si l’école se veut avant tout le lieu de transmission du savoir, immanquablement toutes les problématiques sociales et personnelles s’y expriment, et souvent avec intensité, dans le bureau de l’assistant social.
Or, trop souvent encore, la question du social est insérée dans le cadre global de la santé de l’élève, qui évoque plus le médical que le social : c’est le fameux service de santé scolaire.
En réalité, reconnaître à sa juste valeur le service social revient à assurer la plus-value d’un service public destiné à tous les élèves. Il convient de le préserver et de le renforcer en urgence. »
(1) Association des conseiller(ère)s techniques de service social de l’Education nationale.
Contact : www.actessen.fr