Le Français moyen est une femme dont le niveau d’études est inférieur à bac + 2, en contrat à durée indéterminée, en couple avec deux enfants, dont l’âge est compris entre 25 et 44 ans, propriétaire d’un logement de type F4 dans l’ouest de la France(1).
Le Français moyen, c’est moi. Florence, fonctionnaire, 43 ans, mariée, deux enfants, propriétaire d’une petite maison en Bretagne. Je vais pas m’en remettre.
D’ailleurs, maintenant que je sais ça, j’avoue, je me la pète grave. Parce que, hé ! ho !, je suis « le » Français moyen. La fameuse ménagère de moins de 50 ans. Ou plutôt, comme on dit maintenant, la « FRA-50 » : femme responsable des achats de moins de 50 ans. C’est pareil, mais c’est plus joli. Je suis la classe moyenne, la mère de famille, deux enfants, une maison, un chat. Des crédits sur le dos et la crise de l’ado, un mari qui bosse trop et le petit qu’a une gastro. La cible préférée des publicitaires et des politiciens. J’envisage de m’en faire un t-shirt (un peu cintré, parce que je suis une femme). Et un mug pour boire mon café amer au boulot (en CDI). Et une banderole que je déploierai fièrement à la fenêtre (de ma maison bretonne).
Mais le Français moyen n’est pas qu’une simple statistique.
C’est aussi cette femme harcelée violentée.
C’est aussi ce travailleur précarisé endetté.
C’est aussi ce parent dépassé dépité.
Loin, tellement loin du couple sautillant qui se réveille en beauté grâce au matelas Mérinos et de la famille souriante qui prend son petit déjeuner avec l’ami Ricoré.
Loin, tellement loin du quinqua parisien CSP+, qui savoure des Ferrero Rocher aux réceptions de l’ambassadeur.
Le Français moyen, c’est cette base, ce socle, cette France du milieu, au milieu de la fracture sociale, la fracture entre la France d’en haut et la France d’en bas.
Le Français moyen, c’est le peuple, la couche populaire, c’est mon voisin qui passe la tondeuse le dimanche, c’est ma collègue qui fait ses courses en sortant du boulot, c’est ma belle-mère qui regarde le journal de 20 heures. C’est moi, eux… Nous.
Et chez le Français moyen, il y a l’aide-soignant moyen. L’aide-soignant moyen, c’est une femme, entre 30 et 49 ans, qui travaille dans la fonction publique et qui gagne entre 1 500 et 2 000 € par mois(2).
L’aide-soignant moyen, c’est encore moi. Décidément. J’en perds mes moyens.
L’aide-soignant moyen, il commence tôt le matin ou finit tard le soir, il bosse un week-end sur deux et, de temps en temps, il manifeste, pour avoir plus de moyens.
L’aide-soignant moyen, on lui lance des fleurs en mai et des lacrymos en juin.
Loin, tellement loin de la belle avenue de Ségur.
Loin, tellement loin des héros en blouse blanche qui courent au ralenti dans les couloirs immaculés d’un très chic hôpital de série télé.
L’aide-soignant moyen, il brandit sa banderole le matin et enfile sa blouse l’après-midi. Un masque, et ça repart !
Je suis la Française moyenne. La ménagère de moins de 50 ans. L’aide-soignante moyenne. Dans la moyenne de ceux qui n’ont plus les moyens d’attendre de nouveaux moyens.
Mais tout me semble loin, tellement loin…