Depuis le début de la crise sanitaire causée par l’épidémie du virus Sars-Cov-2, plus de 13 000 résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont décédés des suites de ce virus. Les circonstances des décès sont, pour les familles, restées très floues, ce qui a poussé nombre d’entre elles à déposer des recours en justice pour déterminer les responsabilités.
« De façon générale, il y a une volonté avec cette crise inédite d’aller chercher la responsabilité pénale, explique Clément Abitbol, avocat pénaliste au barreau de Paris. En termes de communication, c’est très fort de dire qu’on va traduire en justice des chefs d’entreprise ».
Mais sur quel fondement juridique ? Pour l’avocat, il y en a trois sur le plan pénal. Le premier qui vient à l’esprit, c’est le plus connu, est celui d’homicide involontaire : « Mais cela paraît inadapté. Tout comme la non-assistance à personne en danger – deuxième fondement visé – qui impliquerait que les directeurs avaient une connaissance précise des dangers. » La plus pertinente serait donc la troisième option : la mise en danger de la vie d’autrui. Les trois qualifications sont tout de même visées dans les procédures pour laisser le ministère public choisir l’infraction la plus pertinente.
La mise en danger de la vie d’autrui n’est cependant pas facilement démontrable : « Cela va être extrêmement compliqué à appliquer et d’obtenir une condamnation sur ce chef, selon Clément Abitbol. D’autant qu’on se placera au moment des connaissances scientifiques du moment, qui étaient, à l’époque, quasi nulles. » En bref, conclut l’avocat : « Cela sera extrêmement difficile de démontrer la responsabilité pénale des responsables d’établissements. Mais il faut qu’il y ait un débat contradictoire, les enquêtes sont nécessaires. »
S’agissant de la responsabilité civile, il en va de même. « A mon sens, les responsables de structures pourraient être inquiétés dans l’hypothèse où ils n’ont pas pris les précautions imposées par les textes pour assurer la sécurité de leurs hébergés, indique Me Catherine Gazzeri-Rivet. Mais on a toujours besoin d’un lien de causalité. » Il faudra en effet démontrer que le dommage subi – décès ou aggravation de l’état de santé – a été effectivement causé par l’attitude du chef d’établissement. « Il n’y a pas de panique à avoir, poursuit l’avocate au barreau de Tours, mais il faut déjà commencer à constituer des dossiers sur ce qui a été mis en place dans les établissements au regard des obligations » pendant la crise.
Les responsabilités que les familles vont rechercher, par l’intermédiaire de leurs avocats, ne sont pas encore réellement définies. Dans certains cas, les conseils ont fait le choix d’une plainte contre X. C’est le cas de Me Fabien Arakelian, du barreau des Hauts-de-Seine : « L’idée est de pouvoir faire toute la lumière sur l’ensemble des responsabilités », indique-t-il aux ASH. Pas seulement celles des responsables de structure. Celle aussi – surtout – de l’Etat.
• La responsabilité pénale tire ses fondements des infractions définies par le législateur pour protéger l’ordre public. Elle peut être sanctionée par une peine (amende, prison).
• La responsabilité civile vise à permettre la réparation des dommages causés à un tiers.