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Services d’aide à domicile : une situation financière périlleuse

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Manques à gagner, dépenses supplémentaires, incertitudes sur les dates et montants des dotations maintenues… Déjà fragile avant la crise sanitaire, le secteur est dans l’expectative, entre inquiétude et détermination.

Les services d’aide à domicile peuvent facturer des heures qui étaient planifiées mais qu’elles n’ont pas réalisées durant les deux mois de confinement. Voilà ce que permet, à l’heure où nous écrivons, et seulement sur le papier faute de décret d’application, l’ordonnance du 25 mars dernier. Un maintien des dotations arraché par les fédérations représentatives du secteur pour, dans certains cas, assurer la simple survie des associations.

Tous les acteurs du secteur ne s’accordent pas sur l’ampleur du désastre financier annoncé, et les comptes des manques à gagner ne sont pas encore chiffrés avec précision. Ainsi Stéphane Landreau, secrétaire général de la Fédération des associations de l’aide familiale populaire (Fnaafp-CSF) évalue-t-il que la moitié des associations est en danger à court terme, en particulier les plus fragiles avant la crise. Et il prévient que nombre d’entre elles, faute d’avoir reçu leurs financements depuis mars dernier, s’interrogent sur leur capacité à verser les salaires en juin. Inversement, Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin, explique ne pas avoir eu de remontées alarmistes sur son territoire. Thierry d’Aboville, secrétaire général de l’ADMR, estime lui que le niveau d’activité est désormais rétabli à hauteur de 90 à 95 % tandis que Hugues Vidor, directeur général d’Adédom, le plafonne à 70 à 80 % et prévient : « Sans aide publique, nous peinerons à poursuivre notre activité et à la remettre en route. »

Les services d’aide à domicile plient en effet sous une triple contrainte : une difficile situation initiale, des recettes en moins, des dépenses en plus.

Une dépendance vis-à-vis des conseils départementaux

Structurellement, le secteur de l’aide à domicile présente des fragilités. Une maigre trésorerie, faute de pouvoir engranger des bénéfices, voire de boucler facilement les budgets. En cause : notamment une sous-évaluation des dotations départementales. Le minimum du prix d’une heure versé par les conseils départementaux est fixé à 17,70 € quand, dans le même temps, le prix de revient d’une heure d’aide à domicile est estimé à 24 €. De quoi faire largement dépendre les associations des moyens financiers, ou du bon vouloir, des conseils départementaux. Certains comptent parmi les bons élèves, à l’image du Bas-Rhin, qui, en 2018, a mis en place une charte de qualité : « Nous y intégrons des engagements sur les conditions de travail du personnel, sur la connaissance des publics pris en charge ou sur la définition de bonnes pratiques », résume Frédéric Bierry. Et les associations qui la signent obtiennent des financements à hauteur de 23,05 € contre 21,90 € pour celles qui proposent un niveau de qualité inférieure. En 2019, première année pleine, cela a représenté, pour le département, un effort financier de 1,4 million d’euros.

De quoi sans doute mieux résister aux assauts de la crise sanitaire, du moins sur le plan financier. Malgré tout, là comme ailleurs, la conjoncture attaque les recettes des services d’aide à domicile. Et parmi ces manques à gagner, non encore évalués faute de connaître les montants des dotations qui seront maintenus, certains ne seront jamais rattrapés, à l’instar de ce que les personnes accompagnées peuvent s’offrir en plus des plans de compensation du handicap ou des aides à l’autonomie des personnes âgées. Or, relève Stéphane Landreau, cela représente, pour certaines associations, jusqu’à 20 % de leur chiffre d’affaires. La plupart du temps, les restes à charge des heures comprises dans les plans ne seront pas pris en charge par les départements.

Côté dépenses supplémentaires, les fournitures d’équipements individuels de protection ont requis un effort financier conséquent, en dépit de dons d’entreprises ou de dotations publiques.

Une situation très différenciée

Voilà pour les généralités. Mais dans le détail, la situation financière des associations est très différenciée.

En fonction de leur principal secteur d’activité, d’abord. Le soutien aux familles est le secteur le plus impacté, lui qui, au début du confinement, a, la plupart du temps, stoppé toutes ses interventions à domicile. Dans le même temps, les services aux personnes handicapées, eux, maintenaient 70 % de leur activité et celui des personnes âgées un peu plus encore.

Autre inégalité, territoriale celle-là. Mais difficile encore de savoir si la carte des difficultés financières des associations se superposera à celle du nombre de personnes touchées par le Covid-19. A ce stade, rien ne paraît moins sûr. Frédéric Bierry, en tout cas, ne décèle pas de signaux avant-coureurs d’une « crise majeure » dans les structures de l’aide à domicile de son département, pourtant parmi les plus éprouvés par la pandémie.

Partout et pour toutes, planent actuellement des incertitudes qui assombrissent leur ciel mais ne douchent pas la volonté de trouver des solutions.

Le décret d’application qui viendra sécuriser l’ordonnance du 25 mars est attendu de pied ferme à l’heure où nous écrivons ces lignes, lui qui doit préciser la période de référence qui permettra de calculer les montants des dotations maintenues. Théoriquement, elles auraient dû être versées… fin mai.

Autre incertitude, la proportion de départements qui pourraient ne plus compenser les restes à charge, habituellement payés par les personnes, de 4 à 6 € par heure selon Thierry d’Aboville. Stéphane Landreau estime à pas plus de cinq ou six les conseils départementaux dans ce cas. Et l’Association des départements de France se garde bien lorsqu’on l’interroge d’avancer un chiffre.

Enfin, les règles sur la prise en compte des montants perçus au travers du chômage partiel demeurent inconnues.

Pour le moment, synthétise Hugues Vidor, « les réponses ne sont pas à la hauteur des enjeux, qu’il s’agisse du décret, des primes, ou de la revalorisation des salaires des professionnels ». « La crise est un révélateur de ce que le système est plus qu’à bout de souffle, complète Stéphane Landreau. Tout est à reconstruire. » C’est dire combien, sans pourtant trop se faire d’illusions, les acteurs du secteur sont attentifs aux débats autour de la création d’un 5e risque, ou d’une 5e branche, de la sécurité sociale, et de la future loi « autonomie ».

L’aide à domicile, un secteur économique à part entière

Les représentants des associations autant que des départements s’accordent à reconnaître que les services d’accompagnement à domicile sont des acteurs économiques, qui recrutent, contribuent à l’aménagement des territoires… Leurs interventions permettent aussi de réaliser des économies, 1,5 milliard d’euros pour le secteur hospitalier, fait observer Frédéric Bierry, président du conseil départemental du Bas-Rhin. Les fédérations du maintien à domicile sont d’ailleurs associées au Ségur de la santé, y seront-elles entendues ? Et verront-elles naître le plan de relance espéré adapté à leurs spécificités qu’elles appellent de leurs vœux ?

Primes : une inégalité territoriale

Annoncées à grand renfort de communication gouvernementale nationale, les primes à destination des professionnels à domicile seront rares, versées par quelques départements, qui en auront à la fois les moyens et la volonté. Le Nord et l’Ain l’ont annoncé, le Bas-Rhin dit y réfléchir, d’autres ont répondu par la négative… Une inégalité territoriale de plus face à une mesure conjoncturelle qui, de toute façon, ne règle pas le besoin structurel de revalorisation des salaires. Association des départements de France et autres parties prenantes, dont la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), travaillent actuellement au chiffrage des besoins.

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