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Les réformes successives de l’assurance chômage touchent surtout les plus précaires

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Après avoir étudié quarante ans de réformes de l’assurance chômage, trois chercheurs montrent un renversement de la hiérarchie de l’indemnisation pour les salariés dont l’emploi est discontinu. Les allocataires les plus exposés sont aujourd’hui les moins bien indemnisés.

L’assurance chômage fonctionne-t-elle toujours comme une assurance ? Rien n’est moins sûr, rapportent Mathieu Grégoire, sociologue et chercheur à Paris-Nanterre, Claire Vivès, sociologue au Conservatoire national des arts et métiers, et Jérôme Deyris, économiste, doctorant à Paris-Nanterre, après avoir passé au crible l’évolution des droits à l’indemnisation chômage de 1979 à 2019.

Ce long travail d’analyse, réalisé pour l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et soutenu par la CGT dans le cadre d’une convention d’études avec l’institut, met en lumière des indemnisations de plus en plus faibles pour les demandeurs d’emploi aux profils les plus précaires. Au cours de ces quarante dernières années, le droit au chômage serait ainsi passé d’une logique d’assurance face à un risque à celle d’une prime à l’emploi.

Chômage en hausse, indemnisation en baisse

Alors qu’en 1979 les personnes les plus exposées au chômage bénéficiaient des meilleurs droits, le phénomène s’est aujourd’hui totalement inversé. Pour elles, l’indemnisation augmente désormais à mesure que leur période de chômage baisse. Ce système, qualifié de « compte épargne » par les auteurs de l’étude, ne constitue plus l’assurance d’un revenu de remplacement pendant les périodes de chômage, mais incite plutôt à trouver un emploi coûte que coûte pour « gagner » des droits supplémentaires.

Grâce à un simulateur d’indemnisation permettant de mesurer les effets des réformes successives pour chaque cas type, les chercheurs ont par ailleurs remarqué une très grande constance dans les droits des « salariés stables » et, à l’inverse, de multiples variations pour les travailleurs à l’emploi discontinu. L’indemnisation d’un employé au Smic, qui se retrouve au chômage 15 mois avant de rebondir, n’a par exemple jamais dépassé plus de 5 % à la hausse et 2,5 % à la baisse par rapport à 1979. Mais pour un travailleur qui enchaîne les contrats courts, le constat est bien différent. Une personne en emploi 20 jours par mois, également au Smic, perd quant à elle 83 % de son assurance chômage entre 2014 et 2019, alors que ses droits n’avaient que très peu évolué au cours des 17 dernières années. De manière générale, « l’ensemble des cas de salariés à l’emploi discontinu étudiés montrent chacun des variations d’indemnisation très importantes, d’une part, et une grande diversité de traitement les uns par rapport aux autres, d’autre part », souligne le rapport.

Ces chiffres permettent de rendre compte des écarts entre les objectifs affichés des gouvernements lors des négociations et l’évolution réelle des droits, comme cela a été le cas avec la réforme dite des « droits rechargeables » de 2014.

Si elle était présentée comme particulièrement protectrice, cette mesure a contribué dans les faits à une dégradation des droits pour de nombreux chômeurs aux profils différents. Pendant les trois années après sa mise en application, le nombre de chômeurs a augmenté plus vite que celui des bénéficiaires indemnisés. Dernière en date, la réforme de l’assurance chômage de 2019 impactera, encore une fois, essentiellement les salariés en emploi discontinu. Et plus les périodes de travail s’effectueront avec intermittence, plus les travailleurs verront leur allocation baisser. Cela s’explique notamment par le changement du mode de calcul de l’allocation. Celui-ci ne prend plus en compte le salaire de référence, qui correspond généralement à un tarif journalier de travail, mais se base désormais sur un revenu moyen, incluant les jours travaillés, mais aussi les jours chômés associés à un revenu nul.

Si dans certains cas un allongement de la durée d’indemnisation est observé, cette meilleure couverture dans le temps « est très loin de compenser l’effondrement des montants perçus, contrairement à ce que le gouvernement avançait en arguant d’un “capital préservé” », alertent les chercheurs.

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