Recevoir la newsletter

La vie du contrat de travail

Article réservé aux abonnés

Quels sont les changements qui peuvent être apportés au contrat de travail ? La jurisprudence distingue deux types de modifications : celles concernant les éléments essentiels du contrat de travail et celles portant sur les conditions de travail. Juridiquement, les premières sont soumises à des règles plus strictes que les secondes.

Au cours de la relation contractuelle, l’employeur comme le salarié peuvent être amenés à vouloir faire évoluer le contenu du contrat de travail pour différents motifs.

La Cour de cassation fait alors une distinction entre, d’une part, la modification du contrat de travail – qu’elle désignait auparavant « modification substantielle » – qui nécessite l’accord du salarié et, d’autre part, le changement des conditions de travail opposable au salarié sans avoir à rechercher préalablement son consentement.

I. Modification du contrat de travail

Conformément à l’article 1193 du code civil : « Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. » Une partie ne peut donc pas imposer unilatéralement à l’autre une modification du contrat. Ce principe a été repris par la chambre sociale de la Cour de cassation (voir notamment Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-41903). Ainsi toute mesure visant à affecter les éléments déterminants à la conclusion du contrat constitue une modification du contrat de travail et requiert l’accord du salarié. Avant de s’intéresser à la procédure de modification du contrat de travail et aux conséquences sur la situation du salarié, il convient donc de déterminer les éléments essentiels du contrat de travail.

A. éléments relevant de la modification du contrat de travail

Le code du travail ne donne aucune définition de la notion de modification ou d’éléments essentiels du contrat de travail. Des précisions ont donc été apportées par la jurisprudence, qui relève notamment trois éléments essentiels : la rémunération, la durée du travail et la qualification.

1. Rémunération

De jurisprudence constante, la Cour de cassation reconnaît que « la rémunération contractuelle du salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié, même de manière minime, sans son accord ; qu’il en va de même du mode de rémunération prévu par le contrat, peu important que l’employeur prétende que le nouveau mode serait plus avantageux » (voir notamment Cass. soc., 19 mai 1998, n° 96-41.573). En conséquence, l’employeur doit recueillir l’accord du salarié s’il souhaite modifier sa rémunération même si cela lui est plus favorable.

Ainsi, l’employeur ne peut intégrer une prime dans le salaire de base du salarié sans lui demander pré­alablement son accord (voir notamment Cass. soc., 28 avril 2011, n° 09-71324).

De surcroît, l’accord du salarié est également requis lorsque l’employeur supprime un avantage en nature. A titre d’illustration, le fait pour un employeur de retirer au salarié l’usage du véhicule de l’entreprise mis à sa disposition en remplacement de l’indemnisation pour l’usage de son véhicule personnel initialement prévue dans son contrat de travail constitue une modification de son contrat de travail (Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-19143).

2. Durée

La Cour de cassation considère que « la durée du travail, telle que mentionnée au contrat de travail, constitue, en principe, un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans l’accord du salarié » (voir notamment Cass. soc., 20 octobre 1998, n° 96-40.614). Ainsi, l’employeur doit solliciter l’accord du salarié lorsqu’il envisage d’augmenter la durée du travail. Tel est également s’il veut réduire la durée du travail sans compensation salariale (voir notamment Cass. soc., 19 novembre 1997, n° 95-45139).

3. Qualification

La qualification du salarié ne peut être modifiée sans qu’il donne son accord (voir notamment Cass. soc., 2 octobre 2002, n° 00-42003). Ainsi, l’employeur ne peut se prévaloir des erreurs commises par un salarié dans son travail alors qu’il effectuait des tâches étrangères à l’activité pour laquelle il avait été embauché et ne relevant pas de sa qualification (Cass. soc., 2 février 1999, n° 96-44340).

Il en est de même en cas de changement important des attributions confiées au salarié. En ce sens, la Cour de cassation a reconnu l’existence d’une modification du contrat de travail pour un salarié qui s’était vu imposer un « appauvrissement de ses missions et de ses responsabilités » (Cass. soc., 29 janvier 2014, n° 12-19479). Elle a également reconnu l’existence d’une modification unilatérale du contrat de travail, malgré le maintien de la rémunération et de l’intitulé des fonctions, pour un salarié dont les missions et le niveau d’autonomie avaient été amoindris (Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-71.824).

De surcroît, lorsqu’un salarié est déclaré inapte et qu’un changement de poste lui est proposé au cours de la procédure de reclassement, il est nécessaire de recueillir son accord (voir notamment Cass. soc., 29 mai 2013, n° 12-14754).

4. Autres éléments

Au moment de la conclusion du contrat de travail, les parties peuvent décider de contractualiser certains éléments particuliers qui ne relèvent pas nécessairement du socle contractuel tel que défini par la jurisprudence. Or si l’employeur souhaite les modifier au cours de la relation contractuelle, il doit solliciter l’accord du salarié. Tel est le cas par exemple si les parties ont inséré une clause précisant les horaires de travail dans la semaine et les circonstances de leurs modifications éventuelles (voir notamment Cass. soc., 9 mars 2005, n° 03-41715).

B. Procédure de modification du contrat de travail

La procédure de modification du contrat de travail est différente selon que la modification repose sur des raisons économiques ou non.

1. Raisons économiques

Les motifs économiques sont définis par le code du travail à l’article L. 1233-3 et concerne les difficultés économiques, les mutations technologiques, la réorganisation de l’entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité ou encore la cessation d’activité.

Dans l’hypothèse où l’employeur envisage de modifier un élément essentiel du contrat de travail pour un motif économique, il doit respecter une procédure spécifique prévue par l’article L. 1222-6 du code du travail. De cette façon, la proposition de modification doit être faite au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. Elle doit préciser, d’une part, les nouvelles conditions d’emploi et, d’autre part, que le salarié dispose d’un délai de 1 mois (ou de 15 jours en cas de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire) à compter de sa réception pour faire connaître son refus. En l’absence de réponse dans ce délai (1 mois ou 15 jours), la modification est réputée acceptée tacitement par le salarié.

Si l’employeur ne respecte pas la procédure légale, il ne peut pas se prévaloir du refus ou de l’acceptation du salarié.

A noter : Cette procédure n’est pas applicable dans l’hypothèse où l’employeur propose un poste de reclassement au salarié dont le licenciement économique a été décidé (voir notamment Cass. soc., 12 septembre 2018, n° 17-12746).

2. Autres motifs

De jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que la modification du contrat de travail du salarié nécessite son accord exprès en l’absence de motif économique (voir notamment Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-41902). Dans ces conditions, la proposition faite au salarié doit préciser qu’en l’absence de réponse dans un certain délai, la modification sera réputée refusée.

A noter : Le législateur ne fixe pas de délai de réponse. Il convient donc de fixer un délai raisonnable d’au minimum 15 jours. En effet, la Cour de cassation a jugé qu’un employeur qui avait laissé un délai d’un peu plus de 24 heures avait commis une « précipitation fautive » (Cass. soc., 21 juillet 1986, n° 84-41577).

C. Conséquences de la modification du contrat de travail

1. Acceptation du salarié

Si le salarié accepte la modification de son contrat de travail, il est soumis aux nouvelles conditions et ne peut plus se prévaloir des conditions initiales.

En vue de formaliser l’acceptation du salarié, on conseillera à l’employeur de recourir à un écrit en signant par exemple un avenant au contrat de travail. En effet, de jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle que « l’acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié ne se présume pas et ne peut résulter de la seule poursuite par ce dernier de l’exécution du contrat de travail dans ses nouvelles conditions » (voir notamment Cass. soc., 26 juin 2019, n° 17-20723).

Le consentement du salarié doit être libre et éclairé. A défaut, l’avenant au contrat de travail est nul pour vice de consentement. A titre d’illustration, le consentement du salarié est vicié lorsque l’employeur donne un délai de réflexion supplémentaire au salarié après la signature de l’avenant et qu’il ne répond pas aux demandes d’éclaircissements formulées par le salarié (Cass. soc., 2 juillet 2003, n° 01-40564).

2. Refus du salarié

Lorsque le salarié refuse la modification de son contrat de travail, l’employeur dispose de deux possibilités (voir notamment Cass. soc., 8 octobre 1987, n° 84-41902) :

• soit prendre l’initiative de la rupture du contrat de travail ;

• soit rétablir le salarié dans ses droits.

Si l’employeur ne respecte pas les deux possibilités et qu’il impose au salarié la modification, le salarié peut demander le rétablissement des conditions initiales. En outre, si cela ne fonctionne pas, il peut solliciter la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de son employeur (voir notamment Cass. soc., 15 février 2006, n° 03-42510) ou prendre acte de la rupture de son contrat (voir notamment Cass. soc., 5 juillet 2006, n° 04-46009).

Dans l’hypothèse où l’employeur décide de procéder au licenciement du salarié, il doit respecter la bonne procédure selon que le motif qui a poussé l’employeur à proposer une modification était économique ou personnel.

A noter : La Cour de cassation retient que « la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique » (Cass. soc., 28 mai 2019, nos 17-17929, 17-17930, 17-17931).

De surcroît, l’employeur doit veiller à ce que « le motif de la modification constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement » (voir notamment Cass. soc., 10 décembre 1996, n° 94-40300). Ainsi il doit pouvoir justifier de la nécessité de procéder à la modification (voir notamment Cass. soc., 28 janvier 2005, n° 03-40639). En outre, il convient pour l’employeur d’être très vigilant sur le contenu de la lettre de licenciement. En effet, elle doit indiquer le motif de la modification et le refus du salarié.

Par ailleurs, la Cour de cassation considère que le contrat « se poursuit aux conditions antérieures jusqu’à la date de sa rupture » (voir notamment Cass. soc., 8 juin 1994, n° 90-45703). En conséquence, le préavis doit être exécuté selon les conditions initiales du contrat de travail. A défaut, le salarié est en droit de bénéficier d’une indemnité compensatrice de pré­avis (voir notamment Cass. soc., 23 novembre 1994, n° 91-43582).

A noter : L’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié en contrat à durée déterminée (CDD) qui refuserait la modification de son contrat, sauf s’il parvient à démontrer l’existence d’une faute grave. Or la Cour de cassation retient que la faute grave d’un salarié en CDD ne peut être caractérisée uniquement par le refus de la modification de son contrat de travail (Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 12-30100).

3. Cas des salariés protégés

De jurisprudence constante, la Cour de cassation rappelle qu’« aucune modification de son contrat de travail ou aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé » (voir notamment Cass. soc., 19 juillet 2019, n° 18-14762).

Si le salarié refuse une modification de son contrat de travail ou un changement de ses conditions de travail, il convient d’abandonner la procédure et de maintenir le contrat de travail du salarié dans ses conditions initiales ou de procéder à son licenciement.

Pour mémoire, si l’employeur veut licencier un salarié protégé, il doit respecter une procédure spéciale :

• recevoir le salarié en entretien préalable à un éventuel licenciement ;

• consulter le comité social et économique (CSE) ;

• demander l’autorisation à l’inspecteur du travail ;

• notifier le licenciement au salarié protégé.

La demande d’autorisation de licenciement doit préciser, d’une part, les raisons de la modification du contrat de travail ou du changement des conditions de travail et, d’autre part, que le licenciement fait suite au refus du salarié. L’inspecteur du travail vérifie le respect des procédures de modification et de licenciement. De plus, il s’assure que le licenciement n’est pas en rapport avec les fonctions représentatives du salarié et que le motif du licenciement est bien fondé.

En outre, lorsque le refus porte sur un changement des conditions de travail, l’inspecteur du travail doit s’assurer que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail et apprécier si le refus du salarié « constitue une faute d’une gravité suffisante pour justifier l’autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en œuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié que des conditions d’exercice de son mandat » (voir notamment Conseil d’Etat, 21 février 2011, n° 323637).

A titre d’illustration, le Conseil d’Etat a estimé que le salarié refusant une mutation dans la même commune que celle où il travaillait antérieurement alors que les conditions de rémunération, d’horaires et de qualification restaient inchangées commettait une faute d’une gravité suffisante pour qualifier son licenciement (CE, 27 juin 1997, n° 163522).

Dans l’attente de la décision de l’inspecteur du travail, le salarié doit continuer d’exercer ses fonctions selon les conditions initialement prévues par le contrat de travail. Si cela n’est pas possible, l’employeur est tenu de maintenir tous les éléments de la rémunération « aussi longtemps que l’inspecteur du travail n’avait pas autorisé son licenciement » (Cass. soc., 12 janvier 2016, n° 13-26318).

Si l’inspecteur du travail refuse d’autoriser le licenciement du salarié protégé, le salarié doit être maintenu dans son poste selon les conditions initiales.

II. Changement des conditions de travail

Le changement des conditions de travail relève du pouvoir de direction de l’employeur (voir notamment Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-19711). L’employeur peut imposer au salarié des changements à condition qu’ils ne portent pas sur le socle contractuel et qu’ils respectent certains principes posés par la jurisprudence. De son côté, le salarié ne peut s’opposer au changement sous peine d’être sanctionné.

A. Éléments relevant du changement des conditions de travail

1. Rémunération

Par principe, la Cour de cassation reconnaît que toute modification de la rémunération, qu’elle soit défavorable ou au contraire favorable au salarié, s’apparente à une modification du contrat de travail (voir page 36). Néanmoins, elle admet certaines exceptions notamment concernant les avantages en nature.

En effet, il n’y a pas de modification dans la rémunération du salarié lorsque l’employeur rectifie une erreur en réintégrant des indemnités de repas et de repos journalier non soumises à cotisations sociales dans l’assiette à la suite d’un contrôle de l’Urssaf (Cass. soc., 19 juin 2019, n° 18-11272).

De même, la Cour de cassation a reconnu très récemment que la suppression d’une prestation de logement au motif que le salarié ne remplissait plus les conditions réglementaires ne constituait pas une modification du contrat de travail (Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 17-27597).

A noter : La Cour de cassation retient que les avantages qui résultent d’un usage d’entreprise et qui ne sont pas intégrés dans les contrats de travail peuvent être dénoncés par l’employeur sans que cela constitue une modification du contrat de travail. Ainsi, un employeur qui décide de dénoncer un usage qui consistait à assimiler le temps de pause à du temps de travail et qui maintient la rémunération des salariés ne modifie pas les contrats de travail (Cass. soc., 6 juillet 2005, n° 04-45037).

Par ailleurs, la Haute Juridiction a estimé que la diminution de la prime panier, non contractuelle, en raison d’un changement des horaires du cycle de travail, ne constituait pas une modification du contrat de travail (Cass. soc., 9 avril 2015, n° 13-27624).

2. Répartition de la durée et de la cadence de travail

Conformément à l’article L. 3121-45 du code du travail, l’employeur peut mettre en place une répartition de la durée du travail sur plusieurs semaines dans la limite de 9 pour les entreprises ou associations de moins de 50 salariés et dans la limite de 4 pour les structures de 50 salariés et plus. Il convient tout d’abord d’établir un programme indicatif et de le soumettre pour avis au CSE (C. trav., art. D. 3121-27). L’employeur peut alors imposer ce changement des horaires aux salariés à condition de les prévenir 7 jours ouvrés au moins avant la date du changement.

Le législateur précise également que la mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine par accord collectif ne s’analyse pas comme une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet (C. trav., art. L. 3121-43). Néanmoins, pour les salariés à temps partiel, il est nécessaire de recueillir leur accord et de formaliser cette modification par avenant.

De surcroît, la modification de la cadence de travail est un simple changement des conditions de travail lorsqu’elle n’a aucune conséquence sur la rémunération ou le temps de travail des salariés (Cass. soc., 20 octobre 2010, nos 08-44594, 08-44595, 08-44596).

3. Heures supplémentaires

Les heures supplémentaires sont les heures de travail accomplies par un salarié à temps complet au-delà de la durée légale de travail. Elles sont effectuées à la demande expresse de l’employeur par écrit ou à l’oral et n’entraînent pas de modification du contrat de travail. En conséquence, le salarié ne peut revendiquer de « droit acquis à l’exécution d’heures supplémentaires » (voir notamment Cass. soc., 14 mai 2014, n° 13-14176).

En revanche, au moment de la conclusion du contrat, les parties peuvent insérer une convention de forfait d’heures supplémentaires. Par exemple, elles peuvent décider que le salarié travaillera non pas 35 heures par semaine mais 39 heures. Si l’employeur souhaite modifier le nombre d’heures supplémentaires contractualisé et revenir notamment à 35 heures hebdomadaires, il doit demander l’accord exprès du salarié.

4. Horaire de travail

En principe, le changement d’horaire de travail ne nécessite pas l’accord du salarié si cela n’entraîne pas une atteinte excessive au droit au respect de la vie personnelle et familiale du salarié et à son droit au repos (voir notamment Cass. soc., 3 novembre 2011, n° 10-14702).

Néanmoins, la Cour de cassation admet plusieurs exceptions. Elle considère qu’il y a modification du contrat de travail lorsque l’employeur entend modifier des horaires de travail contractualisés. De même, dès lors que le changement bouleverse l’organisation du temps de travail de façon importante, il est nécessaire de demander l’accord du salarié. Tel est le cas par exemple lorsque le salarié passe d’un horaire de jour à un horaire de nuit (voir notamment Cass. soc., 25 juin 2014, n° 13-16392) ou lorsque la nouvelle répartition à pour effet de priver le salarié de son repos dominical (voir notamment Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-12846).

5. Attributions et astreinte

Au cours de l’exécution du contrat de travail, l’employeur peut être amené à faire évoluer les attributions du salarié. Si les nouvelles attributions entrent dans la qualification du salarié, cela caractérise un simple changement des conditions de travail (voir notamment Cass. soc., 29 novembre 2007, n° 06-43979). Ainsi, un salarié peut être affecté à un nouveau service avec des tâches différentes sans avoir à donner son accord. A titre d’illustration, la Cour de cassation a retenu l’existence d’un changement des conditions de travail pour un salarié initialement conducteur de tramways qui avait par la suite été affecté sur une ligne d’autobus (Cass. soc., 6 janvier 2012, n° 10-14688).

En outre, la Cour de cassation traite spécifiquement du cas des astreintes. Ainsi « lorsqu’une astreinte est une sujétion liée à une fonction et que le titulaire de cette fonction n’y est pas systématiquement soumis, sa suppression par l’employeur ne constitue pas une modification du contrat de travail » (Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 08-44092). En revanche, si le salarié effectue régulièrement des astreintes depuis 9 ans et que la mutation entraîne la perte des primes d’astreinte, cela constitue une modification du contrat de travail (Cass. soc., 19 juin 2019, 07-41282).

6. Lieu de travail

De jurisprudence constante, la Cour de cassation estime que la modification du lieu de travail est un simple changement des conditions de travail si la mutation intervient dans le même secteur géographique (voir notamment Cass. soc., 30 mai 2013, n° 12-16949). A l’inverse, l’accord du salarié est nécessaire lorsque la mutation a lieu dans un secteur géographique distinct.

Il n’existe pas de définition légale ou jurisprudentielle de la notion de « secteur géographique ». Il convient donc de se référer à la jurisprudence de la Haute Juridiction. Elle a ainsi admis que le lieu de travail situé à 20 kilomètres de l’établissement initial se trouvait dans le même secteur géographique (Cass. soc., 16 septembre 2009, n° 08-41676). Au contraire, les juges ont estimé qu’il existait deux secteurs géographiques distincts lorsque le nouveau lieu de travail était distant de 80 kilomètres du précédent et n’appartenait pas au même bassin d’emploi (Cass. soc., 20 février 2019, n° 17-24094). En outre, la Cour de cassation est parfois amenée à prendre en compte les moyens de transport à la disposition du salarié pour se rendre sur le nouveau lieu de travail afin de déterminer s’il relève ou non d’un secteur géographique différent (voir notamment Cass. soc., 3 février 2017, n° 15-21797).

A noter : Les juges peuvent également vérifier si la décision de l’employeur ne porte pas atteinte aux droits du salarié à la santé, au repos et à une vie personnelle et familiale et, le cas échéant, si une telle atteinte peut être justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché (Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-23375).

B. Procédure de changement des conditions de travail

Lorsqu’il envisage d’effectuer un changement des conditions de travail, l’employeur doit veiller au respect du principe de bonne foi contractuelle (code civil, art. 1104).

La bonne foi contractuelle est présumée (voir notamment Cass. soc., 23 février 2005, n° 04-45463). Par conséquent, il incombe au salarié qui conteste le changement de ses conditions de travail de démontrer que « cette décision aurait été prise pour des raisons étrangères à cet intérêt ou bien qu’elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle » (voir notamment Cass. soc., 3 octobre 2007, n° 06-45478). Si le salarié parvient à prouver que l’employeur a agi de façon déloyale, cela justifie son refus et il ne peut être sanctionné.

A titre d’illustration, la Cour de cassation a considéré que l’employeur avait rendu une décision exclusive de la bonne foi contractuelle en imposant à une salariée, « malgré sa situation familiale, une mutation rapide et sans explication » (Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 08-45516).

Le code du travail ne prévoit pas de procédure à respecter en cas de changement des conditions de travail. Cependant, la Cour de cassation estime que l’employeur doit informer les salariés suffisamment longtemps avant le changement. Par exemple, elle a retenu le manquement à l’exigence de bonne foi contractuelle dans la mise en œuvre d’un changement des conditions de travail pour un employeur qui avait averti ses salariés d’un déménagement de la structure seulement 1 mois avant alors qu’il avait pris sa décision depuis plusieurs mois (Cass. soc., 4 avril 2006, n° 04-43506).

C. Conséquences du changement des conditions de travail

Contrairement à la modification du contrat de travail, l’employeur n’a pas à recueillir l’accord du salarié pour effectuer un simple changement des conditions de travail. Ainsi le salarié qui refuse la décision de l’employeur peut être sanctionné. L’employeur peut prendre une sanction disciplinaire en prononçant, par exemple, un avertissement mais généralement, en pratique, il engage une procédure de licenciement.

On notera sur ce point que le simple refus d’un changement des conditions de travail ne peut constituer à lui seul une faute grave (voir notamment Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-21071). La Cour de cassation reconnaît en revanche l’existence d’une faute grave lorsque « le salarié s’était volontairement refusé, de manière réitérée, à exécuter des tâches qui lui incombaient personnellement et qu’il s’était placé dans une “situation de rupture” qui témoignait de sa volonté non dissimulée de ne plus exécuter de manière loyale et normale ses fonctions » (Cass. soc., 31 mai 2012, n° 10-22759).

Lorsque le licenciement ne repose pas sur une faute lourde ou une faute grave, le salarié doit effectuer un préavis dont la durée varie en fonction de son ancienneté dans l’entreprise ou dans l’association. L’employeur est en droit de demander au salarié d’effectuer le préavis selon les nouvelles conditions de travail (voir notamment Cass. soc., 25 novembre 1997, n° 95-44053). Si le salarié refuse, il est responsable de l’inexécution du préavis et l’employeur n’est pas contraint de lui verser l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de congés payés y afférente (voir notamment Cass. soc., 12 février 2016, n° 14-18779).

Modification discriminatoire

La modification du contrat de travail comme le changement des conditions de travail ne doivent pas être discriminatoires. La Cour de cassation veille particulièrement à faire appliquer ce principe.

A titre d’illustration, a été considérée comme discriminatoire une proposition de modification du contrat de travail survenue « après deux arrêts de 15 jours chacun prescrits dans le cadre de tentatives de fécondation in vitro en janvier et mai 2012 et après que la salariée eut annoncé en juin 2012 qu’elle serait de nouveau en arrêt pour les mêmes raisons en septembre ». La Cour de cassation a considéré que « la chronologie de ces éléments, pris dans leur ensemble, laissait supposer l’existence d’une discrimination en raison de son état de santé » (Cass. soc., 28 juin 2018, n° 16-28511).

L’accord de performance collective

Dans le but de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou de l’association ou en vue de préserver ou de développer l’emploi, l’employeur peut conclure avec un délégué syndical ou, à défaut, un membre du comité social et économique (CSE) ou un salarié mandaté selon les conditions de droit commun (C. trav., art. L. 2232-12 et s.), un accord de performance collective (C. trav., art. L. 2252-4).

L’accord de performance collective permet d’aménager la durée du travail, la rémunération ainsi que les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ou à l’association.

Les stipulations de l’accord « se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise ».

Néanmoins, le salarié a la faculté de refuser les modifications de son contrat de travail. En ce sens, il dispose de 1 mois à compter de la date à laquelle il a été informé par l’employeur de l’existence et du contenu de l’accord pour faire connaître son refus par écrit.

Par la suite, si le salarié a refusé la modification de son contrat de travail, l’employeur est tenu d’engager la procédure de licenciement dans un délai de 2 mois suivant la notification du refus du salarié.

La modification disciplinaire du contrat

Lorsqu’un salarié commet une faute dans l’exécution de son contrat de travail, l’employeur peut engager une procédure disciplinaire et procéder à une modification disciplinaire.

Sur ce point, la convention collective des entreprises de services à la personne prévoit notamment la possibilité de recourir à la mutation disciplinaire, qui correspond à un changement de poste, ou à la rétrogradation, qui s’apparente à un changement de qualification professionnelle ou de niveau hiérarchique (convention collective nationale [CCN] des entreprises de services à la personne, Partie 2, Chapitre 5, Section 3.1).

Ces transformations touchent au socle contractuel. Il convient donc de recueillir l’accord exprès du salarié pour effectuer une modification disciplinaire. En cas de refus du salarié, l’employeur peut prononcer une autre sanction et engager par exemple une procédure de licenciement (voir notamment Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-44476). Il doit cependant veiller à ne pas fonder le licenciement sur le refus de modification (voir notamment Cass. soc., 22 février 2006, n° 03-47457).

Avant de procéder à une modification disciplinaire, il convient de respecter la procédure disciplinaire. A défaut, le salarié pourrait opposer à l’employeur la nullité de la procédure. La convention collective des entreprises de services à la personne dispose d’une procédure spéciale. Tout d’abord, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre remise en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec accusé de réception en précisant l’objet, le lieu, la date et l’heure de l’entretien ainsi que la possibilité de se faire assister. L’entretien doit ensuite avoir lieu au minimum 5 jours ouvrables à compter du lendemain de la réception de la convocation. Il a pour but d’expliquer les motifs de la sanction et de demander les explications du salarié (CCN des entreprises de services à la personne, Partie 2, Chapitre 5, Section 3.2). La notification de la sanction ne peut intervenir moins de 2 jours ouvrables, ni plus de 1 mois après le jour fixé pour l’entretien (C. trav., art. L. 1332-2).

Les clauses de mobilité

Au moment de la conclusion du contrat de travail, les parties peuvent décider conjointement d’insérer une clause de mobilité. La validité de cette clause repose sur la réunion de plusieurs conditions cumulatives posées par la jurisprudence.

Elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, proportionnée au but recherché et justifiée par la nature des tâches à accomplir (voir notamment Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 96-40755). De surcroît, elle doit définir précisément la zone géographique sur laquelle elle trouve application.

A noter : L’employeur ne peut pas décider unilatéralement d’étendre la zone géographique d’application de la clause (voir notamment Cass. soc., 14 octobre 2008, n° 06-46400). De même, la clause ne peut prévoir de mutation au sein d’un groupe ou d’une unité économique et sociale (voir notamment Cass. soc., 19 mai 2016, n° 14-26556).

La mutation du salarié prise sur le fondement d’une clause de mobilité ne nécessite pas l’accord du salarié à condition toutefois que la clause soit licite.

Dossier juridique

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur