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Les enfants les plus précaires ne sont pas revenus en classe

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Après avoir fermé le 16 mars dernier, les établissements scolaires accueillent depuis trois semaines et progressivement les élèves. Or, parmi les 12 millions d’élèves, tous n’ont pas repris le chemin de l’école. Dans les familles les plus précaires les inégalités se creusent face à l’apprentissage.

Le 13 avril dernier, Emmanuel Macron justifiait la réouverture progressive des écoles par la lutte contre les inégalités : « Trop d’enfants, notamment dans les quartiers populaires et dans nos campagnes, sont privés d’école sans avoir accès au numérique et ne peuvent être aidés de la même manière par les parents. Dans cette période, les inégalités de logement, les inégalités entre familles sont encore plus marquées. C’est pourquoi nos enfants doivent pouvoir retrouver le chemin des classes », déclarait-il à la télévision.

Dans les faits, depuis la réouverture progressive des écoles mi-mai, il n’y a pas foule. A L’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au cœur d’un des départements les plus touchés par l’épidémie de Covid-19, Marie-Hélène Plard, directrice d’une école maternelle, ne compte pour l’instant que 22 enfants, en rotation selon les jours de la semaine, contre 144 avant la pandémie. « C’est inquiétant car il y a très peu de sollicitations des familles pour remettre les enfants. Dans notre quartier, à la fois fortement paupérisé et qui a été durement touché par le Covid-19, il y a une énorme crainte d’un retour à la collectivité. Concrètement, les enfants des familles les plus précaires ne sont pas revenus. J’ai échangé avec certaines, elles ne veulent pas prendre de risque. Il y a des familles qui ne ressortent toujours pas et prolonge une espèce de confinement de crainte », raconte la directrice d’école et co-secrétaire du SNUipp 93.

« Éviter la rupture pédagogique »

« Il y a des familles qui nous ont appelés à l’aide. Certaines ont été incapables pour plusieurs raisons de maintenir un accompagnement pédagogique avec leurs enfants, d’autres, au contraire, en ont fait beaucoup trop par peur de ne pas en faire assez », détaille l’enseignante.

De fait, les conditions de vie, les capacités d’accompagnement et d’accès au numérique créent un suivi des élèves à plusieurs vitesses. Selon un rapport de l’Insee publié en 2019, 38 % des usagers d’Internet manquent d’au moins une compétence numérique de base, le diplôme étant le facteur le plus discriminant. Créé en 2013, Emmaüs Connect œuvre justement à l’accompagnement et à la formation aux outils numériques des populations précaires. Contrainte à la fermeture, l’association s’est massivement mobilisée et a réussi à équiper 16 000 élèves en tablettes et ordinateurs depuis le mois de mars. Un travail mené en étroite collaboration avec différentes structures comme le Secours populaire, les écoles de la dernière chance, l’association Aurore… Emmaüs Connect a aussi distribué plus de 30 000 recharges Internet afin d’éviter la déconnexion des plus précaires. « On n’a pas pu continuer l’apprentissage des outils mais on a mis l’accent sur l’équipement pour éviter la rupture pédagogique. C’est aussi l’occasion de leur donner plus de chances pour l’après, pour l’an prochain ! », explique Victor Estienney, responsable national des opérations chez Emmaüs Connect.

« L’après », c’est aussi ce qui préoccupe l’association ATD quart monde. « Il y a des enfants qui n’ont pas dialogué avec un enseignant depuis le 13 mars, s’inquiète Marie-Aleth Grard, sa vice-présidente. Cette situation a mis en lumière ce que nous dénonçons depuis des années. D’une part, que les familles qui vivent dans une grande précarité ne se désintéressent pas du tout de l’école et, d’autre part, qu’elles veulent aussi que leurs enfants réussissent. » La vice-présidente d’ATD quart monde se montre particulièrement vigilante quant au sujet de l’orientation scolaire des enfants de milieu défavorisé « On craint, d’après des situations qui nous sont actuellement rapportées, que ça ne soit des simili consultations téléphoniques et que ces enfants se retrouvent dans des voies qu’ils n’ont pas choisies. C’est déjà très prégnant en temps normal. Nous avons peur que le phénomène ne s’amplifie. » Pour l’avenir, ATD quart monde plaide surtout pour une inclusion des plus précaires dans les réflexions sur de nouveaux dispositifs. « Sinon, on va encore les oublier et faire des propositions totalement déconnectées », conclut Marie-Aleth Grard.

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