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La médiation familiale 2.0 au temps du coronavirus

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Le confinement provoqué par la crise sanitaire ainsi que ses suites ont déstabilisé nombre de situations familiales. Celles qui étaient déjà tendues auparavant, mais aussi des équilibres moins fragiles. Pour mener à bien une quête de solutions, la médiation familiale peut jouer un rôle central. Et a déjà su se réinventer elle-même…

« Depuis quelques mois, la France et le monde sont confrontés à une crise sans précédent due à la pandémie du Covid-19. Cette situation inédite met en exergue les limites de nos modèles conjugaux et familiaux. Le confinement, pour celles et ceux qui le vivent, le subissent, peut devenir un ciment étiolé qui fait voler en éclats les fondations les plus ancrées. Selon une étude récente, seulement 30 % des couples disent avoir été rapprochés par le confinement. Quid des 70 % restants ?

Rester confiné, c’est un peu comme vivre une retraite soudaine, se retrouver côte à côte tous les jours, toutes les nuits, sans même la possibilité de pouvoir s’aérer et s’extraire du quotidien. Cet enfermement et cette cohabitation génèrent des tensions, des conflits, de la violence, sous toutes les formes qu’elle peut revêtir. L’enquête révèle que 11 % des personnes vivant en couple souhaitent prendre de la distance avec leur conjoint après la période confinée, et que 4 % d’entre elles souhaitent une rupture définitive(1).

Le confinement, un argument fort en période de conflit

Il ne faut pas omettre de s’intéresser également aux couples séparés, qui se partagent la résidence de leurs enfants. Il n’a pas été rare, ces dernières semaines, de lire certains mails : “Je n’ai pas vu mon enfant depuis 40 jours, il est chez mon ex, qui ne veut pas le laisser venir à mon domicile.” Que ce soit en résidence principale avec les week-ends partagés ou en résidence alternée, il semble que les couples qui vivaient des situations conflictuelles ont utilisé, à bon ou à mauvais escient, le confinement comme une manière de toucher l’autre. La réserve ou l’excuse de la protection de l’enfant devient alors, peut être malgré le parent, l’argument qui va conforter ce qu’on pense être le mieux.

Même au sein des couples qui avaient trouvé à l’intérieur de l’organisation de leur séparation une certaine forme d’apaisement, d’accord, l’étincelle Covid-19 a rallumé des conflits de positions impliquant souvent des différences sur les valeurs de chacun : “Nous sommes en résidence alternée et il/elle ne veut pas que notre enfant retourne à l’école. Comment faire si nos avis divergent, sachant que je ne pourrai pas garder mon enfant chez moi car je vais travailler ?” Et on peut déjà anticiper les futures problématiques liées à la conduite de la crise : “Je veux faire vacciner notre enfant et il/elle ne le souhaite pas” ; “Il/elle veut envoyer notre enfant en colonie de vacances cet été, et il n’en est pas question !” Ce virus minime a même détruit certaines des plus solides des organisations, relançant des débats autrefois liés à des arguments éthiques. Or la fermeture des tribunaux et des cabinets d’avocats laisse sans solution de très nombreuses personnes en proie aux problèmes familiaux parfois les plus complexes qu’ils aient jamais rencontrés.

Cette période a fait naître au sein des services de médiation familiale de nouvelles formes de communication et d’entraide – un élan national qui doit être entretenu. Car si la pratique est aujourd’hui reconnue, les professionnels œuvrant dans ce champ ont conscience, aujourd’hui davantage encore qu’hier, de l’aide qu’ils peuvent apporter aux personnes en situation de conflits. Lesquels sont très divers. Batailles liées aux personnes en situation de vieillissement ; guerres autour des placements en Ehpad ; droits de visite non respectés auprès des grands-parents ; mais aussi conflits entre parents et enfants qui vivent sous le même toit, notamment les adolescents ou les jeunes adultes… Toutes ces situations ont accru un malaise sociétal exacerbé par une promiscuité forcée.

“La médiation familiale est un processus de construction ou de reconstruction du lien familial axé sur l’autonomie et la responsabilité des personnes concernées par des situations de rupture ou de séparation, dans lequel intervient un tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir de décision – le médiateur familial – qui favorise, à travers l’organisation d’entretiens confidentiels, leur communication, la gestion de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité et dans son évolution.” Ainsi le Conseil national consultatif de la médiation familiale la définissait-il en 2002. La médiation familiale s’adresse à toutes les personnes qui se trouvent dans une situation de rupture : couple en instance de séparation ou déjà séparé, grands-parents souhaitant garder des liens avec leurs petits-enfants, organisation de la prise en charge de parents devenus âgés et dépendants, succession conflictuelle, conflit de parents avec de jeunes adultes ou une fratrie.

Trouver un espace neutre pour échanger

L’objectif est alors de trouver un espace neutre pour discuter, échanger en présence d’un tiers, comprendre ce qui se joue du côté de l’enfant et de chacun des parents, réfléchir sur la façon dont on vit la séparation et être accompagné, valoriser les compétences parentales, permettre de passer d’un couple conjugal à un couple parental, maintenir les liens entre l’enfant et les membres de sa famille et trouver des accords afin de remédier aux difficultés.

La “médiation d’après”, la “médiation 2.0”… Ces derniers jours, tous les termes ont été utilisés dans les différents articles rédigés sur la médiation familiale. Certains dispositifs se sont créés, élargis, englobant parfois du soutien à la fonction parentale. D’autres ont, pour la première fois peut-être, réalisé des entretiens via des plateformes de visioconférence, et ce, sans dénaturer le principe même de précaution du cadre de la médiation familiale.

Cela témoigne de la grande créativité dont font preuve ces professionnels spécialisés du champ de la famille dans son sens élargi. Quoi qu’il en soit, la médiation familiale, à coup sûr, a fort à jouer, et gageons que l’organisation du déconfinement et la gestion de la crise sociale et économique encore à venir sauront s’entourer de ces professionnels qui ont également été en première ligne durant la période de confinement. Cette capacité à nous adapter, à changer les habitudes doit nous permettre aujourd’hui d’élaborer les prémices d’une métamorphose conjugale et parentale. La médiation familiale en ces temps de crise doit inspirer et être encouragée pour ensuite faire système. »

Notes

(1) Selon une enquête Ifop-Charles.co publiée par Le Parisien.

Contact : www.fenamef.asso.fr.

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