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Des prisons allégées et des peines à repenser

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Les professionnels de l’accompagnement des personnes incarcérées ont dû s’adapter aux mesures sanitaires provoquées par la libération de milliers de détenus durant le confinement. Et la crise a réaffirmé leurs convictions : il faut poursuivre le désengorgement, repenser l’accès aux droits ainsi que la préparation à la sortie et favoriser les alternatives à l’incarcération.

Les prisons françaises ont vu sortir 13 500 détenus de leurs murs durant le confinement. « Quand il y a moins de monde, la vie se passe mieux, pour les prisonniers comme pour le personnel », expose Julien Magnier, secrétaire national CGT insertion et probation et conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation à la maison d’arrêt d’Amiens.

Un désengorgement salué par les professionnels de l’accompagnement : la crise aura montré qu’il est « possible de baisser la surpopulation carcérale. C’est une décision politique, c’est matériellement possible », insiste Justine Baranger, cheffe de service des points d’accès aux droits pénitentiaires du Casp-Arapej (Centre d’action sociale protestant – Association réflexion action prison et justice). Mais ce tournant, initié dans l’urgence, s’inscrira-t-il dans le temps ? « Des moyens considérables ont été déployés. Avec un fonctionnement normal de la justice, pas sûr que cela tienne », craint la responsable.

« Ne pas tout reposer sur l’associatif »

Le numéro vert de l’Arapej, accessible à tous les détenus sur le territoire, n’a cessé d’être sollicité : « Nous avons augmenté de 50 % le nombre d’appels traités », indique sa coordinatrice, Marine Dorso. Les interrogations portaient en grande partie sur les libérations anticipées et les réductions de peines. Nombre de détenus, parmi les 13 500 concernés, avaient « des reliquats de peine très faibles, de deux à six mois ; pourtant rien n’avait été préparé pour eux. Les problèmes de prise en charge et de sorties sèches ont vraiment été mis en lumière », affirme Marine Dorso. Domiciliation, hébergement, titres de séjours : à l’avenir, il s’agira de redoubler d’effort sur « le lien dedans-dehors, et faire en sorte que la prison ne soit pas un temps de rupture de droits, mais de suivi et de continuité », prône Justine Baranger.

L’accompagnement des sortants s’est avéré être encore trop « dépendant des partenaires extérieurs pour le projet professionnel, le logement, l’intégration dans un réseau social », liste Julien Magnier. A l’avenir, l’administration devrait « se doter de moyens propres et de structures d’hébergement dans le civil. Tout ne peut pas reposer sur l’associatif ! », insiste-t-il. Le Casp-Arapej compte orienter davantage son numéro national sur ces enjeux : «  [Après ces deux mois], nous nous sommes dit que le public en milieu ouvert allait avoir encore plus besoin d’accompagnement et qu’il faut éviter les sorties sèches… Nous allons mettre en place cela au fur et à mesure », soutient Marine Dorso qui ajoute que la crise a permis d’affirmer un « consensus sur la nécessité de repenser des alternatives à l’incarcération ».

Se concentrer sur la réinsertion

La proportion de sortants de prison au sein des centres de rétention administrative, en particulier celui du Mesnil-Amelot, a été très élevée lors du confinement. « Cela invite à étudier la place des étrangers en détention ainsi que le problème de leur accès aux droits », suggère Justine Baranger. Les procédures administratives sont « très compliquées pour les personnes étrangères ; elles le sont encore plus lorsque ces dernières sont en détention, ou font des aller-retours entre prison et rétention ». L’enjeu reste, au fond, de travailler davantage sur le « passage du droit dérogatoire au droit commun », souligne-t-elle.

Le désengorgement s’est effectué aussi grâce à une baisse du nombre d’entrées : « Pour le monde d’après, il faudrait que le parquet et les juges de la détention prennent conscience qu’il existe donc d’autres alternatives », fait valoir Julien Magnier. Le placement en détention provisoire « est devenu une habitude, or il y a des possibilités de suivi à l’extérieur. On pourrait aussi libérer plus tôt, en mettant davantage de moyens sur la sortie », argumente-t-il.

« Il faut repenser la prison : tous les établissements devraient être centrés sur la réinsertion par la formation, le travail… », fait valoir Marine Dorso, qui donne l’exemple de Casabianda (Haute-Corse), un centre de détention unique en France, en milieu ouvert et axé sur le travail agricole. « Nous ne recevons aucun appel de Casabianda : la prise en charge fonctionne », assure-t-elle.

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