Recevoir la newsletter

« Continuons à entretenir cette richesse »

Article réservé aux abonnés

Vincent Faraldi a obtenu son diplôme d’éducateur spécialisé en 1998. Agé de 46 ans aujourd’hui, il est chef d’un service de prévention spécialisée et d’un service d’action éducative en milieu ouvert (AEMO) en Ardèche. Un poste qui lui permet d’essayer de « faire bouger les choses de l’intérieur ». Car l’ancien éducateur ne se fait pas d’illusion : si le travail social doit se réinventer, cela viendra du terrain. Pas des « technocrates du social ». Il ne sait pas encore si la période de confinement va engendrer des modifications dans l’exercice de la profession ou si tout va reprendre comme avant : « Il est trop tôt pour le dire. Nous n’avons pas encore mesuré toutes les épreuves traversées par les familles et les professionnels. Nous mettrons à plat ce qui a changé dans nos pratiques après l’été. Pour l’heure, nous n’avons pas assez de recul. » Il espère, toutefois, que l’expérience vécue pendant ces deux mois fasse évoluer le travail social.

En prévention spécialisée d’abord où les équipes ont dû redoubler de créativité pour garder le contact avec les adolescents des cyberterritoires. Plus que jamais, les réseaux sociaux, les textos, les vidéos… ont joué à plein. Un phénomène qui a mis en évidence la force du lien noué auparavant avec les jeunes et la pertinence des outils numériques. « Nous n’allons pas devenir des éducateurs 2.0 mais cela nous a permis d’entrer en relation avec des jeunes ignorés de nos services, qui sont venus à nous par des copains de Facebook. C’est un public que l’on n’aurait pas forcément touché avec le travail de rue traditionnel », reconnaît Vincent Faraldi. Et d’ajouter : « Charge à nous de valoriser ça et de continuer à entretenir cette richesse. Mais ce ne sera possible que si les pouvoirs publics nous suivent. Or la prévention spécialisée est souvent le premier fusible ou la variable d’ajustement en protection de l’enfance quand il faut serrer les budgets. »

En service d’action éducative en milieu ouvert (AEMO), le confinement aussi a bousculé quelques idées reçues. « Après une phase de déstabilisation et d’inquiétude, l’accompagnement à distance a révélé plus de compétences que de limites chez beaucoup de familles. Elles se sont mobilisées pour assurer la continuité éducative et ont sollicité l’équipe alors que nous pensions parfois qu’elles n’adhéraient pas aux mesures judiciaires prises. C’est un basculement intéressant et un signal fort », assure le chef de service. Il a été surpris également de voir que des parents pouvaient avoir un entretien de 45 minutes à distance avec un travailleur social qu’il ne connaissait pas afin qu’il mette en place une mesure ordonnée par le juge pour enfants ou le conseil départemental. « Habituellement, cela se fait en allant chez les gens », précise-t-il.

Repenser la place des familles

De quoi ajuster les accompagnements ? Peut-être. « Nous avons toujours accordé de l’importance à la place des familles dans notre travail. Mais depuis le confinement, notre approche se décale un peu. Le travail social en France est quelque chose de très descendant, le travailleur social se positionne en “sachant”. C’est lui qui sait. L’occasion est venue de réinterroger la place que nous donnons vraiment aux familles que nous accompagnons. Les lois de 2002 et 2007 encouragent à considérer davantage leur parole. Mais jusqu’alors, c’est resté un vœu pieux. Nous travaillons à partir de grilles que nous construisons nous-mêmes. Il est temps de fabriquer de nouveaux outils avec les familles en les considérant comme les vrais experts qu’ils sont », suggère Vincent Faraldi.

Même s’il a traversé des moments de découragement au cours de sa carrière, l’ancien éducateur conserve cette fibre sociale. Mais il est lucide : beaucoup de travailleurs sociaux sont en souffrance, d’autres jettent l’éponge ou s’installent en libéral pour être davantage en adéquation avec leurs valeurs. La marchandisation est en route : « Je fais le parallèle avec ce que viennent de vivre les personnels soignants. Nous sommes dans les mêmes mécanismes. Nous ne faisons pas ce métier pour avoir une médaille ou une prime. Mais les seuls retours que nous ayons, c’est le chiffre et la justification de notre activité. Je souhaite que l’obligation de résultat se transforme en obligation de moyens. » Et maintenant ? Pour Vincent Faraldi, il faut s’engager et donner la parole aux professionnels de terrain. C’est ce qu’il fait sur le ton de l’humour et de la dérision avec sa page Facebook « L’éducateur spécial lisez » qui rassemble 40 000 abonnés. Mais il le précise, c’est sur son temps libre !

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur