Ils n’ont pas de visage, pas d’histoire mais ils promettent de n’être « Plus jamais seul ! ». De quoi s’agit-il ? De robots virtuels, d’enceintes connectées et autres assistants vocaux… Des « machines parlantes » qui commencent à se multiplier et qui inaugurent un nouveau règne de l’intelligence artificielle, selon Serge Tisseron, psychiatre spécialiste de cyber psychologie. Avec elles, ni clavier, ni souris, ni télécommande, ni application. Juste une voix synthétique : « Dites “Allô Siri”, “Alexa”, “OK Djingo”, et la machine se met à l’écoute. Il suffit alors de lui demander :“Je voudrais voir un film d’action”, “Ferme un peu les volets”, “Peux-tu m’indiquer la météo de demain” » et le tour est joué. Certains de ces appareils peuvent même passer des coups de fil en se faisant passer pour un être humain. En 2023, un tiers de la navigation sur le web pourrait se faire sans aucun écran. Si aucune de ces machines ne sera jamais suffisamment intelligente pour remplacer les interactions et la complexité humaines, un véritable bouleversement est en cours. Pas seulement dans la vie quotidienne mais également dans l’accompagnement des populations les plus fragiles. Jusqu’ici, les robots de compagnie expérimentés dans certains Ehpad ou auprès de personnes âgées à domicile n’ont pas remplacé les soignants ou les intervenants socio-médicaux. Mais qu’en sera-t-il demain lorsque leur utilisation se généralisera, que les données personnelles seront recueillies jusque dans les chambres à coucher ou encore que la ressemblance avec la voix humaine finira par semer la confusion ? Au point de croire que les machines ont des sentiments et de l’empathie. Et de s’y attacher. Un mot existe déjà pour les nommer, les « émorobots ». L’auteur prévient : « Ces machines pourraient alors se révéler non seulement de redoutables instruments pour manipuler les émotions mais, au-delà, les pensées et même les comportements d’une personne ».
« L’emprise insidieuse des machines parlantes » – Serge Tisseron – Ed. Les liens qui libèrent, 17 €.