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Violences conjugales : le huis clos accélère la prise de conscience

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Face à la montée des violences intrafamiliales lors du confinement, les associations qui accompagnent des femmes victimes dressent leurs constats. Parmi les axes de travail à venir : améliorer la prise en charge des violences psychologiques, déployer d’autres formes de médiation, veiller aux personnes invisibilisées, femmes en situation de handicap et LGBT+ en tête.

Jocelyne Vaysse vient d’enchaîner cinq appels dans la matinée : médecin praticien hospitalier et psychologue à la retraite, elle est écoutante de la ligne téléphonique dédiée aux victimes de violences de l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir (FDFA). Une femme de 76 ans, « rendue presque aveugle par les coups de monsieur », lui a assuré « avec beaucoup d’énergie » vouloir divorcer. Une autre a témoigné d’un mari alcoolisé, devenu plus violent avec le confinement. La période a ceci de particulier que « l’enfermement avec monsieur ou avec une famille délétère fait émerger des prises de conscience, et fait dire à nombre de femmes : cette fois-ci, je divorce, je porte plainte – alors même qu’elles subissent ces situations depuis des années », expose Jocelyne Vaysse. Avec le déconfinement, le départ du domicile se profile. Sur ce sujet, « nous nous attendons à une grande vague d’accompagnement », abonde Thomas Humber, co-fondateur de l’association En avant toute(s) et éducateur spécialisé de formation.

Violences psychologiques

Pendant deux mois, de nouvelles formes de violences ont émergé, d’autres ont été exacerbées. Ynaée Benaben, co-fondatrice d’En avant toute(s), souligne la « prévalence des violences psychologiques et sexuelles ». Si ces dernières demeurent d’ordinaire « taboues » dans les échanges, « là, beaucoup plus de personnes venaient nous parler directement de viols conjugaux répétés, par exemple ». S’agissant des violences psychologiques, celles-ci desservent une mécanique de l’emprise et ont pu se concrétiser par la privation d’échappatoire. Certaines femmes confient auprès de Jocelyne Vaysse être interdites de courses par leurs compagnons. « La police ne se déplace pas pour des violences psychologiques ; or il y en a eu beaucoup pendant le confinement : elles n’ont pas été bien entendues », pointe Laurence Morin, travailleuse sociale au centre Flora Tristan.

Certaines pratiques d’accompagnement novatrices ont fait leurs preuves. En avant toute(s) anime un tchat depuis fin 2016. Grâce à des partenariats, il a pu être assuré sept jours sur sept sur des créneaux plus larges à l’heure du confinement : l’association a constaté une augmentation de 330 % des échanges. « Nous allons nous battre pour garder la même plage horaire, au moins sur quatre mois », précisent les responsables. L’outil écrit numérique a l’avantage de la discrétion. « Au début, nous ne recevions aucun appel téléphonique car les femmes avaient peur en présence de leur compagnon », raconte Laurence Morin. Première approche avant l’accompagnement de long terme, le tchat constitue une « manière nouvelle de répondre, appelée par la conjoncture. Elle doit venir en complémentarité des dispositifs existants », défend Thomas Humbert. Le travail en réseau a aussi été mis en avant. Structures spécialisées dans les droits des femmes, l’accompagnement des jeunes ou la prise en charge de la violence : « Il s’agit de croiser tous ces espaces sociaux qui ne travaillent pas toujours ensemble, tandis que nos publics ont besoin de cette symbiose », rappelle Ynaée Benaben.

Accompagner des publics souvent situés dans les angles morts s’est aussi avéré être une nécessité. FDFA s’adresse aux personnes en situation de handicap. Pendant le confinement, les handicaps moteurs ont pu, selon les situations, « compliquer la possibilité de partir » chez certaines femmes ou les « empêcher d’esquiver certains coups », explique Jocelyne Vaysse. Les handicaps psychiques, très divers, peuvent accentuer des vulnérabilités ou « affaiblir le raisonnement pour se défendre de l’emprise » d’un compagnon, d’un entourage ou d’un voisinage malveillant. Enfin, les personnes LGBTQI+ constituent aussi un public « toujours aussi présent, toujours en demande, mais faisant face parfois à un désert dans la prise en charge », rappelle Ynaée Benaben. Sur ce point, l’anonymat du tchat en fait un outil qui « ne discrimine pas, et est en cela complètement inclusif », fait valoir Thomas Humbert.

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