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Ni fleurs ni couronnes

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C’était en mars 2017. Un candidat à l’élection présidentielle visitait un Ehpad et, interpellé par des soignantes fatiguées à propos du manque d’effectifs, leur posait cette question méprisante : « Vous voulez que je fasse de la dette supplémentaire ? »

C’était en juillet 2017. Une aide-soignante parlait de sa faible rémunération, et un médecin lui répondait avec dédain : « T’avais qu’à faire médecine, cocotte ! »

C’était en avril 2018. Un président, en visite dans un centre hospitalier universitaire, était interpellé par une soignante à propos du manque de moyens des hôpitaux. S’ensuivait alors cette petite phrase paternaliste : « Il n’y a pas d’argent magique. »

C’était en février 2020. Elodie, une infirmière de 30 ans, mère de deux jeunes enfants, était mortellement poignardée dans son service. Quelques jours plus tard, une députée demandait une minute de silence pour cette soignante morte dans l’exercice de ses fonctions, et la réponse est tombée, lapidaire : « L’usage limite la pratique des minutes de silence à des cas exceptionnels et solennels. »

C’était en mars 2020, un présentateur télé assénait cette réflexion incroyablement arrogante :

« La pleurniche permanente hospitalière fait qu’on est en permanence au chevet de notre hôpital. »

C’était en avril 2020. Une députée annonçait avoir remis la blouse pour aller prêter un coup de main en Ehpad pendant la crise. Quelques-uns la félicitaient pour son engagement, et une utilisatrice d’un réseau social, bien planquée derrière son anonymat, se moquait publiquement :

« Elle ne sauve pas des vies, elle change les couches des mémés la nuit. »

On les a entendues, ces petites phrases. On l’a bien compris, ce mépris. On les a vus, ces regards fuyants et empreints de dégoût, de ceux pour qui nous ne sommes rien, voire moins que rien. Rien que ceux qui brassent de la crasse pendant qu’ils jacassent avec classe.

Toi, le soignant usé, fatigué, soigne ! Et tais-toi ! Surtout, ne fais pas trop de bruit, souffre en silence et pleure avec élégance. Et mouche ton nez, ça fait pas beau sur la photo.

Et puis… le virus, la crise, la pénurie de masques, de matériel, de soignants, de tout… Les morts par centaines, puis par milliers… Et, soudain, les soignants sont en première ligne, les soignants sont merveilleux, les soignants sont les héros de la nation !

Applaudis, encensés, héroïsés, nous partons travailler le cœur léger, graciles comme la gazelle bondissant joyeusement devant vos yeux émerveillés. Parés de nos tenues immaculées, le masque protecteur et l’auréole étincelante, il ne nous manque que la cape pour nous draper majestueusement dans notre dignité retrouvée. Nous faisons la « une » des journaux, nous sommes interviewés et écoutés, nous sommes enfin des voix et des visages et nos banderoles sont nos paroles. Nous sommes là, nous existons, enfin !

Graciles… et fragiles. Le virus tue aussi les héros. Les soignants tombent et succombent, et nos banderoles sont nos linceuls.

Pour nous, ni fleurs ni couronnes, mais des primes et des médailles. Des primes pour ceux qui triment et des médailles pour la piétaille.

La minute de Flo

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