Comment répondre aux injonctions à la bientraitance en institution et, dans le même temps, à la rationalisation budgétaire ? Comment concilier des taux d’encadrement réduit et les exigences de personnalisation des accompagnements, la logique gestionnaire et le risque de standardisation ? Ces paradoxes rendent les positionnements des professionnels du secteur sanitaire, social et médico-social de plus en plus complexes. Des pratiques ancrées de longue date ou, au contraire, novices, l’adaptation imposée à des textes réglementaires et de nouveaux référentiels renforcent encore les difficultés. Mais comment définir le seuil de ce qui est maltraitant ou non ? « Les termes de violence et de maltraitance sont souvent utilisés comme synonymes ou associés sans précision. Ce flou autorise de multiples réinterprétations, même si tous s’accordent à dire que les maltraitances sont une forme de violence », souligne le sociologue Frédéric Mennrath, dans cet ouvrage. Son enquête repose sur des entretiens individuels et collectifs menés auprès de 35 professionnels de 16 établissements. Pour ces derniers, les contraintes institutionnelles, les placements non choisis ou par défaut, les règles de vie collective… sont vécus par certains usagers comme une maltraitance subie. Les conflits qui en résultent avec les professionnels ou les autres usagers peuvent alors s’apparenter à une forme de résistance à la tentative de normalisation de leurs comportements. C’est le cas, par exemple, de jeunes dont l’orientation en institut thérapeutique, éducatif et pédagogiques (Itep) est perçue comme injuste. Plusieurs périodes de l’année (Noël, vacances…) rappelant le lien ou son absence sont également propices à la violence des personnes accueillies. Certaines sont aussi maltraitantes malgré elles, par manque de discernement, par manque d’absence d’intention liée à leur pathologie. Autre facteur de risque : l’usure liée aux conditions de travail des professionnels. Si les violences s’inscrivent dans divers dysfonctionnements, toutes ne se valent pas : celles exercées par les professionnels sont moins souvent signalées que celles exercées par les usagers…
« Violences en institution, bientraitance en situation » – Frédéric Mennrath – Presses universitaires de Grenoble, 21 €.