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« Un léger sentiment d’inutilité »

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« L’annonce tombe comme un couperet. La fermeture des écoles. Je n’ai rien vu venir. Ces mots m’explosent au visage. Je n’ai rien vu venir. Rien préparé non plus. Hier j’étais encore en intervention en classe de 5e. Tout proche d’eux. J’ai passé ma journée avec les élèves, un intervenant extérieur et le professeur principal. Nous avons parlé de persévérance scolaire, de méthodes de travail, de vivre ensemble. Je n’ai rien pris. J’ai eu l’impression de partir comme une voleuse. Pas de dossiers, restés au placard. Juste ma mémoire. L’adaptation, heureusement, est une de mes qualités. Je ne croyais pas à ce qui arrivait. J’étais comme prise dans une spirale, un déni. Je n’ai pas fermé la porte de mon bureau, avec l’impression de partir pour longtemps. Non. Le quotidien du confinement a débuté. Comment accompagner des élèves, des familles, sans avoir accès à eux ? Le téléphone est devenu en quelques heures notre unique lien. J’entends mes formatrices de l’école ou de stage me rabattre les oreilles avec “le lien à l’usager”. L’essence de notre travail. Et voila que nous nous retrouvons tous isolés, loin les uns des autres. Le service social doit continuer. Tant bien que mal. Un sentiment d’inutilité s’est dégagé durant plusieurs jours, plusieurs semaines. Il m’a fallu digérer, accepter mon impuissance. Ce qui fait parfois notre essence professionnelle, le “moi-professionnel”. Non loin de là, le “moi-individu” interfère. Ce qui se passe à l’extérieur est angoissant, nos pensées sont à nos proches… Une douce invitation au repli m’a envahie. Il est très difficile de lutter contre cette force. Prise entre le besoin de se préserver et l’appel de la réalité des établissements, j’ai parfois été bien en difficulté face à mon écran. Mails, messages ProNote se succèdent et se ressemblent. Envahie ! C’est ce que j’ai pu ressentir, chaque matin, en ouvrant ma boîte mail. Je dois réinventer ma pratique, au moins pour un temps. Etrange parenthèse. La subir ou en profiter pour évoluer. Plus que jamais, j’ai eu besoin de partager avec mes collègues assistants de service social du secteur, éducateurs… Nous sommes tous logés à la même enseigne et amenés à opérer un décalage, créer une nouvelle façon d’accompagner. Plus que jamais, nous faisons appel à notre créativité, loin des protocoles, de tout ce qui est déjà connu et rassurant.

Au sein de mon établissement principal, une réelle dynamique s’est impulsée. Conseiller principal d’éducation (CPE), infirmière, psychologue et moi-même nous unissons dans ce temps suspendu. Nous avons appris à mieux nous connaître et sommes désormais bien plus soudés. Entre expérimentations, défis et idées saugrenues, il nous paraît nécessaire d’apporter du rythme au quotidien des élèves. Un espace aussi. Une sorte de bureau 2.0. Que vivent-ils ? Notre CPE a alors proposé qu’une discussion soit ouverte par classe, via ProNote, afin de nous permettre de garder le contact avec eux. Les élèves les plus jeunes ont été les plus réceptifs. Les professeurs principaux ont eux aussi joué le jeu. Ces temps de crise me laissent âpre face à des valeurs qui me sont chères et que j’essaie d’insuffler aux élèves : celle du bien vivre ensemble, du respect et de la bienveillance. Respecter l’Autre, celui qui me soigne ou me soignera, me nourrit, de qui j’apprends ce que je ne sais pas, que je ne connais pas, qui n’est pas encore né et tous ces Autres. »

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