« Nous avons dû, comme beaucoup, nous adapter : aller travailler sur de nouveaux groupes, avec de nouveaux jeunes et de nouvelles équipes. Ce fut clairement la valse des éducateurs, avec des arrêts maladie, dont certains à cause des conditions de travail. Pour une de mes collègues, il a fallu attendre qu’une éducatrice attrape le Covid-19 pour avoir des masques dès le lendemain. Tout l’inverse de “mieux vaut prévenir que guérir” !
Côté organisation, nous avons été dispatchés sur différents foyers de protection de l’enfance de notre association. A l’origine, nous sommes des éducateurs dans le handicap, mais pour beaucoup nous avons la double casquette. Dans l’ensemble, nos chefs de service ont essayé de faire tant bien que mal, nous avions des réunions téléphoniques chaque jeudi matin afin de faire un point sur chacun de nos suivis. Pour une équipe de quatre éducateurs, nous avions deux jeunes par éducateur. Mais pour certaines situations, il a fallu plus que des coups de téléphone aux familles. Nous avons dû organiser des visites à domicile. Sur le principe, c’était bien, sauf que nous avons dépassé nos missions. Pour avoir travaillé en placement familial, je sais très bien qu’il est difficile d’être sur le terrain pour chaque situation. Donc c’était logique que pour ceux que nous accompagnons, nous allions soulager les collègues de la protection de l’enfance. Pour beaucoup, ces visites ont fait du bien ; pour d’autres, c’était le strict minimum que l’on pouvait faire face à des situations complexes : changement de famille d’accueil en plein confinement, repères mis à mal, suivi compliqué à distance.
Mais ce que je vais retenir de ce moment délicat, c’est l’union de notre équipe et les retours des jeunes qui ont tous demandé des nouvelles de chacun des jeunes et des éducateurs. Il y a eu des angoisses, des joies, des étonnements, des petites colères… que nous avons partagés dans un groupe de discussion pour échanger aussi nos informations et les bonnes nouvelles sur nos jeunes quand il y en avait. Je pense que nous allons ressortir plus soudés que jamais et nous avons hâte de nous revoir, d’accompagner de nouveau nos jeunes. Se sentir coupé du monde pour des jeunes avec des troubles du comportement est une épreuve difficile. Je tiens à féliciter toutes les familles qui ont su faire du mieux qu’elles pouvaient pour les prendre en charge avec, pour la plupart, les moyens du bord. En attendant que l’internat reprenne le 25 mai, nous bricolons des emplois du temps comme nous le pouvons, les idées de chacun sont bonnes à prendre ! »