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« La sensation de les avoir plantés »

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« Nous sommes le mercredi 11 mars dans les locaux de France terre d’asile. Ils ont entre 25 et 32 ans, sont afghans, maliens, nigérians. Moi, j’ai 60 ans et je donne des cours d’alphabétisation chaque semaine depuis plusieurs années. C’est mon groupe d’apprenants. Coronavirus, un mot terriblement difficile à prononcer quand on ne maîtrise pas la langue française, surtout avec ces “r” qui n’entrent pas dans la phonétique de leurs langues maternelles. Ils ont peur et c’est encore plus compliqué de tenter de m’en expliquer la raison. Mais on se connaît et on sait mettre en place des stratégies pour se comprendre.

Le dessin, le langage gestuel, les mains beaucoup, mais aussi les sourires sont des outils précieux pour ce faire. Et puis les expressions du visage sont internationales. On va tenter de formuler cela par une phrase et je l’écrirai en français structuré au tableau. Je souris parce que moi je n’ai pas peur. Certes il y a des morts. Quel âge ont-ils ? 97, 82, 78, 60 ans… Quelle belle occasion de manipuler des nombres tellement compliqués à mémoriser ! D’un échange qui se veut réassurant, on réussit à faire des mathématiques. L’atmosphère un peu oppressée de début de séance se détend doucement et c’est, à nouveau, une opportunité de parler “médecin”, “symptômes”… Je finis le cours avec un jeu de Uno avec en visuel ces dizaines si compliquées.

Et puis vient le mardi 17 mars, premier jour du confinement. Le soir même, je reçois un message de l’un d’entre eux. Les traducteurs automatiques sont une belle invention : “Comment allez-vous ?” Je suis touchée et heureuse. Mon jeune interlocuteur s’inquiète pour moi. Je suis une senior et le message est bien passé. Il a prévu de travailler des exercices de français sur Internet et va regarder des films en attendant que ça passe. Il me souhaite bon courage et me dit à bientôt. Mais j’ai cette désagréable sensation de les avoir plantés là. Qu’en est-il de leurs angoisses autour des ravages de ce virus sur la planète entière ? Leurs proches restés au pays vont-ils bien ? Je pense tout particulièrement à cette jeune femme, mère de trois enfants dont deux sont restés en Grèce avec leur père. J’ai essayé d’entrer en contact avec ceux dont j’ai le numéro de téléphone. Mes messages restent sans réponse. Difficultés techniques, de communication écrite ?

Lundi 11 mai : France terre d’asile vient de nous informer que les bureaux d’accueil seront ouverts dès ce jour avec un protocole sanitaire strict comme partout. Aucune intervention des bénévoles ne recommencera avant le 2 juin. Comment faire en sorte que la distanciation physique ne devienne pas la distanciation sociale ? On réinventera. »

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