« Depuis le début de la crise sanitaire, je fais partie des aides-soignantes assignées afin de renforcer les équipes en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Habituellement, je suis responsable syndicale. C’est une dure épreuve pour moi émotionnellement de reprendre mes fonctions d’aide-soignante dans un Ehpad public, situé en zone rouge, où la propagation de ce virus invisible touche particulièrement les personnes âgées si vulnérables et bouleverse l’activité de notre secteur. J’ai ressenti de la peur, celle de contracter le Covid-19 et de le transmettre à ma famille ou aux résidents.
Le travail quotidien des soignants a été très difficile. Comment prendre soin de 40 personnes avec seulement trois aides-soignantes et des précautions supplémentaires importantes ? Les difficultés se sont aggravées par l’absence des collègues ayant été contaminés et/ou retenus à domicile pour garder leurs enfants. Le renfort des services “supports” (administratifs, diététicienne, ouvriers…), mobilisés pour nous apporter de l’aide, a été très apprécié. J’ai ressenti une grande solidarité de tous ces collègues très impliqués. J’ai pris plaisir à contribuer aux soins, à l’alimentation, à l’hydratation, au soin relationnel… Les résidents ont été très reconnaissants mais tellement angoissés car privés des visites de leur famille, d’activités en commun et n’ayant plus de repères avec des nouveaux visages masqués. Heureusement, aucun n’a été infecté.
Cependant, ce métier suscite une charge physique et mentale importante. Usés, éreintés, nous ressentons une telle pénibilité qu’on en perd parfois le sens du travail dans cette cadence infernale. Il faut prendre du recul afin d’éviter la robotisation, préserver et garder notre empathie et notre énergie. Mais comment ? Mon engagement dans un métier passionnant me permet de trouver les ressources nécessaires. Mais comme toutes mes collègues, je constate le peu de reconnaissance salariale de notre travail. Plus que jamais, je suis prête à repartir en lutte pour un salaire et des conditions de travail décents ».