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« Est-ce que les jeunes m’ont oublié ? »

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« En temps normal, je fais partie d’une équipe éducative de trois professionnels qui accompagne quatre adolescents avec une déficience intellectuelle sévère à profonde.

L’accueil des jeunes s’est arrêté à la mise en place du confinement, et l’ensemble de l’équipe est entré en télétravail. En tant que professionnel de terrain, j’ai pour habitude d’accompagner physiquement les jeunes dans leur développement et leurs apprentissages. Ne pouvant plus être à leurs côtés, j’ai dû changer ma pratique quotidienne.

Ma mission première a été d’appeler régulièrement les familles pour prendre des nouvelles de leur enfant et recueillir leurs besoins éventuels en matériels éducatifs ou de loisirs. Il fallait s’adapter à la situation et ne pas perdre de vue les objectifs inscrits dans le projet individuel des jeunes. Les appels me permettaient également d’entendre les difficultés de certaines familles et de leur proposer un soutien via les psychologues de l’établissement. J’ai rapidement ressenti une forme de frustration à ne pas pouvoir prendre le relais de ces familles en souffrance, à ne pas pouvoir intervenir physiquement. Je me sentais parfois inutile au téléphone face à la détresse des parents qui avaient peur de se sentir coupables et responsables en cas de problème avec leur enfant.

Pour des personnes autistes, les journées sont rythmées par des rituels. Lorsque ceux-ci sont chamboulés, elles perdent leurs repères. J’ai été angoissé pour mes jeunes. Je me suis mis à leur place. Ils n’ont pas dû comprendre la situation. Ils devaient s’interroger : pourquoi je ne peux pas retourner à l’institut ? Pourquoi je ne peux pas aller dehors ? Suis-je puni ? Ce contexte a généré des troubles du comportement chez certains d’entre eux.

L’établissement va rouvrir le 18 mai. Mais ce ne sera pas pareil qu’avant. En tout cas pas tout de suite. Certaines familles ne veulent pas remettre leur enfant à l’institut car elles ne sont pas encore rassurées par l’état de la pandémie. L’internat ne pourra pas rouvrir tout de suite, ce qui va pénaliser les jeunes et les familles qui en bénéficient, principalement à cause de l’éloignement géographique. Nous devons aussi respecter un nombre maximal de personnes – professionnels et usagers – dans les lieux, et l’équipe réfléchit à une nouvelle organisation pour pouvoir continuer à aider tout le monde.

A partir du 18 mai, je vais jongler entre l’accompagnement de jeunes sur le site, en télétravail, et les visites à domicile avec les mesures sanitaires en vigueur. Il est indispensable pour ce public de garder un lien de proximité pour que le retour à l’institut ne soit pas trop perturbant. Mais j’ai peur que le lien entre les jeunes et moi ne soit à recréer ou qu’il mette du temps à revenir. Est-ce que les jeunes m’ont oublié ? Me reconnaîtront-ils ? Ont-ils le sentiment d’avoir été abandonnés par l’équipe éducative ? Je me suis souvent posé ces questions. »

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