C’est une sournoise méfiance, un doute simple et pervers, qui se sont désormais invités dans nos vies. Le déconfinement, tant espéré et tant attendu, est désormais réalité. Mais il est davantage pétri d’incertitudes que de soulagement.
Chacun(e) se pose désormais, de manière plus ou moins consciente, ces questions : pourquoi ne porte-t-il pas de masque ? Avec qui ce collègue a-t-il été en contact ? Mon frère est-il porteur asymptomatique ? Pourquoi est-elle obligée de prendre les transports en commun aux heures de pointe ? Est-ce que le masque que j’ai fabriqué avec ce coton bio me protège vraiment ? Est-il vraiment raisonnable d’embrasser ma mère ? Est-ce que mon fils adolescent est conscient des risques pour ses grands-parents ?
Ces nouvelles interrogations seront d’inconfortables compagnons de route, au moins pour les semaines et les mois qui viennent, car l’avis des scientifiques fait désormais consensus : il va nous falloir apprendre à vivre collectivement avec ce coronavirus et sa cohorte d’injonctions, port du masque et distanciation sociale en tête. Car un vaccin n’est attendu, au mieux, que pour le second semestre de l’an prochain.
C’est à cette aune qu’il faut mesurer le défi auquel sont désormais confrontés les travailleurs sociaux : il leur sera demandé dans leur vie privée, comme à n’importe quel citoyen, de respecter scrupuleusement ces nouveaux gestes protecteurs. Mais il leur faudra pourtant, et souvent, passer outre dès lors qu’ils évolueront dans leur cadre professionnel. Comment les travailleurs à domicile, les éducatrices de jeunes enfants, les salariés des Ehpad ou des maisons d’enfants à caractère social pourront-ils, dès à présent mais également dans le futur, respecter de telles consignes ? Poser cette question, c’est déjà y répondre largement.
Comment la réponse à cette injonction contradictoire sera-t-elle organisée ? Il faudra, a minima, prévoir des espaces de paroles pour accueillir les ressentis, les doutes et les questionnements des professionnels de terrain. Sans cette nécessaire béquille, le risque est grand de voir s’effacer l’enthousiasme et l’inventivité qui a émergé depuis le début de la pandémie.