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Le care, les femmes et la première ligne

Le contraste est frappant. D’un côté, un conseil scientifique dont les membres sont exclusivement masculins. De l’autre, ces cohortes de femmes, qui sont largement majoritaires dans la prise en charge des malades du Covid-19.

87 % des infirmiers sont en réalité… des infirmières. Le métier d’aide-soignant est, lui, à 91 % féminin, comme le démontrent les travaux de l’économiste Rachel Silvera, qui agrège les données de l’Insee et de la Dares, l’organe statistique du ministère du Travail.

A l’heure où les métiers du soin sont enfin mis à l’honneur, il est légitime de s’interroger sur l’invisibilisation dont ils ont fait systématiquement l’objet depuis plus d’un siècle.

Cela tient d’abord à la traditionnelle position de la femme dans la société. Dès le plus jeune âge, elles sont assignées à l’empathie, à la sollicitude. Dès lors, quand des métiers découlent de cette injonction sociale, ils ne peuvent par définition être valorisés et rémunérés à la hauteur de leur réelle utilité sociale.

Alors que ces soignantes sont célébrées chaque soir en héroïnes aux fenêtres de nos villes, le piédestal sur lequel on les place désormais nous permet de plonger dans une histoire revisitée de la domination masculine. Lorsque les femmes ont enfin réussi à briser en masse le carcan du logis pour s’insérer dans le monde du travail, elles ont été encouragées dans de soi-disant « vocations ». Et c’est d’ailleurs au nom de cette vocation moralement valorisée, mais rabaissée au niveau d’un simple travail domestique, que l’on a justifié des conditions de travail et des salaires dégradés.

Si l’égalité entre les sexes a heureusement réalisé quelques progrès depuis l’époque victorienne, la révolution industrielle et les deux guerres mondiales, nous ne nous sommes pas pour autant débarrassés de tous nos oripeaux masculinistes. Pour preuve, les quolibets moqueurs dont Martine Aubry a été la cible quand elle a présenté en 2010 sa société du care, du « prendre soin », lorsqu’elle ambitionnait d’accéder à l’Elysée. La maire de Lille a, semble-t-il, eu raison avec dix ans d’avance.

Alors que le déconfinement a été confirmé jeudi 7 mai par le Premier ministre, Edouard Philippe, le « nouveau monde » que l’on nous promet à longueur de débats télévisés se profile enfin.

Si ce qui compose les valeurs du care, à savoir l’attention quotidienne aux autres, est relégué politiquement, s’il redevient un sujet de moquerie, alors il ne sera plus permis de douter : non, rien n’aura changé.

Éditorial

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