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« On revient à notre cœur de métier »

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Joran Le Gall est assistant social depuis six ans et président de l’ANAS. (association nationale des assistants de service social) Depuis six mois, il travaille dans l’un centres médico-psychologiques de Ville-Evrard, en Seine-Saint-Denis. Avec le confinement, il passe la moitié de son temps en télétravail, un dispositif qui n’était pas très répandu dans le secteur jusque-là : « Je fais beaucoup de supervision de droits afin qu’il n’y ait pas de rupture pour les gens. Je suis dans une sur-attentivité des alertes et une sur-communication de manière à les rassurer. Je leur passe régulièrement des coups de fil et, contrairement à d’habitude, je me substitue beaucoup à eux pour remplir leur dossier. »

C’est pareil pour ses collègues qui, armés d’un téléphone et d’une connexion Internet, voient leurs pratiques changer. « On est davantage dans la relation, le prendre soin. On revient un peu à notre cœur de métier. On nous demande moins de rendre compte et on a un peu moins de charges administratives, activité qui a explosé ces dernières années. En ce moment, les choses avancent vite car on se concentre sur l’essentiel. Ce serait génial si on pouvait garder cela après », avoue Joran Le Gall.

Valoriser l’autonomie

Son vœu ? La reconnaissance de l’espace relationnel comme outil d’accompagnement, chose que les professionnels ont un peu de mal à faire valoir et qui leur donne, parfois, l’impression de perdre le sens de leur métier. « On a tendance à nous évaluer sur le nombre de dispositifs activés. Mais est-on est un bon assistant social parce que l’on fait plus d’aides financières que ses collègues ? L’accompagnement social, c’est plus compliqué que ça. Cela passe par de la réassurance, de la confiance et c’est là que la relation prend tout son intérêt. Quand je termine un entretien et que j’ai le sentiment que la personne va mieux alors que je n’ai pas engagé un seul dispositif, je suis content. »

L’assistant social insiste sur la grande réactivité dont ont fait preuve les professionnels pour assurer la continuité du service. Certains se sont organisés en collectifs de travail avant même de recevoir les consignes de leurs employeurs. D’autres, confinés pour raison médicale, n’ont pas rompu le lien de chez eux avec leur public. D’autres encore ont immédiatement cherché à savoir où en étaient les évaluations d’informations préoccupantes dans certaines familles.

Il a fallu également recenser rapidement les réseaux d’aide alimentaire et les cartographier, rechercher des solutions pour les personnes en détresse... Cette autonomie, ce sens des responsabilités et ce savoir-faire, Joran Le Gall aimerait les voir mieux valorisés en temps ordinaire : « Avant le Covid-19, on était un peu dans une reprise en main de l’institution sur ce que devait être le travail social. Là, ce sont les assistants sociaux qui ont repris la main et, globalement, les employeurs ont répondu présents. Ils nous on fait confiance. »

Plus de bienveillance

Les financeurs et les partenaires institutionnels comme les caisses d’allocations familiales, les maisons départementales des personnes handicapées, les caisses d’assurance maladie semblent également jouer le jeu et être moins formalistes. « Pour aller au plus pressé, les procédures sont un peu allégées. L’envoi de justificatifs est simplifié, par exemple, le contenu des conventions moins exigeant... Il y a plus de bienveillance, nos partenaires savent que ce qu’ils font est très utile pour les bénéficiaires », reconnaît le président de l’Anas. Il souligne aussi la qualité des échanges entre collègues. Faute de proximité physique, les contacts se font surtout par mails : « Ils ont le souci d’adapter leurs pratiques et requièrent les retours d’expérience des autres. Les collègues osent se confier, dire leur difficulté ou leur réussite. On n’avait pas trop l’habitude de ça. Dans ce contexte complexe pour tout le monde, on a moins peur d’exprimer nos doutes et d’être jugé par la hiérarchie. »

Les lignes bougent aussi du côté des usagers : « Ils font attention à nous, nous demandent comment on va. Il y a un vrai souci de l’autre. Ça nous touche car, en tant que professionnels, on se doit de se montrer fort habituellement. Du coup, cela nous amène à nous interroger sur comment nous allons. C’est très étonnant », pointe Joran Le Gall. Pour autant, il le sait, la misère ne va pas disparaître après le coronavirus. Elle existait avant, elle existera après. La crise sanitaire a juste contribué, selon lui, à la « visibiliser ». Aussi ne comprend-il toujours pas que le travail des assistants sociaux et des travailleurs sociaux en général ne soit pas davantage reconnu. Mais il a la réponse : « L’invisibilité des professionnels est corrélée à l’invisibilité des personnes dont ils s’occupent. Et les plus démunis n’intéressent pas grand monde. » Néanmoins, il en est certain : « Des petites graines ont été semées durant le confinement et feront histoire. »

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