Le 9 avril, le ministère de la Justice annonçait près de 8 000 libérations de détenus en un mois, en réponse à la crise sanitaire dans les prisons surpeuplées. « Ce n’est pas rien. Mais des questions se posent : dans quel environnement sortent ces personnes ? Vers qui peuvent-elles se tourner ? Et comment vivre libre dans ce confinement ? », expose Ségolène Blois, intervenante sociale au sein de l’association Permis de Construire.
Depuis le 16 avril, cette structure accompagnant des personnes sortant de prison a mis en place une cellule de soutien psychologique et social. Cette ligne téléphonique, étendue à tout le territoire national, est une première : « Nous l’avons créée au vu des mesures de confinement et du désengorgement des prisons », explique Ségolène Blois, principale écoutante. L’équipe compte la prolonger au-delà du confinement, en s’appuyant sur des partenaires : l’association nantaise AlterSoin pour l’accès aux thérapies alternatives et Astrée sur la question de l’isolement. « Je pense que beaucoup de projets nés dans cette crise seront ainsi maintenus », estime Ségolène Blois.
Sortir de prison à l’heure du confinement n’a rien d’évident. « Il y a beaucoup d’angoisse : c’est découvrir une forme de confinement après une autre forme de confinement », témoigne Eric Pleignet, dont l’association Tempo dans la Drôme – qui regroupe un centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues et un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie –, reçoit des détenus tout juste libérés. « La plupart des personnes que j’ai au téléphone me disent : “Je suis en prison, mais chez moi, dans un petit logement” », abonde Ségolène Blois. « Beaucoup se revoient derrière les barreaux, imaginant ce qui se passe là-bas et pensant à leurs co-détenus. »
Nombre d’entre eux manifestent un sentiment d’isolement exacerbé, et font face à des complications dans leurs démarches administratives : « En l’absence de structures ouvertes, ils ne savent pas à qui s’adresser. Se pose aussi la problématique de la continuité des soins, sans possibilité de se renseigner facilement », note Ségolène Blois.
La crise accentue la situation précaire d’une majorité de sortants de prison. Pascal Souriau, directeur des services, de la recherche et du développement à l’Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale, observe que ceux qui « sont dans de petites chambres d’hôtel, peu confortables, sans télévision ni Internet, ont beaucoup de mal. Ne plus pouvoir sortir pour rencontrer la psychologue ou voir son travailleur social représente un manque. » Dès lors, les personnes ayant des conduites addictives ou des troubles psychiques sont les plus « sous tension », souligne-t-il. « Nous recevons des appels de personnes qui retombent dans des produits car la situation est trop dure », témoigne Ségolène Blois.
Plusieurs d’outils mis en place par ces structures, parfois dans l’urgence, pourront devenir durables. « Le confinement nous a permis de mieux utiliser les réseaux sociaux. Nous avons installé un espace numérique où les personnes peuvent se connecter à leur famille : nous le garderons par la suite ! », raconte Véronique Castelain. « Nous nous sommes vraiment rendu compte qu’il pouvait y avoir une fracture numérique : ce sera un axe de travail important. » Selon la directrice de CHRS (centre d’hébergement et de réinsertion sociale), le confinement a ainsi « montré la nécessité de lieux collectifs et de proximité pour rebondir ». Le public carcéral reste généralement « dans l’ombre : le positif, c’est que l’on a mis le doigt sur des aspects souvent ignorés, comme les enjeux sanitaires en prison », avance Ségolène Blois. Cette gestion de crise souligne l’importance d’éviter les sorties sèches. Elle invite surtout à penser l’utilité des peines courtes et, comme le résume Ségolène Blois, à «