Gynécologue-obstétricienne, Ghada Hatem écoute, accompagne, soigne et répare les femmes depuis quarante ans. En 2016, elle a ouvert la Maison des femmes, à Saint-Denis, pour accueillir et prendre en charge celles victimes de violences. Elles sont environ 80 à y venir chaque jour, pour dire leurs maux du corps et du cœur. Aujourd’hui, Ghada Hatem raconte son enfance au Liban, son métier, son féminisme pragmatique : « Je ne me suis jamais vraiment considérée comme féministe, mais plutôt comme égalitariste absolue : mêmes droits et mêmes devoirs. » Jamais elle n’a hésité à pratiquer une interruption volontaire de grossesse car ce sont aux femmes, qui paient le plus lourd tribut à la parentalité, de décider, assume-t-elle. La gynécologue plaide aujourd’hui pour une « médecine de la violence faite aux femmes » (1) sur le modèle de ce qui existe à Genève, où il est acquis que les agressions faites aux femmes ont des conséquences sur leur santé et doivent faire partie intégrante des missions de l’hôpital. Le tableau est noir, très noir : en France, 30 % des femmes sont confrontées aux violences conjugale (dont 40 % commencent lors de la première grossesse), 7 % des femmes sont violées (dans 86 % des cas, par un mari, un ex-conjoint, un grand-père, un frère, un oncle…), 12 millions de filles sont forcées de se marier chaque année dans le monde, et 130 millions de fillettes ont subi une excision, dont environ 60 000 résident dans notre pays. Dans son centre, la gynécologue reconstruit des clitoris, des hymens, prescrit des contraceptions, traite des infections sexuellement transmissibles, oriente les femmes battues, scrute l'indicible, ce qu’elles ne disent pas, sécurise, redonne confiance pour qu’elles retrouvent l’estime d’elles-mêmes, relèvent la tête. Elle se bat aussi pour que la Maison des femmes dispose des financements qui lui permettent de se développer. Pas si facile de défendre la cause des femmes au pays du « machisme ordinaire ».
« Aux pays du machisme ordinaire » – Ghada Hatem-Gantzer – Ed. de l’Aube, 12 €.