Recevoir la newsletter

Je m’y remets

Article réservé aux abonnés

Je me suis levée tôt pour travailler. Ma femme et notre fils dorment encore. Je compte bien en profiter pour finir de rédiger ce rapport, à rendre en urgence pour avant-hier, dernier carat.

C’est l’heure calme, le silence, le petit café du matin. Je lis mes mails, surfe un peu sur les sites d’infos : virus, confinement, virus, déconfinement… Rien de neuf. Allez, je m’y mets.

Quelques mots, quelques phrases, quelques lignes. J’avance, lentement mais sûrement.

J’entends du bruit, ma femme se réveille. Elle passe devant moi, me sourit, m’embrasse, me sourit encore, se sert un café, me sourit, et je lui souris. Elle est belle, ma femme.

Sophie finit son café, va se doucher, s’habille, m’embrasse en coup de vent et part travailler. Sa tasse est restée sur la table. Je me replonge dans mon rapport. Quelques mots, quelques phrases… J’y arrive pas. Je vais faire la vaisselle, ça me changera les idées.

J’entends du bruit, mon fils se réveille. Il surgit comme une fusée, tourne comme une toupie et sautille comme un ressort. Il est drôle, mon fils. Drôle et affamé.

Le petit déjeuner avec maman, c’est sacré, les devoirs aussi. Lecture, écriture, maths… Ces devoirs n’en finissent pas, et l’heure tourne, et mon rapport n’avance pas.

Je m’y remets. Quelques mots… La sonnerie du téléphone me coupe dans mon élan. Belle-maman n’a plus de pain, est-ce que je pourrais lui en prendre en allant faire les courses ? Oui, bien sûr que je peux, et – oh merde, les courses ! – hop hop, une attestation, ma liste, mon gosse, et on file !

Je m’y remets. Quelques mots, quelques phrases, non, j’efface, ça ne va pas. Je sèche.

« Maman, j’ai une question. » La phrase préférée de mon fils, une fois, dix fois, cent fois par jour.

« La vie, ça sert à quoi ? » J’en sais rien, mon chaton, je vais chercher sur Google et je te dis ça plus tard. Allez, va jouer un peu en attendant. Une petite heure de répit, enfin j’espère. Je m’y remets.

Quelques mots… Le chat saute sur mes genoux. Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux. C’est quoi, la suite, déjà ? Mon esprit vagabonde… Allez, une pause ronron, rien que cinq minutes. De toute façon, il est déjà midi et il faut préparer le repas, je travaillerai plus tard.

Je m’y remets. Sans succès. Oh ! Tiens, un mail. Rien d’urgent, mais c’est le prétexte idéal pour me refaire un café, non ? Aucun rapport, je sais, sauf celui que je dois rendre, mais c’est pas gagné.

« Maman, il est où mon pull bleu ? » Ma vie est trépidante. La baguette de belle-maman, le chat de Baudelaire et le pull du fiston… Il est au sale, ton pull, avec le reste du linge, parce que j’ai pas eu le temps de m’en occuper, parce que j’ai autre chose à faire, parce que j’ai ce rapport à rendre, parce que… bon, je vais faire une lessive.

Je m’y remets. Quelques mots, quelques phrases, quelques paragraphes, j’avance, enfin, je vais y arriver, j’y crois très fort.

« On devait pas faire un gâteau ? » Et c’est reparti… Il est mignon, ce gosse, je l’aime, mais ça reprend quand, l’école, déjà ?

Je m’y remets. Quelques mots… Non, ça vient pas, j’ai encore perdu le fil. Le chat saute sur mes genoux. Dégage, con de chat ! C’est pas le moment !

Je m’y remets. La porte s’ouvre, Sophie rentre du boulot, me sourit, m’embrasse. Elle est fatiguée, sa journée a été dure, elle voudrait se coucher tôt, qu’est-ce qu’on mange ce soir ?

Je m’y remets. Quelques mots, quelques phrases… J’ai sommeil, la journée a été longue, les mots se mélangent, tout le monde dort, et il faut que je finisse ce soir, parce que demain ce sera pareil, la même journée, Sophie, la maison, le petit, le repas, le chat, le rapport…

Je m’y remets.

La minute de Flo

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur