La société addictogène

Tous addicts ? Non. Néanmoins, les drogues se sont banalisées, et de nouvelles ont fait leur apparition. Alcool, tabac, cannabis, cocaïne, héroïne, jeux, sport, écrans, e-mails, psychotropes… La société tout entière est devenue « psychoactive ». C’est du moins le constat fait par Christian Ben Lakhdar, professeur à l’université de Lille et spécialiste des conduites addictives. Mais « entre la caricature de l’ Homo medicus, émanation de l’individu aseptisé ne cherchant qu’à maximiser son espérance de vie, ne fumant pas, ne buvant pas, ne se droguant pas, et celle de l’ Homo addictus, toxico ou alcoolo décharné vivant en marge de la société, il me semble que le gros des troupes a été oublié », écrit-il. Celui dont il parle, c’est le citoyen addict, presque tout un chacun. S’il a besoin d’altérer son état de conscience, c’est que le lien social s’est affaibli et qu’il se retrouve face à lui-même, que le consumérisme est devenu la norme, que la recherche de la performance permet de rester dans la course au travail et ailleurs, que la montée de la précarité oblige à tenir le coup. La proximité des produits et leur moindre coût font le reste. Pour autant, si les politiques publiques ne recherchant que l’abstinence ou la répression sont vouées à l’échec, il reste difficile d’organiser un grand débat sur le sujet. Comme si ce fléau n’intéressait personne. Comme si la représentation sociale des drogues s’inscrivait dans la banalité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 5 millions de Français consomment de l’alcool tous les jours, 13 millions du tabac, dont 900 000 sont accro au cannabis, 600 000 personnes ont utilisé de la cocaïne en 2019. S’ajoute à cela 9 % de la population qui prend régulièrement un anxiolytique ou un somnifère, quand 1 % des 30 millions d’utilisateurs d’Internet ne décrochent jamais et que 1 à 5 % des adolescents abuseraient des jeux vidéo… Les cerveaux seraient-ils devenus malades ? L’auteur propose un nouveau paradigme : accompagner – et non plus gérer – les risques inhérents aux addictions.