« Si les centres d’hébergement parviennent tant bien que mal à maintenir leur activité malgré la réduction des effectifs, c’est moins le cas des accueils de jour, maraudes et distributions alimentaires. Animés en grande partie par des bénévoles parfois âgés, touchés par l’absence de personnels malades ou devant garder leurs enfants, agissant sans gants ni masques, ces trois secteurs rencontrent d’importantes difficultés. A tel point que des milliers de personnes sont menacées par la faim. A Toulouse, des maraudes ont rencontré des personnes qui n’avaient pas mangé depuis plusieurs jours. L’accès à l’alimentation se réorganise difficilement, grâce au courage des bénévoles et salariés, et prend aussi la forme de distributions par des associations ou par l’Etat de “tickets service”, pour donner aux personnes dans le besoin plus de liberté d’utilisation. L’accès à l’hygiène, indispensable face au virus, est également compromis. De nombreux bains-douches ou toilettes publiques ont été fermés et les bidonvilles sont souvent privés de raccordement à l’eau.
Sur le plan de la mise à l’abri, d’autant plus vitale en période de confinement, l’ouverture de près de 4 000 places d’hébergement supplémentaires en dix jours est salutaire mais reste encore trop limitée. A Mulhouse, chaque jour, dix demandes d’hébergement n’aboutissent pas. A Toulouse, le 24 mars, le 115 a refusé près de 100 personnes par jour. En Gironde, le 27 mars, ce sont 200 refus au 115 qui ont été essuyés. De premiers résultats, inégaux, sont néanmoins perceptibles. Alors qu’en Isère et dans les Bouches-du-Rhône les réponses sont insuffisantes, il semble que les familles à Paris faisant appel au 115 bénéficient enfin de places.
Le gouvernement a annoncé dès le début de la crise la poursuite jusqu’au 31 mai de la trêve des expulsions locatives, le maintien des places d’hébergement du plan hivernal et le déblocage de 50 millions d’euros. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, a également impulsé la création de “centres de desserrement” pour les personnes malades hébergées ou sans domicile (environ 1 000 personnes hébergées seraient infectées). Pour être efficace, cette politique devrait toutefois être accompagnée de tests systématiques pour ces publics particulièrement exposés et pour qui le confinement est plus difficile.
En bref, les personnes sans domicile paient aujourd’hui au prix fort des années d’incurie d’un système de veille sociale palliatif, sous-doté, reposant sur la bonne volonté de milliers de bénévoles et salariés et maintenant des dizaines de milliers de personnes privées de leurs droits, en état de vulnérabilité et de dépendance faute d’accès à des revenus dignes et à un logement pérenne.
Pour mieux anticiper justement les difficultés prévisibles et éviter une recrudescence de procédures d’expulsion pour impayés de loyer liés à la baisse de revenus de certains locataires dans les mois à venir, il serait indispensable d’instaurer un fonds national d’aide à la quittance. »
Contact : www.fondation-abbe-pierre.fr