Si le chef de l’état, dans sa première intervention télévisée dédiée à la crise sanitaire provoquée par le Covid-19, avait adopté une posture militaire, rien n’indique que les travailleurs sociaux et médico-sociaux aient fait leur ce message. Au contraire. Le vocabulaire du conflit, de l’affrontement ou du combat n’est définitivement pas le leur. Aux cruels manques de moyens auxquels ils sont constamment confrontés s’ajoute désormais le tarissement de leurs sources de financement. C’est particulièrement vrai pour le secteur associatif, comme le démontre notre enquête (page 8). Cela ne les empêche pas de réfléchir à l’avenir et à ce que cette pandémie ne manquera pas de bouleverser, y compris d’un point de vue pécuniaire. Des travailleurs sociaux qui doivent aussi repenser les fondements de leur métier, comme en attestent ceux qui, en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), sont confrontés à une forte accélération de la mortalité de leurs résidents (page 10). Si le bout de la piste, dans ces établissements, est évidemment connu, le fait qu’ils soient si nombreux à l’atteindre d’un seul coup ne laisse pas insensibles des salariés qui vont parfois jusqu’à se confiner dans leur structure pour protéger leurs résidents (page 12). Du côté de la protection de l’enfance, ce sont les ravages du confinement qui sont clairement redoutés (page 19). Les assistants familiaux et les éducateurs tentent d’empêcher l’explosion de la Cocotte-minute que sont devenus leur logement ou les foyers dont ils ont la charge. La tension qui y règne est exacerbée par les leçons et les devoirs que doivent suivre des jeunes souvent réticents et au caractère rendu difficile par leur parcours de vie cahotique (page 13). Là encore, le matériel fait défaut. A tel point que le gouvernement appelle désormais particuliers et entreprises à donner tout ordinateur ou clé 4G disponible aux structures de l’aide sociale à l’enfance (page 14). Sur le front de la psychologie (page 16), c’est à une réinvention permanente à laquelle se livrent les praticiens, usant et abusant des nouvelles technologies pour ne pas laisser leurs patients s’enfermer dans leur(s) pathologie(s) – qui s’accommodent souvent très bien de l’enfermement – et leurs addictions. Les sevrages forcés sont désormais nombreux, tout comme les risques de décompensation (page 16). Le fragile édifice de notre tissu social tient pour l’instant le choc. Tant bien que mal. Cahin-caha. Mais plus longtemps durera le confinement, plus profondes seront les séquelles. Ces blessures pourront-elles être pansées ? Personne n’est aujourd’hui capable de répondre à cette question.
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