Le confinement est très compliqué à gérer car nous avons les enfants avec nous à la maison 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 avec la fermeture des écoles. Comme toutes les familles, nous devons gérer le quotidien mais également les problèmes psychologiques des enfants, et psychiatriques pour certaines de mes collègues. Ce confinement attaque, de plus, les liens d’attachement, l’équilibre qui est plus ou moins établi. Les enfants que nous accueillons n’ont pas des racines bien ancrées, par conséquent cela les ébranle énormément. Les grandes se questionnent beaucoup sur l’avenir et les liens qu’elles ont avec nous. Avec mon mari, nous parlons beaucoup pour les rassurer. Pour Maïssa, les difficultés sont différentes. A 5 ans, elle se lève à 7 h 00 et jusqu’au soir 20 h 00, je n’ai pas un instant de libre, elle est scotchée à moi. Je ne peux même plus aller faire mes courses. De plus, depuis le début du confinement, quand je dors quatre heures je suis contente. Le fait de ne pas voir ses copines, sa maîtresse, aller au parc, le rythme est bouleversé et les angoisses sont bien présentes.
Lorsque j’ai pris connaissance de ces premières consignes, je me suis dit que cela n’avait pas été rédigé et pensé par des personnes qui ont conscience de ce que signifie accueillir un enfant et d’autant plus des gamins qui sont perturbés par leur histoire. Il est notamment question de garder ses distances avec les enfants mais ce n’est pas possible. Entre la crainte du Covid-19 et l’angoisse qu’ils ont en eux, je fais le choix qui s’impose… Je prends ma gamine dans mes bras, je lui fais le câlin qu’elle demande parce que cela ne peut pas être autrement. Si malheureusement elle l’attrape, je la soignerai.
Car nous avons les enfants sans interruption, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. En temps normal, ils sont à l’école et pendant les vacances, ils peuvent aller au centre aéré, nous avons donc du temps pour nous ressourcer et prendre du recul. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Je ne serai pas surprise si, à la fin du confinement, il y a des cas de maltraitance de part et d’autre. Un jeune ado qui n’en peut plus d’être enfermé avec un autre jeune qui fait des crises, même si nous faisons tampon pour éviter que cela dérape, comment faire pour contenir sur la durée cette éventuelle violence ? C’est le cas également de notre côté. Nous sommes humains, la fatigue physique peut entraîner une mauvaise gestion de la fatigue morale.
Aujourd’hui, rien n’est prévu si nous sommes atteintes du Covid-19. J’ai des collègues qui l’ont eu, elles ont dû gérer les enfants accueillis avec la maladie. Un simple portage de repas, cela peut soulager une famille. Ne pas avoir le souci de savoir ce que vont manger les enfants alors que vous êtes au fond du lit avec 39,9° de fièvre, même cela n’est pas envisagé. De plus, il n’y a rien de prévu pour éviter la contamination des autres membres de la famille si une personne est malade dans la maison. De toutes les professions qui existent, quelle est celle qui nécessite une présence 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, si ce n’est la nôtre. Aujourd’hui, nous sommes très inquiets, est-ce que sur la durée, nous allons pouvoir tenir ?
C’est vrai que la maladie fait peur, mais si demain, ma cheffe de service me dit qu’il y a un enfant à prendre en charge, nous sommes prêts avec mon mari à l’accueillir. Il est hors de question qu’un petit bout ou même un plus grand se retrouve sans personne à cause de ce virus. Entre la peur d’être contaminé et accueillir un jeune, notre choix est fait. C’est vrai que c’est une maladie qui peut être grave mais pas au point de laisser quelqu’un au bord de la route.