Le nombre de recours « Dalo » déposés en 2019 (près de 100 000) est à la hausse, « après des années de stagnation », souligne le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD). Le nombre de décisions prises, en augmentation également, s’explique par le report d’activité de 2018 et par le fait qu’il y ait « de plus en plus de recours gracieux », constate Maële Euzen, chargée d’études au HCLPD. S’agissant des décisions favorables émanant des commissions de médiation (Comed), leur taux remonte aussi, depuis 2017, à près de 34 %. Ceci étant, 71 713 « naufragés » du Dalo attendent toujours un logement depuis un à onze ans, souligne le HCLPD. En somme, la demande exprimée continue d’augmenter en même temps que le nombre de personnes restant à reloger. « L’absence de réponses de relogement à la hauteur est un échec de l’effectivité de la loi, inacceptable à l’heure du “Logement d’abord” », déplore Marie-Arlette Carlotti, présidente du comité de suivi de la loi. L’instance demande au gouvernement de « mettre en place un plan d’urgence d’accès au logement et à l’hébergement des ménages reconnus au titre du Dalo ».
Le recours au Daho est, quant à lui, de moins en moins employé. Ce droit, « à l’image du principe d’inconditionnalité dans notre pays, est en péril », alerte le HCLPD. En 2019, seuls 9 874 recours ont été déposés, contre 10 081 deux ans plus tôt. « Les délais de proposition du Daho restent déconnectés d’une vie en errance. Quand on est à la rue, on cherche une solution alternative plutôt qu’attendre six semaines une décision, puis encore six semaines pour le recours », rappelle Maële Euzen. Par ailleurs, le taux d’accès effectif à un hébergement est extrêmement faible. En 2019, seuls 550 ménages ont reçu une proposition, sur 7 629 reconnus « Daho ».
Problème : les Comed méconnaissent la palette d’orientations possibles (pensions de famille, lits médicalisés, foyers de jeunes travailleurs…). Par ailleurs, au regard de la loi, les ménages hébergés à l’hôtel par l’Etat sont dans une situation non d’hébergement mais de mise à l’abri. « Or celle-ci est devenue tellement courante que les Comed considèrent qu’il s’agit d’hébergement », observe Maële Euze, pour qui cette approche entrave l’accès aux droits. L’analyse des résultats par régions est significative. La taille de la métropole ou du bassin de population ainsi que le nombre de personnes en errance recensées « ne correspondent en rien au nombre de recours », souligne la chargée d’études. En particulier pour le Daho : dans certaines métropoles, malgré leur taille, il y a zéro recours. C’est le cas à Rennes, alors que plus de 1 000 personnes sans domicile ont été dénombrées en février 2019 lors d’une Nuit de la solidarité. A Strasbourg, on compte seulement 26 recours Daho, 38 à Rouen, 60 à Nice…
Comment l’expliquer ? La spécialiste évoque des consignes adressées aux travailleurs sociaux pour ne pas multiplier ces recours, trop souvent présentés comme des contentieux amoindrissant les capacités de mobilisation de l’Etat. Au contraire, la constitution d’un tissu associatif agit comme un levier : « A Lille, un comité de veille s’est monté et le nombre de recours a augmenté », cite Maële Euzen. En Haute-Savoie, le réseau militant constituant une porte d’entrée migratoire expliquerait le grand nombre de recours reçus.
La réunion du comité de suivi de la loi « Dalo » a été l’occasion d’annoncer les modalités de fusion du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD) avec ledit comité, prévue par le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. La fusion impliquerait un passage de 59 à 43 membres, avec un renouvellement prévu deux mois après publication du décret. La question de l’indépendance se pose : « Le gouvernement siège au comité de suivi “Dalo” et dispose donc d’un certain contrôle, pas au HCLPD », rappelle Maële Euzen. Des contre-propositions de décret doivent être émises prochainement.