Non, le Covid-19 n’est pas une maladie. Enfin, pas seulement. Ce virus est aussi le redoutable révélateur de nos forces et de nos faiblesses. C’est toujours par gros temps que se jaugent les caractères, les sociétés. Que dit aujourd’hui de nous ce cataclysme sanitaire, social, économique et politique ?
D’abord, que c’est bien un système de prédation capitalistique devenu fou qui nous a conduits dans une telle ornière. La destruction environnementale et une mondialisation échevelée sont aux origines du désastre actuel. C’est par une mer d’huile que s’épanouit le néolibéralisme. Lorsque le grain guette, tous les tenants d’une très classique privatisation des gains et d’une socialisation des pertes – ceux-là mêmes à l’origine du malheur – se réfugient bien vite au port nommé Puissance publique. La crise des subprimes en 2008 nous l’avait déjà démontré. Nous ne l’oublierons pas.
Il dit ensuite la solidarité, le courage et l’incroyable résilience dont font preuve les Français, les travailleurs comme les confinés, même si ces derniers sont systématiquement infantilisés à coups de formulaires sur l’honneur et d’injonctions contradictoires des autorités. Nous ne l’oublierons pas.
Il met enfin en pleine lumière, et de la manière la plus crue et spectaculaire qui soit, l’abyssale incurie de ceux qui nous gouvernent. « Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte », écrivait en 1852 Emile de Girardin. Cent soixante-huit ans plus tard, cette phrase résonne avec une étonnante acuité.
Lorsque le pic pandémique sera derrière nous, il sera temps de tirer le bilan – non pas tant de la crise elle-même, mais bien de la politique en matière de santé publique au cours des vingt dernières années. Selon la Drees (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), attachée au ministère de la Santé, ce sont… 69 000 lits d’hospitalisation complète qui ont été supprimés entre 2003 et 2017. Ceux-là mêmes qui nous manquent tant aujourd’hui. Nous ne l’oublierons pas.
Les professionnels du social et du médico-social ne s’y trompent pas. Ils n’ont cessé de clamer qu’ils partagent depuis des années le sort budgétaire réservé à l’hôpital public.
Emmanuel Macron a déjà en tête les suites politiques de ces semaines de luttes médicales et de restrictions sociales. « Plus rien ne sera comme avant », ne cesse-t-il désormais de marteler. Un constat largement partagé – mais pas pour les mêmes raisons – par les aides-soignants en Ehpad, les assistants familiaux, les pédopsychiatres…
L’émergence du hashtag #OnOublieraPas sur les réseaux sociaux fait figure d’avertissement.
Non, nous ne l’oublierons pas.