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Dalila, Tik-Tok activiste : “je veux montrer que le handicap peut être heureux !”

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En fauteuil roulant depuis l’âge de 13 ans, Dalila a choisi l’application Tik Tok pour sensibiliser au handicap et changer le regard des autres. Elle communique son optimisme et sa vitalité dans des vidéos suivies par plus de 20 000 abonnés tout en dénonçant les discriminations dont sont victimes les personnes en situation de handicap.

« Quand les gens me croisent dans la rue, certains regardent le fauteuil et d’autres l’oublient très vite », raconte Dalila, 22 ans.

Longs cils noirs, rouge à lèvres carmin, pull à col Claudine, la jeune femme est rayonnante, et on oublie effectivement très vite son handicap. A l’image de sa génération, Dalila est accro aux nouvelles technologies et l’avoue bien volontiers. C’est donc sur TikTok qu’elle a choisi de se mettre en scène. L’application, très utilisée chez les 12-18 ans, permet de faire des vidéos en quelques clics, mais aussi de se glisser dans la peau de personnages de fiction ou de chanteuses en incarnant des scènes de clips ou de films. Dalila joue donc tour à tour Cléopâtre, Angèle ou encore l’héroïne d’une série à succès. « Je fais du théâtre depuis que j’ai 8 ans. Le côté mise en scène de TikTok m’a tout de suite plu et je me suis lancée là-dedans. » C’était il y a trois mois, elle compte désormais plus de 20 800 abonnés. Le créneau de Dalila ? L’humour. Elle se bat pour prouver que l’on peut parler de handicap tout en ayant de l’esprit et sans pour autant se moquer. Elle se met ainsi en scène pour raconter le quotidien des personnes à mobilité réduite : les rendez-vous médicaux, les courses au supermarché, les réflexions désagréables du style « t’es une erreur de la nature ».

La jeune femme est la première surprise par l’impact qu’ont eu ses vidéos : « J’ai été agréablement surprise par l’engouement. Il y a beaucoup de commentaires, les gens s’étonnent que tout ne soit pas accessible, qu’on ne puisse pas entrer dans certains magasins. C’est vrai qu’on ne se rend pas forcément compte quand on marche. Il y a une prise de conscience à faire et j’ai voulu y participer à mon échelle. » Si les personnes en situation de handicap sont davantage présentes dans les médias et la culture anglophone, elles le sont plus rarement dans la culture francophone. « En France, souvent, on prend un valide pour jouer le rôle d’une personne handicapée, c’est une incohérence et il y a un combat à mener de ce côté-là », dénonce la jeune femme toujours en souriant.

"La victoire n’en a été que plus grande"

Derrière cet optimisme communicatif se cache pourtant un parcours de vie difficile. Dalila est atteinte de la maladie de Charcot-Marie-Tooth depuis qu’elle est bébé et se déplace en fauteuil roulant depuis l’âge de 13 ans. Cette maladie neurologique héréditaire, évolutive mais non mortelle, touche environ 30 000 personnes en France. Chez Dalila, elle se traduit par une paralysie des jambes, des doigts et des poignets ainsi qu’une insuffisance respiratoire. A 17 ans, Dalila a subi une opération de la colonne vertébrale ; à 18 ans, de l’estomac. « La dernière fois que j’ai vu un neurologue, il m’a dit que j’avais déjà eu le pire et le plus rare, ça devrait aller mieux maintenant », dit-elle en plaisantant, malgré ces soucis de santé majeurs. L’année de son bac, à cause de l’opération, elle reste alitée six mois. Pourtant, ça ne l’empêchera pas de décrocher le précieux sésame avec mention. « Avec ma mère et ma sœur, quand on a vu ça, on a fondu en larmes. La victoire n’en a été que plus grande », se félicite Dalila. Quelques temps après son diplôme, la jeune femme perd sa mère d’un cancer. Père absent, grand-mère analphabète, Dalila se retrouve à gérer sa sœur (alors âgée d’une dizaine d’années), l’appartement, la vie quotidienne. « Ça a été d’autant plus dur qu’on était fusionnelles toutes les trois avec ma sœur. Mais ma mère m’a inculqué de ne jamais lâcher, de toujours se battre, c’est ce que je fais. »

Faire bouger les mentalités

Après une année d’études de commerce ratée qu’elle a suivie pour « s’occuper l’esprit », Dalila s’engage dans une formation de designer par correspondance, aucune école ne lui correspondant dans sa ville, La Rochelle. Ce choix n’est pas le fait du hasard : à partir d’exemples d’incohérences architecturales, elle veut agir pour créer un design inclusif. « Par exemple, historiquement les bâtiments importants ont des marches, or, aujourd’hui il y a une nécessité de changer cette vision-là. » A propos de l’inaccessibilité, elle porte un message fort : « Le handicap se ressent parce que l’environnement n’est pas accessible. S’il l’était, la différence serait moindre », martèle-t-elle, en soulignant qu’il serait temps d’appliquer la loi de 2005.

"Ca serait bien que le gouvernement se réveille un peu"

Malgré sa présence sur les réseaux sociaux et son nombre important d’abonnés, Dalila préfère le terme d’« activiste » à celui d’« influenceuse » : « Moi, je n’influence personne, je veux faire bouger les mentalités, déconstruire les préjugés sur le handicap, il y a tellement d’obstacles. » Et cette personalité de TikTok de citer la discrimination à l’embauche, le manque d’accessibilité des lieux touristiques… Dans ses vidéos comme dans la vie, elle cherche à montrer que « le handicap n’apporte pas que du malheur, mais appelle aussi à vivre sa vie à fond ». Loin de le cacher, Dalila assume sa situation : « Mon handicap fait partie de moi, il m’a construite, dans le bon sens du terme. Je ne serais pas comme ça si je n’avais pas eu cette maladie. Ça me permet d’avoir une prise de conscience sur le monde, d’avoir du recul. Sans ça, j’aurais peut-être été plus naïve et moins perspicace sur ce qui s’y passe », admet la jeune femme. Si elle se montre fun et humoristique sur les réseaux sociaux, Dalila enjoint plus sérieusement les politiques à prendre leurs responsabilités : « La France est très en retard, ça serait bien que le gouvernement se réveille un peu. Le contrôle n’est pas assez fort sur l’accessibilité. C’est terrible de se dire qu’on est dans un pays qui a les moyens d’agir mais qui ne le fait pas », déplore la youtubeuse.

Dalila appelle aussi à investir le champ de l’éducation. Elle qui, mise de côté et moquée, a beaucoup souffert pendant l’enfance du regard des autres est désormais très suivie chez les jeunes adolescents. Elle a justement proposé à deux abonnées de 11 et 13 ans de l’accompagner dans son dernier shooting. Elle posait en tenue de mariée pour l’association Partage ta différence, qui défend l’idée que tous les corps sont beaux. Coiffeuse, maquilleuse, styliste, la jeune star des réseaux s’est laissée préparée comme une princesse sous les yeux de ses petites fans. « J’espère que grâce à ça elles changeront d’image sur les personnes en situation de handicap et seront plus à l’aise à l’avenir lorsqu’elles en rencontreront. » Dalila, qui s’est empressée de poster une vidéo où elle fredonne « love me, love me, say that you love me », explique que, côté sentimental, les freins viennent plutôt d’elle : « J’ai longtemps eu du mal à accepter qu’on me drague. En fait, j’avais intériorisé tous les préjugés sur le handicap. » Une situation qu’elle a maintenant dépassée, constatant avec soulagement que « le handicap n’est pas un blocage pour quoi que ce soit, ni même pour une relation, rien n’est impossible ».

Étudiante en design

atteinte de la maladie de Charcot-Marie-Tooth, Dalila se met en scène sur le réseau social TikTok pour déconstruire les préjugés autour du handicap. Son credo : faire bouger les mentalités avec humour.

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