Recevoir la newsletter

« Nous avons la liberté d’être responsable »

Article réservé aux abonnés

professeur d’éthique médicale à la Faculté de médecine de l’Université Paris-Saclay et directeur de l’Espace de réflexion éthique de la région Ile-de-France
Jusqu’où peut-on sacrifier nos libertés pour la sécurité ?

On ne sacrifie pas la liberté quand l’impératif est la vie ou la survie. On a beau avoir des grands principes, quand il s’agira de choisir qui on réanime et qui on ne réanime pas, il faudra des valeurs fortes et des mesures de contrôle. Nous ne sommes plus dans une situation où il faut savoir ce qu’il est possible de faire et ce qu’il ne l’est pas. Nous sommes dans un contexte restrictif, il faut donc hiérarchiser les choix. Et, du point de vue des libertés individuelles, je pense qu’il est surtout important de responsabiliser les individus. Chacun dans son espace privé peut assumer sa liberté, celle d’être solidaire. Ce n’est pas une liberté théorique. Nous sommes en communauté. Il faut agir comme tel, avoir conscience du bien commun, faire société. Chacun est en interaction avec l’autre, et la survie de l’un dépend de la survie de l’autre. Si nos seules contraintes sont la restriction de la liberté d’aller et venir, d’être confiné chez soi, de s’occuper des enfants et d’avoir quelques inquiétudes pour ses proches, il ne s’agit pas d’un sacrifice.

Mais certains s’inquiètent de savoir si le ponctuel ne va pas devenir permanent…

Nous retrouverons nos libertés individuelles lorsque chacun assumera ses responsabilités et que l’on réussira ensemble à surmonter la crise actuelle. L’important, aujourd’hui, est de savoir quels types de décisions prendre, et avec quels types de contrôle. Si demain les décrets déclaraient l’état d’exception, ce ne serait pas uniquement avec la signature du président de la République. Il se ferait à travers une consultation démocratique des différents responsables politiques, mais aussi du Conseil d’Etat, du Conseil constitutionnel. Nous sommes dans une démocratie. La situation n’a rien à voir avec ce qu’il s’est passé en Chine. Quand on voit que les comportements de chacun peuvent limiter l’expansion du coronavirus, les libertés individuelles peuvent être restreintes. C’est aussi grâce à notre responsabilisation de proximité que les soignants vont pouvoir continuer à exercer leur métier, par exemple en accueillant leurs enfants. Il faut aussi être attentif à ce qu’il se passe dans les lieux moins en vue. Il n’y a pas que les services d’urgence, il y a aussi les Ehpad [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes], les centres qui accueillent les personnes en situation de vulnérabilité sociale (tels les centres d’hébergement), les personnes en situation de handicap ou âgées à domicile… Nous avons la liberté d’être responsable, alors assumons-là ! Ce qui compte n’est pas la liberté en soi, mais de faire au mieux pour l’intérêt de tous.

« Faire la guerre » nécessite-t-il forcément des contraintes ?

Faire la guerre au terrorisme n’a rien à voir avec faire la guerre au coronavirus. D’autant plus que nous sommes dans une pandémie, donc dans une dimension internationale. Il faut le garder à l’esprit. Selon moi, la meilleure approche en matière d’éthique est celle des scientifiques qui mettent en commun leurs savoirs et qui visent le bien commun à travers la recherche d’une riposte thérapeutique, d’un vaccin. Malgré tout, il y a quand même le sentiment d’un « chacun pour soi » au niveau mondial. On a aussi le sentiment aujourd’hui que les gens ne comprennent pas ce qu’il se passe ni à quelles fins le gouvernement prend de telles mesures.

Le gouvernement est-il suffisamment transparent dans sa communication ?

Depuis le début de la crise, j’observe que le gouvernement, à travers notamment les deux ministres de la Santé, a pris des positions de loyauté, de transparence, en tenant la population informée au jour le jour. Et ce, alors que tout un ensemble d’éléments rend profondément incertaine la suite des événements. Nous sommes face à quelque chose d’inédit, dans un contexte de défiance à l’égard des politiques, où la parole de l’Etat a été finalement bienveillante, à travers des signaux forts, par exemple envers les personnes vulnérables dans les Ehpad. L’Etat n’a pas voulu alarmer inutilement. Mais il faudra voir dans quelles mesures les dispositifs stricts suggérés vont avoir un impact sur l’expansion du virus. D’autant que le contexte va évoluer et qu’il va y avoir de plus en plus de visibilité de la mortalité, de la détresse humaine et peut-être de la capacité de nos dispositifs hospitaliers à assumer une charge qui est aujourd’hui imprévisible quant à son amplitude.

L’événement

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur