Les services d’aide et d’accompagnement à domicile sont-ils les laissés-pour-compte de la lutte contre le coronavirus ? La question mérite d’être posée, tant ceux-ci doivent faire face à des conditions de travail très particulières. Et ce, alors que la situation devient chaque jour plus critique.
Le 17 mars, Jérôme Salomon, directeur général de la santé, a fait état dans son point presse quotidien de 7 730 cas confirmés et de 175 décès en France. Dans le détail, le patron de la DGS a dénombré 699 cas graves en réanimation sur 2 579 personnes hospitalisées. Une grande partie des personnes atteintes (plus de 5 000 personnes) est donc confinée à domicile. De même que la majorité des personnes âgées et/ou vulnérables. Or les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) ne sont concernés ni par le plan « blanc » (hôpitaux) ni par le plan « bleu » (établissements sociaux et médico-sociaux) mis en place pour lutter contre la pandémie. « Jusqu’à la fin février, les pouvoirs publics et le ministère de la Santé pensaient “professionnels de santé” sans forcément prendre en compte les professions sociales ou médico-sociales, déplore Antoine Grézaud, directeur général de la Fesp (Fédération du service aux particuliers). Il a donc fallu que l’on se rappelle aux bons souvenirs du gouvernement et que l’on remette ce type de professions dans le radar des pouvoirs publics. Au fur et à mesure, ils ont intégré dans le logiciel que les dispositions pouvaient aussi intéresser les intervenants à domicile. D’abord, pour ceux qui s’occupent des personnes les plus fragiles. Ensuite, ils se sont rendu compte que ces problématiques existaient aussi pour les services à la personne plus lambda, qui n’étaient pas financés par l’APA [allocation personnalisée d’autonomie] ou la PCH [prestation de compensation du handicap]. »
Pour autant, même sans directives gouvernementales strictes, les professionnels n’ont pas cessé de travailler. Ils ont mis en place un plan de continuité d’activité, avec notamment la création d’une « cellule d’observation et de prévention Coronavirus ». Mais les services ont rapidement dû faire face à une autre difficulté : leurs professionnels n’ont pas toujours accès aux masques de protection. Après qu’ils ont interpellé à de multiples reprises le gouvernement, un arrêté en ce sens a enfin été publié le 17 mars au Journal officiel. Concrètement, celui-ci précise que « les services d’accompagnement social, éducatif et médico-social qui interviennent à domicile en faveur des personnes âgées, enfants et adultes handicapés […] ainsi que les aides à domicile employées directement par les bénéficiaires » sont prioritaires pour l’obtention d’un masque. A noter que ces professionnels sont censés se présenter en pharmacie pour obtenir le précieux matériel de protection contre le Covid-19.
Problème : au moment d’écrire ces lignes, la situation n’a toujours pas évolué. « L’une des explications données est que les approvisionnements sont compliqués sur les territoires, souligne Line Lartigue, directrice “relations publiques” à l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles). Ainsi, encore ce matin [le 18 mars, ndlr], nous avons eu des remontées de terrain nous indiquant que certaines pharmacies refusent de donner des masques aux structures. Il faut donc quotidiennement rappeler que les Saad font bel et bien partie des professionnels prioritaires, au même titre que les médecins de ville et les infirmiers. » Et d’ajouter : « Concrètement, sur le terrain, certains salariés, encore en ce 18 mars, n’ont pas d’équipement quand ils vont chez des particuliers, que ce soient des personnes âgées ou en situation de handicap, pourtant considérées comme étant les plus à risque… »
Une situation aberrante, qui handicape doublement les services. D’un côté, certains usagers refusent leur venue, faute d’une protection suffisante. De l’autre, et pour la même raison, certains professionnels font valoir leur droit de retrait. « Le discours est de dire qu’il faut maintenir les personnes âgées chez elles le plus possible, rappelle Antoine Grézaud. Mais il y a des seniors qui ne peuvent pas aller faire des courses, qui ne peuvent pas faire le ménage. Il faut, du coup, pouvoir entrer chez elles. Or le fait de ne pas avoir de masques handicape beaucoup la tenue de ces passages. » Un cercle vicieux qu’il va falloir rapidement casser. Au risque, sinon, de voir la situation dégénérer.