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Paerpa : « Une expérimentation riche pour l’avenir de la politique des personnes âgées »

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Lancée en 2014, l’expérimentation « Paerpa »(1) a pris fin en décembre 2019. L’occasion pour Dominique Libault, président du comité national en charge de son suivi, de tirer les premières conclusions de cette démarche visant à améliorer la prise en charge et la qualité de vie des personnes âgées de plus de 75 ans ainsi que de leurs aidants.
Quel bilan tirez-vous du programme Paerpa ?

Tout notre système de santé est organisé non pas autour du parcours de la personne, mais autour des pathologies, des institutions, et ce, avec des cloisonnements forts. L’aspect révolutionnaire de l’expérimentation Paerpa, débutée il y a sept ans, était donc d’essayer de partir de la personne, de son parcours. De construire non pas à partir de l’offre, mais de la personne. Cette expérimentation a été extraordinairement riche pour l’avenir de la politique des personnes âgées en France. Mais aussi, plus généralement, pour l’avenir du système de santé. Je rappelle qu’il s’agissait de construire sur des territoires (9 au départ, 16 ensuite) une stratégie de coordination des acteurs, de faire travailler conjointement le sanitaire, le social et le médico-social. Bâtir une logique de parcours était totalement nouveau à l’époque. Ça n’existait pas. Il n’y avait pas de structuration nationale des parcours. Cela a aussi permis de construire des « briques » comme la coordination territoriale d’activité, qui a ensuite donné lieu à la PTA (plateforme territoriale d’appui), qui s’appelle maintenant DAC (dispositifs d’appui à la coordination). Toutes ces organisations fonctionnent et ont déjà été étendues. Elles permettent d’éviter au maximum le passage aux urgences des personnes âgées et ont inspiré des réorganisations du système de santé et de prise en charge des personnes âgées. Tout ceci est donc très positif.

Concrètement, à combien de personnes ce programme a-t-il bénéficié ?

Il y a eu 150 000 sollicitations de personnes âgées et de leurs proches au sein des coordinations territoriales d’appui ; 121 000 sollicitations des professionnels de santé ; et, au-delà, 800 000 demandes d’information et d’orientation, soit près de 10 % des personnes âgées en France. Et ce, alors que seulement 16  territoires ont été concernés par cette expérimentation. On peut aussi dire que 18 000 personnes âgées ont fait l’objet d’un plan personnalisé de santé et que 18 000 ont fait l’objet d’un repérage de fragilité. Il y a aussi 68 000 personnes qui ont bénéficié de l’intervention des équipes mobiles de gériatrie. Sans oublier celles qui ont bénéficié des infirmières d’astreinte ou de garde, mais comme c’est collectif, il est difficile d’en estimer le nombre.

De manière générale, une expérimentation se fait sur un temps relativement court. Celle-ci a duré six années, plus une supplémentaire en 2019. Pourquoi ?

Ce que nous avons essayé de faire était très ambitieux. Entre la définition de nos objectifs, le cahier des charges, le fait que les acteurs se réunissent sur le terrain pour faire un diagnostic, et finalement le mettre en place, cela a pris du temps. Près de dix-huit mois. Ensuite, les évaluations ont également été longues. En fait, sur les sept années d’expérimentation, nous n’avons un regard que sur seulement deux ou trois ans. Dans la mise en œuvre du Paerpa, il y a eu plusieurs temporalités : celle de définition des actions, celle de mise en œuvre concrète sur le territoire des actions, celle des changements des organisations de travail des professionnels, et enfin celle des effets médico-économiques. Tout ceci prend énormément de temps. C’est même encore plus long que ce que nous avions envisagé. Il faut l’accepter car nous travaillons sur des changements d’organisations structurelles. Ce qui ne peut pas se faire en un jour.

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?

Par rapport à d’autres expérimentations, nous avons un cadrage national assez fort sur la mise en place d’une coordination territoriale d’appui, la mise en place d’une coordination de proximité avec les plans personnalisés de santé. Il y avait donc des éléments structurants. Mais, en même temps, nous avons délibérément laissé les acteurs choisir des actions répondant à des besoins locaux. C’est donc difficile à évaluer car il y a des disparités entre les territoires. Cependant, c’était aussi le but de cette expérimentation : créer de véritables dynamiques territoriales. C’est ce qui me semble le plus intéressant, que des acteurs apprennent à travailler ensemble et construisent des projets différents.

Comment le Paerpa a-t-il été perçu au niveau de l’accompagnement des professionnels du médico-social, notamment dans les Ehpad ?

Pour être tout à fait franc, je pense que nous sommes un peu faibles sur ce sujet. C’est l’une de nos limites. Malheureusement, nous n’avons pas d’évaluation qualitative sur la satisfaction de l’ensemble des acteurs en fin de parcours, au bout des sept ans. Nous manquons d’outils pour cela. J’ai quand même eu un certain nombre de retours d’Ehpad et de services à domicile, qui se sont tous montrés satisfaits de cette coordination. Il y a une certaine valorisation des services à domicile. Ils travaillent mieux et plus étroitement avec le médecin, l’infirmière. Ils sont pris en compte dans l’équipe autour du patient. Nous avons donc des retours très positifs des services à domicile. Par exemple, l’une des innovations du Paerpa est l’hébergement temporaire en Ehpad. Cette solution peut être très intéressante, en particulier quand l’aidant a un problème. On constate qu’il y a des territoires dans lesquels ce dispositif a bien fonctionné et d’autres où cela a été plus compliqué. Je reste donc très modeste car je vois que, selon les modalités, le climat de confiance entre les acteurs sur le territoire, son application et son retour ne sont pas les mêmes.

Faut-il généraliser le dispositif, et le faire entrer dans le droit commun via la future loi « grand âge » ?

Agnès Buzyn avait déjà mis en place une certaine forme de généralisation de l’hébergement temporaire en Ehpad. Il y a donc déjà des éléments en cours. A titre très personnel, j’estime qu’une telle mesure ne peut pas se dupliquer d’un territoire à l’autre sans un travail en profondeur, de confiance entre les acteurs. Ce n’est pas parce que cela a fonctionné dans un territoire que cela va forcément fonctionner dans un autre. Il ne faut pas faire un simple copier-coller, mais adapter le dispositif à chaque territoire. Cela demande un travail de forte coordination et passe, par exemple, par le choix des personnes que l’on va mettre en hébergement temporaire en Ehpad. La crainte de l’Ehpad est simple : les personnes se demandent si elles vont pouvoir en repartir. C’est pourquoi il est nécessaire d’effectuer un important travail en amont sur le profil des personnes expérimentant cet hébergement temporaire. Ces actions exigent avant tout que les acteurs se connaissent et aient l’habitude de travailler ensemble. C’est l’un des éléments essentiels. Il ne suffit pas de dire : « Cela a marché ici, transplantons-le ailleurs. »

Il y a quand même une forme d’urgence face au vieillissement de la population. Comment réagir immédiatement ? Quel est l’avenir du Paerpa ?

Mon souhait, et je l’ai évoqué par ailleurs dans le rapport « grand âge et autonomie » que j’ai piloté, est que ce dispositif se retrouve dans le droit commun. Demain, un droit des personnes âgées en France doit être un droit à un parcours de droit commun. C’est-à-dire un droit à une coordination des acteurs qui évite des ruptures de parcours pour la personne âgée et qui permette un suivi dans la durée de tout son parcours de vie. C’est ça qui doit être mis en place et qui doit se traduire par des organisations territoriales adaptées dans chaque territoire.

En juin dernier, vous avez évoqué la mise en place d’un comité national de parcours des personnes âgées en perte d’autonomie. Qu’en est-il ?

Pour l’instant, rien n’est fait. Cela relève du ministère. A eux de savoir si, au-delà de l’expérimentation, il y a la volonté d’avoir un suivi dans la durée par le biais d’un tel comité. En ce moment, avec la pandémie, ce n’est évidemment pas le sujet le plus important. Mais dans le cadre de la préparation de la future loi sur le grand âge, le sujet n’est pas fermé. Cela reste encore une problématique. Comment continuer à piloter cette politique du parcours des personnes âgées au niveau national ? Le sujet reste entier. Par ailleurs, ce qui se passe actuellement avec le coronavirus remet le sujet des personnes âgées au premier plan. Cela montre bien que, au-delà du Paerpa, les questions autour des personnes âgées sont importantes. De même, celles autour des métiers et des personnes qui prennent soin des personnes âgées.

Notes

(1) Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie – Voir ASH n° 3116 du 21-06-19, p. 16.

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