Pour limiter la propagation du coronavirus, le plan « bleu » a été déclenché le 7 mars dernier. Un dispositif qui concerne le médico-social, mais qui ne répond pas à toutes les questions des professionnels, en particulier ceux opérant dans le secteur de la protection de l’enfance. Le flou reste parfois de mise.
Arrêtés municipaux, décisions de chefs d’établissement… Depuis l’arrivée du coronavirus sur le territoire, l’accueil du public dans les établissements sociaux et médico-sociaux suscite des réactions diverses. A l’image de Vannes, dans le Morbihan, où, dès le 3 mars, le maire a pris un arrêté interdisant jusqu’au 14 mars les visites en Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Cette décision a été prise à la suite de la mise en place dans ce département d’un cluster, anglicisme qui désigne un foyer d’infection sur une zone déterminée. Une décision anticipée, mais le déclenchement national du plan « bleu » semble avoir donné raison à ce maire.
Similaire au plan « blan » dans les hôpitaux, le plan « bleu » concerne les établissements médico-sociaux. Il s’agit de protéger les plus vulnérables, en l’occurrence les personnes âgées, avec un renforcement des mesures d’hygiène. « Rien de très différent de ce que l’on met en place lorsqu’il y a une épidémie de grippe ou de gastroentérite ; c’est néanmoins la première fois que je vis le confinement dans mon établissement », explique ce salarié d’un Ehpad qui exerce depuis de nombreuses années en région parisienne. « En revanche, les stagiaires, en général jeunes et susceptibles d’être des porteurs sains, et les autres intervenants extérieurs sur le social ne sont plus autorisés », précise-t-il. Le directeur de l’établissement a pris la décision du confinement et de l’interdiction des visites en dehors du personnel indispensable.
D’autres établissements médico-sociaux n’ont pas fait ce choix car, in fine, c’est bien le chef d’établissement qui décide de l’application d’une telle mesure. D’ailleurs, lors de la dernière réunion des acteurs du social et du médico-social qui s’est tenue le mardi 10 mars à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), une des directions du ministère de la Santé, cette question de la responsabilité des directeurs d’établissement a fait débat. « Il y a une vraie différence entre les consignes strictes dans les clusters et dans le reste du territoire. Pour ces zones non identifiées comme foyers d’infection, les établissements et les services n’ont eu que des recommandations. Cela leur laisse une certaine latitude dans la mise en œuvre des mesures. Certains responsables sont désemparés car ils ne savent pas jusqu’où ils doivent aller », commente Laurence Mazé, adjointe au sein du pôle « gestion » des organisations de Nexem, représentant des employeurs associatifs du secteur social, médico-social et sanitaire.
Si, dans les secteurs des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, le plan « bleu » encadre cette problématique de la gestion des risques épidémiologiques, les champs de la protection de l’enfance ou de l’hébergement d’urgence sont moins préparés à cette problématique. Une analyse confirmée par Thierry Couvert Leroy, délégué national « enfants et familles » et à la lutte contre les exclusions à la Croix-Rouge française : « Pour ces établissements qui ont un personnel soignant, il n’y a aucune difficulté. Cela fait partie de leur quotidien. Alors que les établissements de la protection de l’enfance ou encore les centres d’hébergement, qui ont un personnel de soin très réduit car centré sur l’accompagnement social, sont moins aguerris à ces questions. » Le coronavirus a donc le « mérite » d’alerter sur cette impréparation. Des questions qui ont également été soulevées lors de la réunion hebdomadaire du 10 mars avec la DGCS. Comme celles sur la protection de l’enfance, à savoir : « Les interventions en milieu ouvert se poursuivent-elles en cas de passage au niveau 3 ? » Ou encore :« Si on ferme un établissement de protection de l’enfance, est-il raisonnable de renvoyer les enfants dans leur famille alors qu’elle est défaillante ou qu’il existe un danger pour leur sécurité ? » Des questions qui devraient obtenir des réponses dans les jours à venir, selon les engagements de la DGCS fixés lors de cette réunion.
Lundi 9 mars, les associations de lutte contre la pauvreté (Fondation Abbé-Pierre, Emmaüs, Armée du salut, Fédération des acteurs de la solidarité) ont envoyé une lettre à Julien Denormandie, le ministre de la Ville et du Logement. Dans cette missive, elles demandent, dans ce contexte de propagation du coronavirus, le maintien des places d’hébergement hivernales, au nombre de 11 000. Elles souhaitent que personne ne soit remis à la rue à la fin de la trêve hivernale alors que la population des sans-abri fait partie des plus à risque face au virus.