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« Nous devons gagner la bataille de l’exhaustivité des solutions pour tous les chômeurs »

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Nommé, le 18 mars prochain, haut commissaire à l’inclusion et à l’engagement des entreprises, cet « entrepreneur social », proche du président de la République, devra mettre en application les promesses formulées en matière d’inclusion au cours de la première partie du mandat. Et lancer la mise en place du Service public de l’insertion, qui commence juste à être expérimenté dans quelques départements.
Dans cette seconde partie de mandat présidentiel, l’heure est davantage à la mise en pratique de mesures déjà annoncées plutôt qu’à la mise en place de décisions nouvelles. Quelle est votre feuille de route ?

J’ai devant moi deux enjeux, qui seront les deux indicateurs de la réussite de notre politique. D’abord, il s’agit de permettre que plus une seule personne éloignée de l’emploi reste sans solution. Ensuite, il convient de faire en sorte que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, s’impliquent dans l’inclusion.

Concrètement, comment pensez-vous aborder ces deux enjeux ? Faut-il s’attendre à de nouvelles annonces ?

Il s’agit d’abord d’accélérer le pacte d’ambition de l’insertion par l’activité économique (IAE). Son but : passer de 140 000 à 240 000 personnes accompagnées d’ici à 2022. Pour y parvenir, il faut développer les achats inclusifs et accorder des budgets, ce que nous avons fait dès 2020, avec une augmentation de 800 millions à 1 milliard d’euros. En 2022, nous atteindrons 1,3 milliard. Nous travaillons au changement d’échelle, que ce soit au sein des entreprises de travail temporaire d’insertion, des associations intermédiaires… De nombreuses mesures ont été prises en ce sens : de simplification, de soutien à la création d’activité ou à l’investissement.

Mais toutes ces mesures ne recueillent pas un consentement des acteurs. A l’image de ce que vous appelez la « simplification ». La suppression de l’agrément de Pôle emploi pour accéder à ces dispositifs soulève chez certains des craintes de conduire l’IAE davantage vers le quantitatif que vers le qualitatif…

Supprimer l’agrément préalable ne conduit pas à en finir avec le ciblage des publics les plus fragiles. C’est juste une façon de gagner du temps et de créer une confiance a priori. Il demeure assez de garde-fous pour évaluer l’éligibilité des plus fragiles aux dispositifs d’insertion par l’activité économique. Mieux, cela ouvre le champ des orienteurs aux travailleurs du monde du soin ou de la santé, ou à ceux des associations qui font des maraudes. Nous choisissons ainsi de toucher les invisibles.

Parmi les personnes éloignées de l’emploi, certaines sont porteuses de handicaps. Et, là aussi, des expérimentations sont menées…

L’engagement national « Cap vers l’entreprise inclusive », signé en juillet 2018, doit lui aussi prendre de l’ampleur pour permettre de passer enfin d’une logique de dispositif à une logique de parcours. Et pour atteindre notamment le doublement des effectifs des salariés d’entreprises adaptées, pour le porter à 80 000 d’ici à 2022. D’où la création des entreprises adaptées de travail temporaire, ou la mise en place de CDD tremplins pour mieux former leurs signataires.

Voilà pour ce qui a déjà été lancé. Mais reste un gros chantier : celui du Service public de l’insertion (SPI)…

Me reviendra en effet de copiloter son élaboration et sa mise en œuvre. Il est pour l’heure testé sur différents territoires, et cette approche pratico-pratique se verra complétée par un travail de concertation pour son élaboration nationale. Nous devons gagner la bataille de l’exhaustivité des solutions pour tous les chômeurs.

Donc le premier principe du SPI consistera à tous les identifier ?

Oui. Nous devons tous aller les chercher. Le deuxième principe du SPI devra tenir à la continuité. Aujourd’hui, c’est la personne en difficulté qui va vers le dispositif, en sort, doit se débrouiller seule pour aller vers le suivant… Donc il faut mettre en place un accompagnement global, pour qu’elle n’ait plus à voir différents interlocuteurs pour les questions d’emploi, de logement… A force de multiplier les intervenants auprès d’un même bénéficiaire, finalement, plus personne ne s’occupe de rien… Il faut réintroduire la notion de responsabilité : de la personne elle-même, mais aussi du travailleur social, qui pourra ainsi accompagner de façon plus qualitative. Cela lui permettra de voir le résultat de son action. Inversement, notre actuel fonctionnement en silo consacre l’impuissance des travailleurs sociaux. Or l’immense majorité d’entre eux ont choisi ce métier par engagement et conviction. Autre principe du SPI : la simplicité. Il doit proposer une utilité sociale par l’activité, en veillant à ce que le travail soit adapté aux capacités de chacun.

Des objectifs bien ambitieux… Qu’est-ce qui pourrait permettre que cela fonctionne enfin ?

Comment réaliser tout ça ? Je n’ai pas toutes les réponses. Mais je vois que la concertation avec les départements, la délégation à la lutte contre la pauvreté font émerger des pistes sur le diagnostic et l’accompagnement global.

Ne risque-t-il pas d’y avoir des frottements sur les questions de gouvernance entre les tenants de la centralisation du dispositif autour de Pôle emploi et ceux de la décentralisation autour des départements ?

On en fait trop une question préalable.

Autre sujet, qui pourrait devenir épineux : comment prépare-t-on les travailleurs sociaux à cet accompagnement global ?

Certains le font déjà. Et puis, dans le futur SPI, on aura bien sûr besoin de généralistes, mais aussi d’experts. Exactement comme dans une maison médicale. Surtout, ce nouveau SPI redonnera du sens et de l’efficacité à ce travail social si le dispositif touche tout le monde.

Que dire du calendrier pour sa mise en place ?

Jusqu’à fin 2021, on expérimente des SPI de façon concrète sur les territoires. Et le SPI national qui doit en être issu devrait émerger en 2022.

Dans ce cadre, que va devenir le Haut Conseil à l’inclusion dans l’emploi que vous présidiez ?

Il restera un comité des parties prenantes. C’est un action tank, qui comprend des représentants de la société civile et de l’administration. Ils vont nous orienter, nous challenger…

Ne craignez-vous pas de perdre de la liberté d’action et de parole ? Que répondez-vous à ceux qui vous diraient qu’en entrant au gouvernement, vous passez du côté obscur de la force ?

Peut-être [il sourit, ndlr]. D’un côté, ça me coûte puisque, depuis vingt ans, je suis un entrepreneur social. Je suis ainsi dans le faire, dans l’obtention de résultats concrets pour les gens. Mais d’un autre côté, depuis deux ans que je préside ce haut conseil, je suis à la charnière entre l’acteur de terrain et celui qui essaie de contribuer au changement des dispositifs. Depuis vingt ans que j’observe les dysfonctionnements, je crois que je sais quelles améliorations il convient d’apporter. Et puis le temps n’est plus à l’élaboration mais à l’opérationnalité, et voilà pourquoi j’ai choisi d’aller au cœur du réacteur. Je m’engage pour délivrer ce qui a été promis, et pour aller encore plus loin.

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