J’ai devant moi deux enjeux, qui seront les deux indicateurs de la réussite de notre politique. D’abord, il s’agit de permettre que plus une seule personne éloignée de l’emploi reste sans solution. Ensuite, il convient de faire en sorte que toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, s’impliquent dans l’inclusion.
Il s’agit d’abord d’accélérer le pacte d’ambition de l’insertion par l’activité économique (IAE). Son but : passer de 140 000 à 240 000 personnes accompagnées d’ici à 2022. Pour y parvenir, il faut développer les achats inclusifs et accorder des budgets, ce que nous avons fait dès 2020, avec une augmentation de 800 millions à 1 milliard d’euros. En 2022, nous atteindrons 1,3 milliard. Nous travaillons au changement d’échelle, que ce soit au sein des entreprises de travail temporaire d’insertion, des associations intermédiaires… De nombreuses mesures ont été prises en ce sens : de simplification, de soutien à la création d’activité ou à l’investissement.
Supprimer l’agrément préalable ne conduit pas à en finir avec le ciblage des publics les plus fragiles. C’est juste une façon de gagner du temps et de créer une confiance a priori. Il demeure assez de garde-fous pour évaluer l’éligibilité des plus fragiles aux dispositifs d’insertion par l’activité économique. Mieux, cela ouvre le champ des orienteurs aux travailleurs du monde du soin ou de la santé, ou à ceux des associations qui font des maraudes. Nous choisissons ainsi de toucher les invisibles.
L’engagement national « Cap vers l’entreprise inclusive », signé en juillet 2018, doit lui aussi prendre de l’ampleur pour permettre de passer enfin d’une logique de dispositif à une logique de parcours. Et pour atteindre notamment le doublement des effectifs des salariés d’entreprises adaptées, pour le porter à 80 000 d’ici à 2022. D’où la création des entreprises adaptées de travail temporaire, ou la mise en place de CDD tremplins pour mieux former leurs signataires.
Me reviendra en effet de copiloter son élaboration et sa mise en œuvre. Il est pour l’heure testé sur différents territoires, et cette approche pratico-pratique se verra complétée par un travail de concertation pour son élaboration nationale. Nous devons gagner la bataille de l’exhaustivité des solutions pour tous les chômeurs.
Oui. Nous devons tous aller les chercher. Le deuxième principe du SPI devra tenir à la continuité. Aujourd’hui, c’est la personne en difficulté qui va vers le dispositif, en sort, doit se débrouiller seule pour aller vers le suivant… Donc il faut mettre en place un accompagnement global, pour qu’elle n’ait plus à voir différents interlocuteurs pour les questions d’emploi, de logement… A force de multiplier les intervenants auprès d’un même bénéficiaire, finalement, plus personne ne s’occupe de rien… Il faut réintroduire la notion de responsabilité : de la personne elle-même, mais aussi du travailleur social, qui pourra ainsi accompagner de façon plus qualitative. Cela lui permettra de voir le résultat de son action. Inversement, notre actuel fonctionnement en silo consacre l’impuissance des travailleurs sociaux. Or l’immense majorité d’entre eux ont choisi ce métier par engagement et conviction. Autre principe du SPI : la simplicité. Il doit proposer une utilité sociale par l’activité, en veillant à ce que le travail soit adapté aux capacités de chacun.
Comment réaliser tout ça ? Je n’ai pas toutes les réponses. Mais je vois que la concertation avec les départements, la délégation à la lutte contre la pauvreté font émerger des pistes sur le diagnostic et l’accompagnement global.
On en fait trop une question préalable.
Certains le font déjà. Et puis, dans le futur SPI, on aura bien sûr besoin de généralistes, mais aussi d’experts. Exactement comme dans une maison médicale. Surtout, ce nouveau SPI redonnera du sens et de l’efficacité à ce travail social si le dispositif touche tout le monde.
Jusqu’à fin 2021, on expérimente des SPI de façon concrète sur les territoires. Et le SPI national qui doit en être issu devrait émerger en 2022.
Il restera un comité des parties prenantes. C’est un action tank, qui comprend des représentants de la société civile et de l’administration. Ils vont nous orienter, nous challenger…
Peut-être [il sourit, ndlr]. D’un côté, ça me coûte puisque, depuis vingt ans, je suis un entrepreneur social. Je suis ainsi dans le faire, dans l’obtention de résultats concrets pour les gens. Mais d’un autre côté, depuis deux ans que je préside ce haut conseil, je suis à la charnière entre l’acteur de terrain et celui qui essaie de contribuer au changement des dispositifs. Depuis vingt ans que j’observe les dysfonctionnements, je crois que je sais quelles améliorations il convient d’apporter. Et puis le temps n’est plus à l’élaboration mais à l’opérationnalité, et voilà pourquoi j’ai choisi d’aller au cœur du réacteur. Je m’engage pour délivrer ce qui a été promis, et pour aller encore plus loin.