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“Un tchat pour les jeunes femmes victimes de violences”

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Depuis 2016, l’association En avant toute(s) œuvre à la prévention et à l’accompagnement des jeunes femmes victimes de violences. Elle a lancé le premier tchat dédié aux moins de 25 ans qui permet aux victimes de se confier et d’être orientées vers des associations spécialisées.

Leur bureau est niché dans la Cité audacieuse, un lieu consacré aux droits des femmes, tout près du Sénat, à Paris. Si Louise Delavier et Ynaée Benaben, les fondatrices d’En avant toute(s), n’ont pas toujours été aussi bien installées, d’audace, en revanche, elles n’ont jamais manqué. Parties d’une volonté d’inventer « quelque chose d’utile et de nécessaire socialement et politiquement », elles ont créé un nouvel outil qui a trouvé sa place dans le combat contre les violences faites aux femmes. Tout a commencé en 2014. Les deux étudiantes, alors âgées respectivement de 24 et de 26 ans, ne se connaissent pas encore. Après deux années de prépa littéraire où elle est « ulcérée par le manque de politisation de ses camarades », Louise Delavier suit un master d’histoire et décroche un stage au Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). C’est là, en préparant un avis consultatif sur le viol et le consentement, qu’elle a le déclic : « Je rencontrais des membres d’associations et, à ce moment-là, je me suis dis que je voulais être avec celles qui travaillent auprès des victimes », confie la jeune femme, aujourd’hui responsable des programmes et de la communication d’En avant toute(s). A 8 725 km de là, à Brasilia, capitale du Brésil, Ynaée Benaben suit un stage au siège de l’ONU Femmes dans le cadre de ses études politiques à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. L’étudiante y travaille sur la « déclaration de Beijing », qui acte plusieurs engagements en matière de droits des femmes. Elle multiplie les rencontres (associations locales, cheffes de communautés autochtones…) et commence, elle aussi, à vouloir s’inscrire dans une dynamique d’action sur le terrain.

Une population invisible

De retour en France, elle lance la machine et entérine le principe d’une association de lutte contre les violences faites aux femmes. « Il y a quelque chose de prophétique dans notre histoire », sourit Louise Delavier. Et pour cause : les trajectoires des deux femmes auraient pu ne jamais se croiser si une troisième, Céleste Danos, qui les côtoie toutes les deux, ne les avait mises en contact. C’est ainsi qu’un matin de l’été 2015, Louise Delavier frappe à la porte d’Ynaée Benaben et que, depuis cinq ans, les deux femmes ne se sont plus quittées. « On a su dès le départ qu’on avait la même vision du projet, il n’y a eu aucun doute », détaille Louise Delavier. S’ensuit une course effrénée. Le studio d’Ynaée Benaben, perché dans l’est parisien, se transforme en bureau, salle de réunion et cuisine. Les tasses de café côtoient les tableaux Excel. Les deux femmes enchaînent les rencontres avec les acteurs de terrain, les chargés de mission, et posent un diagnostic : il faut agir particulièrement auprès des jeunes femmes victimes de violences. En Ile-de-France, 17 % des femmes âgées de 20 à 24 ans déclaraient être victimes de violences conjugales en 2000. C’est la tranche d’âge où l’on enregistrait alors le plus de cas de violences conjugales. Pourtant, ces jeunes femmes ne représentent que 11 % de celles accueillies par les dispositifs spécialisés dans la région.

De fait, cette population échappe souvent aux radars et ne fait pas forcément appel aux structures existantes. Les deux amies commencent alors à sonder leurs proches sur la problématique. « Quand on a été identifiées dans notre entourage comme les filles qui parlaient de violences conjugales, on a reçu tellement de témoignages. Ça a été une vraie prise de conscience », raconte Ynaée Benaben. Elles se forment alors pendant des mois au sein de plusieurs associations : Collectif féministe contre le viol, Une femme un toit (FIT), seule structure dédiée aux victimes de violences sexuelles âgées de 18 à 25 ans… Finalement, elles choisissent d’agir sur Internet. « Nous nous sommes aperçues que les jeunes victimes parlent, mais pas forcément sur les sites dédiés. Elles se confient sur les forums, posent des questions sur Doctissimo. » En février 2016, elles créent le site En avant toute(s) pour prévenir les comportements sexistes, puis lèvent des fonds pendant un an pour ouvrir le tchat « Comment on s’aime ? » et offrir une solution d’accompagnement et d’orientation aux jeunes femmes victimes de violences dans le couple ou la famille. Dès le départ, les deux entrepreneuses constatent également que les jeunes victimes ne s’identifient pas comme telles, et optent pour un nom de structure plus généraliste. Une manière d’attirer les filles qui s’interrogent sur leur couple. Un moyen leur permettant ensuite d’identifier des abus. Aujourd’hui, 99 % des femmes qui les contactent sont ou ont été victimes de violences.

Un pont entre les victimes et les structures

« On ne s’est jamais positionnées comme une solution providentielle », rappellent les deux amies, pour qui leur dispositif est un pont entre la parole, jusqu’ici inaccessible, de jeunes victimes de violences et les structures existantes. Même si le tchat les a parfois conduites à appeler la police dans des situations d’urgence absolue. Preuve d’un besoin : plus de la moitié des filles qui se connectent au tchat sont âgées de 19 à 26 ans et 76,9 % des utilisatrices ont vécu des violences dans le cadre conjugal. Celles-ci décrivent à 85 % des violences psychologiques et dans 62,5 % des cas, des violences physiques. Leur association, qui propose par ailleurs des formations aux violences sexistes et sexuelles pour les professionnels, salarie désormais neuf personnes. Le tchat « Comment on s’aime ? » a suivi 189 personnes en 2019, presque trois fois plus qu’en 2017. Les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc n’y sont sûrement pas pour rien : « Ça a été un basculement. C’était inespéré quand on a lancé le projet. C’était stimulant », affirme Ynaée Benaben. En quelques mois, le tchat enregistre 130 % de connexions en plus. « Les violences faites aux femmes ont toujours existé, mais là l’espace médiatique a été ouvert et on a pris le coche », renchérit Louise Delavier.

Pourtant, ces cinq dernières années n’ont pas toujours été faciles. « On travaillait 70 heures par semaine, on passait de la comptabilité aux réseaux sociaux. Il a fallu attendre deux ans avant de pouvoir s’octroyer un salaire raisonnable. » Si le projet a été rendu possible par le soutien de leurs familles, de leurs proches et de bénévoles très actifs, les deux femmes ont surtout misé sur « le culot et la chance » et ont réussi à convaincre la Fondation Elle ou encore la marque de cosmétiques Lush de les suivre financièrement sur le long terme. Un pari gagnant, qui leur permet désormais d’ouvrir le tchat du lundi au vendredi, dès 15 heures. Prochaine étape : pouvoir ouvrir le dimanche soir, moment où les jeunes femmes ont souvent besoin de parler.

Comment onsaime.fr

est l’unique espace d’écoute dédié aux femmes victimes de violences de moins de 25 ans. Responsables des programmes, Louise Delavier est chargée de la communication et Ynaée Benaben, des partenariats.

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