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A la conquête du droit commun

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Pas d’assurance maladie, pas de chômage, pas de préavis de licenciement, aucune visite médicale, ni inspection du travail… La liste des droits que n’ont pas les personnes travaillant en détention est longue. « La conséquence de cet abandon du législateur, c’est le maintien du travail carcéral dans une zone de non-droit », tranche Nicolas Ferran, responsable du pôle « contentieux » de l’Observatoire international des prisons (OIP) France. En réponse, le responsable associatif propose avec sa collègue Marie Crétenot (responsable du pôle « plaidoyer » de l’OIP) et les chercheurs Philippe Auvergnon (directeur de recherche au CNRS) et Cyril Wolmark (professeur de droit à l’université Paris-Nanterre) un nouveau statut juridique du détenu travailleur. Un statut quasi équivalent au droit commun.

Pas de contrat de travail

A la base de la discrimination, l’absence de contrat de travail. Les personnes incarcérées ne disposent que d’un acte d’engagement ne fixant pas de normes minimales en matière de conditions de travail. Si la contrôleure générale des lieux de privation de liberté Adeline Hazan admet qu’« on ne peut pas transposer à 100 % le code du travail » au milieu pénitentaire, elle souhaite un « vrai contrat de travail, avec l’introduction obligatoire d’une inspection, de réglementations horaires, d’arrêts de travail… » Deux questions prioritaires de constitutionnalité avaient été déposées en 2013 et 2015 sur le sujet, mais le Conseil constitutionnel « a renvoyé au législateur la charge d’éventuellement légiférer sur ces dispositions » sans obligation, ce que regrette Adeline Hazan.

Rémunération « à la pièce »

S’agissant de rémunération, la loi définit une fourchette allant de 20 % à 45 % du Smic horaire : « scandaleusement bas », juge la contrôleure générale. Et il ne s’agit que de la théorie. Dans la pratique, la rémunération dite « à la pièce » (paie à l’unité produite), illégale, est courante dans les ateliers. Stéphane, anciennement détenu à Fleury-Mérogis, témoigne avoir été payé de cette façon : « Je gagnais moins de 200 € par mois ». Les entreprises sont loin de vouloir que cela change : « Nous sommes pour le maintien du travail rémunéré à la pièce, assume Stéphane Soutra, membre de l’Association des concessionnaires et prestataires de France. Le coût du travail en milieu carcéral est soumis au marché, comme ailleurs. Si vous voulez que le détenu soit rémunéré de manière juste, alors il faut se pencher sur l’unification du travail en prison et mettre les moyens. »

Dans leur proposition de statut professionnel, les responsables associatifs et chercheurs défendent une grille de rémunération prenant en compte l’ancienneté. Ils suggèrent également l’établissement d’une clause signée par le concessionnaire l’engageant à rémunérer les personnes lorsqu’il y a une période de chômage technique. Pour Raphaële Parizot, professeure de droit pénal à l’université Paris-Nanterre, « les difficultés s’estompent dès lors que le travail se réalise à l’extérieur de la prison ». Le contrat bilatéral devient alors la norme, même pour une personne placée sous main de justice. L’enjeu reste donc, selon elle, de « dissocier le travail en prison et la peine privative de liberté ».

Droits collectifs : tout reste à inventer

Syndicat, grève… Les droits collectifs des détenus travailleurs se résument à « un déni d’expression collective, un tabou né de la peur des mutineries et des impératifs de sécurité », constate Lola Isidro, maître de conférences en droit à l’université de Lorraine. L’Observatoire international des prisons (OPIP) et les chercheurs proposent de désigner un délégué en interne chargé de recueillir les revendications, d’organiser des réunions régulières dans chaque atelier, ou encore de faire intervenir un responsable syndical extérieur. « Créer de la syndicalisation dans la détention, c’est mettre en avant un rapport de force », craint Flavie Rault, secrétaire générale du Syndicat national des directeurs pénitentiaires, qui s’oppose également au droit de grève au nom de « la préservation de l’ordre public ». Pour Lola Isidro, un régime spécial doit pouvoir être pensé : « La cessation de travail pourrait se matérialiser dans le fait de rester dans sa cellule, sans faire d’occupation de l’atelier. »

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