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Des préconisations pour limiter les délais d’exécution

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Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale de la justice sur « les délais d’exécution des décisions prises par les juges des enfants en matière de protection de l’enfance » a été rendu public le 6 février, en toute discrétion. Il pointe des dysfonctionnements graves dans la protection de l’enfance.

La problématique est connue : les délais d’exécution des décisions des juges des enfants en matière de protection de l’enfance. Elle avait d’ailleurs donnée lieu, le 5 novembre 2018 à une tribune, intitulée « Mineurs délinquants, mineurs en danger : le bateau coule ! » » (France Inter-Le Monde). Signée par 15 juges du tribunal pour enfants de Bobigny, celle-ci dénonçait la dégradation de leurs conditions de travail et leurs difficultés pour mener à bien leur mission de protection de l’enfance. « Il s’écoule jusqu’à dix-huit mois entre l’audience au cours de laquelle la décision est prononcée par le juge des enfants et l’affectation du suivi à un éducateur », indiquaient-ils à l’époque. Et si la situation s’est légèrement améliorée aujourd’hui, du fait d’une baisse du nombre d’arrivée des mineurs non accompagnées, les difficultés persistent et sont loin de ne concerner que le département de la Seine-Saint-Denis. A la mi-février, Philippes Desloges, vice-président du tribunal de Saint-Nazaire, dénonçait à son tour le fait que 119 mesures d’aide éducative en milieu ouvert (AEMO) étaient en attente d’exécution. Ce nombre n’était que de… 20 il y a seulement deux ans.

Absence de données nationales

Le rapport des inspections générales des affaires sociales (Igas) et de la justice (IGJ), rendu public le 6 février, confirme le diagnostic de terrain des professionnels. Ces deux instances avaient été missionnées le 14 mars 2019 pour évaluer « les délais d’exécution des décisions de justice prises par les juges des enfants en matière de protection de l’enfance », en l’absence de données nationales sur le sujet. Ces inspecteurs se sont donc appuyés sur le retour des départements et des juges coordonnateurs des tribunaux pour enfants. Ils ont constaté une augmentation générale de ces délais sur l’ensemble des décisions de justice en dépit d’écarts très importants entre départements, en particulier sur les mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO). A ce sujet, ils précisent que le calcul d’un temps moyen de leur mise en œuvre ne serait pas significatif et risquerait de masquer la situation parfois très difficile de certains départements. Ils soulignent aussi que l’analyse de « ces délais ne doit pas masquer le fait que la mise en œuvre des mesures se fait parfois au prix d’une prise en charge non optimale des mineurs ». Ce qui n’empêche pas les auteurs de mettre en lumière que seules 2 % des mesures de placement sont en attente d’exécution, avec une estimation du délai moyen à moins de dix jours. S’agissant des AEMO, entre 8 % et 9 % de ces mesures sont en attente avec un tiers des départements qui présentent des délais supérieurs à quatre mois et deux tiers entre zéro et trois mois.

Dans le constat établi par cette mission de l’Igas et l’IGJ, l’inadéquation quantitative et qualitative de l’offre par rapport aux besoins a été fortement pointé, autant que les conséquences dommageables sur le parcours des enfants. Un état de fait qui a fortement influencé les 13 recommandations de ce rapport qui s’organise autour de trois axes : les systèmes d’information, la gouvernance et l’évolution de l’offre. La première d’entre elles est l’expérimentation d’un outil permettant de connaître en temps réel les places disponibles dans les différentes structures d’accueil et les capacités ou les délais d’attente dans les services d’assistance éducative, sur le modèle de ce qui a été fait dans le secteur des personnes handicapées et des personnes âgées.

Des juges sous pression

Cette proposition n’appelle pas de contestation, à l’inverse de cette précision qui avance que cet état des lieux des places disponibles pourrait être communiqué à l’ensemble des juges pour enfants ce qui a fait réagir Lucille Rouet, juge des enfants au tribunal de Paris et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature : « Ce système d’information en temps réel peut effectivement être intéressant pour les départements mais ces données ne doivent pas conditionner la décision des magistrats, car celle-ci ne doit pas être motivée en fonction des délais d’attente en AEMO ou en placement mais seulement par l’intérêt de l’enfant. » Un système d’information qui pourrait néanmoins être utile notamment sur les décisions de fin de placement. « Ce logiciel peut être intéressant si un enfant est en fin de placement et doit glisser vers une AEMO. Ce système permettrait au magistrat de prendre les décisions pour qu’il n’y ait pas de rupture de prise en charge entre les deux mesures », estime Lucille Rouet.

L’Igas et l’IGJ recommandent également de réaffirmer la place de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) dans la politique de protection de l’enfance, une préconisation bien reçue par les professionnels concernés qui revendiquent depuis des années de revenir à des mesures civiles alors qu’aujourd’hui la PJJ n’intervient que sur le volet pénal. « Le fait de leur redonner du civil permettrait certainement de prendre en charge plus de mesures et par conséquent réduire les délais », analyse la juge des enfants.

Et maintenant ?

Certaines des préconisations de ce rapport sont déjà en cours de mise en œuvre. C’est le cas du travail sur les conditions d’exercice des assistants familiaux. Les négociations ont débuté le 27 février ; pour d’autres, elles font l’objet de réflexions sur la gouvernance de la protection de l’enfance. Et si les préconisations de ce rapport (voir encadré) sont plutôt bien accueillies par les professionnels – car, selon Lucille Rouet, elles ont le mérite d’inventorier les difficultés, de replacer chaque acteur à sa place et de promouvoir la nécessité de communiquer les uns avec les autres –, elles auraient pu aller plus loin. Brice Castel, cosecrétaire du Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique (Snuasfp-FSU), ressent un goût d’inachevé : « Nous avons l’impression que cela évite le sujet principal, à savoir celui du choix politique de mettre des moyens et d’investir dans le champ de la protection de l’enfance. » Un choix politique, certainement, mais l’Assemblée des départements de France préfère mettre en avant les contraintes financières subies(1), également évoquées dans ce rapport. Cela ne laisserait pas la latitude aux conseils départementaux d’investir dans la protection de l’enfance en grande partie à cause du pacte de Cahors qui contraint chacun d’entre eux à limiter l’évolution de ses dépenses de fonctionnement à 1,2 % sous peine de pénalités.

Ce rapport n’a pas donné lieu à une remise officielle auprès de la ministre de la Justice et du secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, malgré la problématique prégnante traitée.

Les autres préconisations du rapport

• Revoir les modalités de remontée des informations entre les départements, l’Observatoire national de la protection de l’enfance et la Dress.

• Généraliser la création d’une instance quadripartite dans chaque département avec les magistrats coordonnateurs, les parquetiers mineurs et les services départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse.

• Redéfinir les moyens des juges coordonnateurs.

• Garantir la parfaite information des départements afin qu’ils puissent assurer la coordination des mesures.

• Réaliser dans chaque département un état des lieux de l’adéquation quantitative et qualitative de l’offre dans le cadre du schéma départemental et établir une programmation pluriannuelle pour combler le déficit de places.

• Favoriser la conclusion de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) entre les conseils départementaux et les associations habilitées.

• Poursuivre la diversification de l’offre de protection à domicile

• Développer des offres spécifiques pour certains publics particulièrement touchés par les délais d’exécution des décisions.

Notes

(1) Voir ASH n° 3149, du 28-02-20, p. 8.

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