Prix Coup de cœur Handi-Livres, l’ouvrage Les exilés mentaux, publié fin 2014, vient d’être réédité dans une version augmentée. Jeanne Auber, pédiatre, y raconte l’histoire de sa fille Julie, polyhandicapée, contrainte à l’exode en Belgique depuis sept ans faute de places adaptées en France. Pour la jeune fille, alors âgée de 22 ans, et sa famille, c’est un parcours du combattant qui a commencé par un mail reçu un samedi soir à 21 heures, annonçant, sans égard, que l’internat spécialisé dans lequel elle était depuis des années ne pourrait plus continuer à la prendre en charge. Les parents vont alors contacter des dizaines d’établissements, et n’essuieront que des refus. « Vous savez, il y a des établissements très bien en Belgique », leur suggèrent certains professionnels… De guerre lasse, Jeanne Auber les contacte. En quelques jours, on lui propose des rendez-vous, la transmission du dossier de Julie à plusieurs structures et une évaluation à son domicile. « Une réponse que nous n’avions jamais reçue de la part d’établissements français », regrette-t-elle. Cinq ans après son cri d’alarme, la situation n’a pas vraiment changé. La France compte toujours entre 40 000 et 50 000 personnes classées « sans solutions », dont 10 000 enfants. Pas assez épileptiques parmi les épileptiques, pas assez autistes parmi les autistes, pas assez trisomiques parmi les trisomiques… Un problème qui, au-delà du manque de moyens, pose une question centrale : celle de l’acceptation – ou non – de personnes différentes, hors normes. « Il suffit d’une petite différence pour creuser des écarts. Alors quand le phénotype, la conformité, le comportement, font écart par rapport à ce qui est attendu, voulu, désiré, l’acceptation se fait très difficilement », écrit le sociologue Henri-Jacques Sticker dans la postface du livre. Aujourd’hui, la maman de Julie rêve de cette société inclusive dont tout le monde parle. Elle ose même espérer qu’un jour le mot « handicap » aura disparu de notre vocabulaire.
« Les exilés mentaux. Un scandale français » – Jeanne Auber – Ed. L’Harmattan, 18 €.