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Handicap et pauvreté : il y a urgence sociale

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Deux millions de personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies invalidantes vivent sous le seuil de pauvreté. Lorsqu’elles peuvent travailler, elles sont victimes d’une discrimination massive. Le président d’APF France handicap, Alain Rochon, souhaite une prise en compte spécifique de ces personnes par les pouvoirs publics. Il appelle à une mobilisation nationale le 5 mars prochain et à la création d’un revenu individuel d’existence.

Le handicap expose davantage au risque de pauvreté. C’est ce qui ressort d’un rapport sur la pauvreté en France de l’Observatoire des inégalités, paru en 2018. Un quart des personnes touchées par plusieurs limitations liées au handicap vivent sous le seuil de pauvreté, un tiers quand ces limitations sont sévères. Ainsi, plus le handicap est sévère, plus le revenu est faible et le niveau de pauvreté élevé. Un constat alarmant qui n’est actuellement pas pris en compte par les pouvoirs publics.

Certes, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) a été augmentée pour atteindre 900 € mensuels fin 2019. Son montant reste toutefois au-dessous du seuil de pauvreté. Elle ne sera revalorisée cette année que de 0,3 %. Une évolution inférieure à l’inflation. En outre, certains bénéficiaires ne profitent pas réellement de cette revalorisation, surtout ceux vivant en couple (abaissement en 2018 et en 2019 du plafond des ressources de 2 à 1,8 du montant de l’AAH, qui neutralise totalement ou partiellement l’augmentation). Sans compter la suppression du complément de ressources (179 € par mois) pour les nouveaux bénéficiaires de l’AAH depuis le 1er décembre 2019.

AAH et dépendance vis-à-vis du conjoint : une injustice

De plus, la prise en compte des ressources du conjoint dans la base de calcul de l’AAH est une réelle injustice. La personne en situation de handicap, privée du droit à des ressources personnelles, se voit placée dans une situation de dépendance vis-à-vis de son conjoint. Une négation de son existence en tant qu’individu autonome.

Cette dépendance est particulièrement prégnante chez les femmes : selon l’enquête APF France handicap menée auprès de femmes en situation de handicap début 2019, près de 45 % des répondantes voient leur propre revenu impacté par celui de leur conjoint ou de leur foyer. Cette situation de dépendance peut entraîner de la maltraitance, voire des violences, comme l’ont montré les travaux récents du Grenelle des violences faites aux femmes.

Le 13 février, une proposition de loi visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. Cette proposition répond à une revendication de longue date des personnes en situation de handicap. Nous la soutenons bien évidemment, mais nous sommes inquiets de constater qu’elle n’a pas reçu le soutien du gouvernement.

Titulaires de pensions d’invalidité et de rentes : les grands oubliés

Par ailleurs, plus de 800 000 personnes sont titulaires d’une pension d’invalidité et près de 1,3 million de personnes d’une rente accident du travail. Si les pensions devraient enfin être revalorisées au niveau de l’inflation, soit entre 1 % et 1,5 % au 1er avril 2020, la très grande majorité des personnes concernées se sent laissée pour compte. En effet, elles sont très nombreuses à vivre sous le seuil de pauvreté. Ainsi, par exemple, 98 % des titulaires de pensions d’invalidité (catégories 1 et 2) vivent avec moins de 813 € mensuels en moyenne (hors allocation supplémentaire d’invalidité).

Enfin, nombreuses sont les personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies invalidantes qui vivent avec une allocation chômage, un salaire ou une retraite minimes.

Les personnes en situation de handicap rencontrent de très importantes difficultés d’insertion dans le monde du travail et connaissent un taux de chômage largement supérieur à la moyenne nationale, qui plus est un chômage de longue durée. Près de 510 000 personnes en situation de handicap ne trouvent pas d’emploi aujourd’hui et 59 % des demandeurs d’emploi handicapés sont au chômage depuis plus d’un an, contre 48 % pour l’ensemble des demandeurs d’emploi. Ainsi, selon le rapport sur la pauvreté en France de l’Observatoire des inégalités, les revenus tirés du travail salarié ne représentent qu’un peu plus de la moitié des revenus des personnes en situation de handicap contre 81 % pour la population valide. Elles sont nombreuses à ne bénéficier que de minima sociaux ou de revenus de remplacement.

Lorsque les personnes en situation de handicap travaillent, c’est souvent à temps partiel. C’est le cas pour 34 % des personnes en situation de handicap en emploi contre 18 % pour l’ensemble de la population. Elles ont donc un salaire insuffisant pour vivre.

La précarité jusqu’à la retraite et même après

Des situations qui ont des conséquences sur leur retraite. L’impact de leur situation sur leur santé, leur fatigabilité, leur aptitude au travail… entraîne souvent des parcours professionnels atypiques – interrompus ou complexes – qui ont une incidence sur leur âge de cessation d’activité et sur leurs droits à la retraite souvent réduits en conséquence.

Une récente enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), publiée en février 2020, montre que les personnes en situation de handicap passent en moyenne 8,5 années sans emploi ni retraite après 50 ans contre 1,8 an pour les personnes sans incapacité. Cet écart s’est accru en raison de la précédente réforme des retraites. Or, le projet de loi actuel se contente de maintenir les droits existants, en particulier concernant la retraite anticipée et la retraite pour inaptitude. En effet, si une pension de retraite contributive minimale est bien prévue, celle-ci est réservée aux carrières complètes. Mais très souvent, la situation de handicap ne le permet pas.

De plus, l’accès à la retraite anticipée reste beaucoup trop restreint. Les départs anticipés à la retraite sont ainsi plus fréquents pour les personnes n’ayant aucune incapacité que pour les personnes en situation de handicap en raison des différents dispositifs d’anticipation de la retraite existants, en particulier du dispositif de départ anticipé lié aux carrières longues. Enfin, les critères pour l’obtention d’une retraite pour inaptitude restent également inchangés dans le projet de loi. Tous ces paramètres ne font que renforcer l’extrême précarité vécue par les personnes en situation de handicap les plus fragiles financièrement.

Pour un revenu d’existence décent

Aussi, face à l’urgence sociale que constituent les multiples situations de pauvreté du fait d’un handicap ou d’une maladie invalidante, APF France handicap, soutenue par la Ligue des droits de l’Homme, se mobilise partout en France, le 5 mars, pour dénoncer cet état de fait, faire entendre la voix des personnes et de leurs proches et mettre la question du droit à vivre dignement au cœur des priorités politiques. Et nous appelons les citoyens et les associations solidaires de ce combat à nous rejoindre.

Lors de son allocution à la Conférence nationale du handicap, le 11 février dernier, le président de la République a fixé un objectif : “Permettre à chacune et chacun de vivre une vie digne, une vie libre” ; “continuer à aller sur le chemin de l’allocation digne pour toutes les personnes en situation de handicap”. Nous le prenons au mot. Nous demandons notamment la mise en place d’assises sur les ressources des personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies invalidantes et la création du revenu individuel d’existence décent, et ce, dès 18 ans. Cette revendication s’inscrit dans le cadre d’un questionnement autour du statut actuel de l’AAH en tant que minimum social. Le récent débat autour de la création d’un revenu universel d’activité (RUA), qui mettait en perspective l’intégration de l’AAH en son sein, a montré combien la situation spécifique des personnes en situation de handicap bénéficiaires de l’AAH était mal appréhendée. Pour APF France handicap, il faut sortir l’AAH des minima sociaux et refonder notre système de protection sociale en créant un revenu d’existence pour les personnes en situation de handicap ou atteintes de maladies invalidantes conçu comme un vrai droit de type “sécurité sociale”.

Objectif : zéro personne en situation de handicap ou atteinte de maladie invalidante sous le seuil de pauvreté et une solidarité nationale qui protège de manière effective les personnes en situation de vulnérabilité ! »

Contact : www.apf-francehandicap.org

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