La forme de cet engagement ne convient pas. Il s’agirait principalement de faire appliquer la loi de 2016 qui comporte 75 décrets d’application. Si ce texte était appliqué, il réglerait un nombre important de problèmes. Je ne pense pas que l’application de la loi puisse passer par la contractualisation, c’est-à-dire à être à géométrie variable selon les départements. Cette stratégie devait construire de grands axes sur tout le territoire. 30 départements qui font de petites choses et 101 qui respectent la loi, ce n’est pas tout à fait la même chose. Or le gouvernement veut s’appuyer sur ce dispositif pour faire appliquer les lois de 2007 et 2016.
Il y a, de plus, des prérequis pour accéder à cette contractualisation. En particulier le fait qu’il y ait des commissions de statut dans le cadre des observatoires départementaux de la protection de l’enfance. La préoccupation est que cela ne va concerner que 30 départements. C’est aussi une véritable déclaration de guerre aux départements de gauche qui ne veulent pas ficher les mineurs non accompagnés. Or dans ces préalables, il y a le fichage des mineurs étrangers. De plus, personne ne vérifie les faits déclaratifs des départements qui disent avoir un observatoire. Mais si celui-ci ne se réunit jamais ou s’il n’a pas de moyens, le département n’applique pas les lois de la protection de l’enfance.
C’est effectivement un banal appel à projets doté d’un fonds de financement de 50 millions d’euros, et non pas de 80 comme affiché par le gouvernement. Il y a en effet 30 millions d’euros qui concernent des financements fléchés de l’assurance maladie, destinés à des micro-projets, des expérimentations. L’Etat va ainsi venir aider les départements à monter ici un groupe de parole de parents, là une équipe mobile, ce qui équivaut à faire du saupoudrage de subventions. Nous n’en sommes plus là.
Le gouvernement a plusieurs outils de politique d’Etat assez efficaces pour obliger les collectivités décentralisées à appliquer la loi. Il a déjà les pouvoirs des préfets, qu’il n’utilise jamais, qui peuvent par exemple inscrire d’office dans un budget départemental le financement d’un observatoire de la protection de l’enfance. Malgré cette possibilité, je n’ai jamais vu un gouvernement l’appliquer pour imposer le respect de la loi à des structures décentralisées. Et si le gouvernement ne veut pas être dans la confrontation et l’opposition mais plus dans un partenariat financier avec les départements, il dispose d’un autre outil non négligeable et efficace. Il peut desserrer le pacte de Cahors (voir page 6) car il enferme l’augmentation des dépenses de fonctionnement des départements dans une fourchette de 1,2 %. Il peut donc fléchir cette contrainte à l’égard des conseils départementaux qui feraient de véritables efforts financiers pour mettre en place la loi de 2016. Dans ce type de situations, cela aurait eu du sens. Ce serait une vraie politique d’Etat. Alors qu’il ne s’agit dans le cas présent que d’une politique de “subventionneurs” avec quelques millions à distribuer, via un appel à projets. Et après, on saupoudre.
Je pense que ce n’est pas possible plus de trente ans après le transfert de cette compétence au département. Cela demanderait une telle réorganisation qu’on perdrait encore dix ou quinze ans. Il faut que l’Etat assume l’égalité de traitement de tous les enfants à protéger sur l’ensemble du territoire mais aussi le respect des lois de 2007 et 2016. Il n’est pas obligé de reprendre la compétence mais il y a une loi qui est extrêmement précise, avec 75 décrets d’application, qui administre la protection de l’enfance. Il faut la faire appliquer sur les 101 départements français. L’Etat a les moyens juridiques et financiers de le faire.