Soixante-deux départements ont candidaté pour contractualiser avec l’état dans le cadre de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance. Après une étude de leur dossier par les services du ministère des Solidarités et de la Santé selon différents critères – tels que l’analyse précise des besoins des enfants et des familles du territoire, l’ambition claire d’amorcer ou d’accélérer le virage de la prévention en protection de l’enfance ou encore la volonté d’investir et d’innover dans les départements qui font face à une démographie en hausse – trente d’entre eux (voir encadré) ont été sélectionnés. A la clé, un contrat triennal qui court de 2020 à 2022 avec une enveloppe de 80 millions d’euros pour la première année à se partager. Mais si les départements sont connus depuis le 3 février, le montant qu’ils s’apprêtent à percevoir est encore à préciser car il ne sera pas divisé en 30 parts égales. Ce calcul, plus complexe, sera détaillé début mars avec la publication d’une circulaire détaillant la mise en œuvre de cette contractualisation, du même type de celle rédigée pour les contrats dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté(1) L’attente est de rigueur pour ces départements. Pour les autres, les 32 éconduits, il faudra patienter quelques mois, car une nouvelle vague de contractualisation est prévue pour 2021 avec 30 places à pourvoir. Cependant, pour certains départements, avec en tête de peloton la Seine-Saint-Denis, cette perspective n’est pas envisageable.
Selon les services d’Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, de nouvelles candidatures émergent. Pour autant, certains départements sont vent debout sur le principe de la contractualisation, échaudés par l’expérience de cette forme d’engagement avec l’Etat dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.
C’est particulièrement le cas de la Seine-Saint-Denis, ce département ayant d’ailleurs argumenté son refus d’adhésion. Dans un courrier daté du 28 novembre 2019 adressé au secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, le président de ce conseil départemental, Stéphane Troussel, souscrit « à la nécessité que l’Etat soit davantage présent dans le portage de ces politiques publiques cruciales ». Néanmoins, ce dernier remet en cause la forme prise par l’implication de l’Etat. Dans cette missive, il indique ne pas souhaiter que « ce nécessaire partenariat passe par cette méthode de la contractualisation qui, pour l’avoir déjà testée avec la stratégie “pauvreté”, n’est pas satisfaisante ». Dans les deux cas, Stéphane Troussel argumente sur la faiblesse des moyens alloués par rapport à l’ingénierie nécessaire pour candidater ou encore pour faire le retour d’expérience. Les 80 millions d’euros pour 30 départements ne sont pas à la hauteur des enjeux pour ce département alors que son budget alloué à l’aide sociale à l’enfance (ASE) pour 2020 est estimé à 304 millions d’euros, « soit près de quatre fois le montant dégagé par l’Etat pour l’ensemble du territoire national pour le pacte de l’enfance ».
La Seine-Saint-Denis appelle à un partenariat plus égalitaire et juste au regard des enjeux et des dépenses qu’elle assume. Pour Stéphane Troussel, il faut « plus de compensations que des contrats très intrusifs et peu rémunérateurs, voire contreproductifs ». Le président du conseil départemental explicite son propos en mettant en cause le pacte de Cahors. Celui-ci contraint l’augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales à 1,2 % (voir page 8). Et ce, quand bien même elles sont liées à l’adhésion à une stratégie nationale. Or seules les dépenses financées par les crédits d’Etat sont aujourd’hui exclues de l’évolution des dépenses. Pour le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, l’Etat doit donner aux territoires « les moyens d’agir sans qu’un contrat lourd et gourmand en énergies administratives soit nécessaire ». Une préoccupation partagée par les départements ayant postulé à cette contractualisation.
Une demande récurrente pour la Seine-Saint-Denis, un département qui a vu ses dépenses en matière d’accueil des mineurs non accompagnés augmenter de 17 millions d’euros par rapport à 2018 pour atteindre 59 millions d’euros en 2019, et qui a également investi près de 3 millions d’euros en 2018 pour la prise en charge des enfants de retour de Syrie(2).
Pour le 93, le problème de la contractualisation ne se limite pas à la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, il est plus global. Stéphane Troussel voit dans la généralisation de cette méthode concernant les compétences sociales des départements, la volonté de remettre en cause l’esprit de la décentralisation. Un argument qui n’est pas systématiquement partagé. La grande majorité des départements ont joué le jeu. 62 d’entre eux ont candidaté pour la première vague de contractualisation.
La question reste donc de savoir si des départements ont témoigné d’un refus de cette contractualisation. Le secrétariat d’Etat à la protection de l’enfance répond par la négative. Il existe pourtant bien un refus de cette forme d’engagement. Si les 30 départements sélectionnés pour cette première vague de contractualisation sont aujourd’hui connus, de nombreux acteurs regrettent le manque de transparence des services d’Adrien Taquet lorsqu’il s’agit d’informer sur les départements qui ont été recalés ou ceux qui n’ont pas souhaité candidater.
Aisne, Allier, Alpes-de-Haute-Provence, Ardennes, Cher, Corse, Creuse, Dordogne, Eure, Gard, Ille-et-Vilaine, Loir-et-Cher, Loire-Atlantique, Mayenne, Meurthe et Moselle, Meuse, Moselle, Nord, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Haut-Rhin, Saône-et-Loire, Seine-et-Marne, Deux-Sèvres, Somme, Tarn-et-Garonne, Val-d’Oise, Guyane et La Réunion.