Un « développement progressif mais encore insatisfaisant de la prise en charge palliative en France, toujours confrontée à une série de difficultés et d’obstacles sérieux au moment même où son environnement évolue rapidement ». C’est ainsi que l’inspection générale des affaires sociales (Igas) présente une situation dégradée en introduction de son rapport d’évaluation du « plan 2015-2018 sur les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie ». Alors que le nombre de personnes âgées augmente, que les données démographiques confirment l’ampleur du mouvement, les soins palliatifs et l’accompagnement de la fin de vie restent le « parent pauvre » des soins. Quelques chiffres : entre 2010 et 2018, le nombre de décès est passé en France de 551 000 à 614 000, et l’Insee estime que ce chiffre dépassera les 700 000 en 2060. Avec une hausse concomitante du nombre de personnes très âgées dépendantes.
Un Ehpad sur cinq seulement dispose en 2015 d’un membre formé aux soins palliatifs, et moins de deux sur trois étaient conventionnés avec une équipe mobile de soins palliatifs (EMSP). Néanmoins, Pascale Vinant, responsable de l’EMSP à l’hôpital Cochin (Paris), constate que « l’une des victoires du plan national ad hoc, afin que le patient ne se retrouve pas aux urgences. Il s’agit d’éviter l’hospitalisation de ces personnes en fin de vie et permettre aux équipes des soins palliatifs d’intervenir. »
Mais le problème du manque de personnel formé à l’accompagnement de fin de vie persiste. « Les médecins n’ont que 6 heures d’enseignement sur le sujet. Certains généralistes accompagnent bien la fin de vie, mais en règle générale, ils restent attachés à la perception de la maladie, constate Pascale Vinant, également professeure associée de médecine palliative (université de Paris). En revanche, les infirmières et les aides-soignantes sont formées d’emblée à une approche globale du patient et à son bien-être. Sauf qu’il y a un réel problème de recrutement et de turn-over dans les soins palliatifs. Ces soignants ont des responsabilités, sont sous-payés et sont les plus maltraitées du secteur. Pourtant, ces tâches exigeantes nécessiteraient un temps qui n’existe plus pour bien faire. Le coût humain n’est absolument pas pris en compte. Or, les choix politiques se lisent dans les moyens déployés : les médicaments c’est très bien, mais des études réalisées aux Etats-Unis ont démontré que les soins palliatifs permettaient des gains de survie supérieurs. »
Autre obstacle, souligne le rapport de l’Igas : les bénévoles de l’accompagnement sont « non seulement insuffisamment valorisés, mais leur formation [reste] peu financée » par les 190 millions d’euros du quatrième plan 2015-2018. « Il faut que des professionnels des soins palliatifs soient accessibles pour tous les établissements médico-sociaux car ce sont encore les plus vulnérables qui bénéficient le moins de cette prise en compte de la fin de vie, dans toutes ses dimensions – psychiques, physiques, sociales, spirituelles », précise Olivier Mermet, président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). Parmi les réflexions stratégiques qui devraient, selon l’Igas, alimenter le futur plan, la priorisation des populations, à commencer par les plus fragiles : personnes handicapées, isolées, démunies. De fait, le bilan de l’action qui visait à améliorer les partenariats des EMSP avec les établissements et services sociaux et médico-sociaux indique qu’en 2017, 85 % des Ehpad ont signé une convention avec une EMSP, mais seuls 44 % des FAM et 54 % des MAS. « Ce taux est probablement plus faible dans les établissements accueillant des personnes précaires », conclut l’Igas.