« Contractualisation »… Derrière ce mot barbare se cache une large partie de l’avenir de la protection de l’enfance. Concrètement, 30 départements devraient, dans les mois qui viennent, se partager 80 millions d’euros destinés à financer des actions spécifiques, comme créer de nouvelles places d’accueil ou préserver les fratries en cas de placements. La circulaire qui détaille les dispositifs de contrôle et la répartition des moyens tarde à être publiée. Ce qui laisse dubitatifs les conseils départementaux retenus.
La somme débloquée par l’Etat cristallise, quant à elle, la crispation des départements n’ayant même pas pris la peine de candidater, au premier rang desquels la Seine-Saint-Denis. A lui seul, le 93 débourse chaque année… 300 millions d’euros pour tenter de préserver les enfants vulnérables.
Autre motif de critique, l’utilisation du fichage des mineurs étrangers. Un mécanisme au cœur de cette contractualisation qui a toujours hérissé la plupart des départements ancrés à gauche, ce qui les conduit à être discriminés.
La stratégie nationale adoptée en 2016 et reprise par Adrien Taquet, actuel secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, avait pourtant largement rassemblé. Il s’agissait de prendre en compte, avant tout, l’intérêt de l’enfant.
Mais en choisissant de passer par une contractualisation Etat-département, le gouvernement sème le doute. Ses contempteurs l’accusent de cadenasser l’action des collectivités locales. Via le pacte de Cahors, il encadre très strictement (+ 1,2 % par an) la hausse des dépenses de fonctionnement. Mais il refuse en même temps de leur allouer davantage de crédits nécessaires à la bonne exécution de leurs missions.
Sans surprise, la confiance d’une partie des acteurs est entamée. Les départements confrontés aux situations les plus difficiles sont bien souvent les plus critiques. Ils estiment que cette compétence est par nature régalienne, en particulier sur les drames vécus par les mineurs non accompagnés. Ils exhortent le gouvernement d’Edouard Philippe à assumer toutes ses responsabilités en la matière. Le pacte de Cahors doit être renégocié cette année. Une négociation attendue avec impatience par les conseils départementaux, qui feront valoir leurs arguments. Une négociation qui sera pour l’Etat l’occasion de mettre en cohérence ses actes et ses ambitions.