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La rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié

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La rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié

Crédit photo Cabinet DBA AVOCAT, Alison DAHAN
Un salarié peut à tout moment mettre fin à son contrat à durée indéterminée. Il peut remettre sa démission ou utiliser d’autres modes de rupture, moins connus dans la pratique, que sont la prise d’acte de la rupture ou la résiliation judiciaire. Ces deux mécanismes jurisprudentiels permettent de mettre un terme au contrat aux torts de l’employeur. Pour être valable, la rupture doit respecter certaines conditions.

Tout comme l’employeur peut rompre un contrat de travail à durée indéterminée(1), le salarié peut mettre fin à la relation contractuelle. Une rupture bien encadrée par le droit du travail avec des droits et des devoirs pour le salarié qui souhaite quitter son emploi.

L’article L. 1231-1 du code du travail précise : « Le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ou d’un commun d’accord, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre. Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d’essai. »

Lorsque l’on s’attache à la rupture du contrat de travail par le salarié, le premier mode de rupture envisagé est la démission. Mais il existe plusieurs facultés de rupture pour le salarié qui aura ainsi également la possibilité de rompre le contrat de travail aux torts de son employeur et de solliciter du conseil de prud’hommes de qualifier lesdites fautes comme suffisamment graves pour justifier le prononcé d’une rupture à ses torts. Pour précision, les modes de rupture envisagés dans le cadre de ce dossier juridique seront limités à la rupture du contrat de travail à la durée indéterminée, mode classique d’emploi salarié. Seront donc exclues les modalités de rupture spécifiques aux contrats à durée déterminée, aux contrats de travail temporaire et aux périodes d’essai, quel que soit le type de contrat.

I. La démission

Le code du travail ne fait pas mention des conditions relatives à la démission. Ne sont ainsi visées que les modalités relatives spécifiques au préavis que le salarié devra effectuer. En pratique, la démission naît de la volonté claire et non équivoque du salarié de rompre son contrat de travail. S’il semble que ce mode de rupture ne nécessite pas de précisions spécifiques, en réalité la rupture à l’initiative du salarié génère de nombreux contentieux : la volonté claire et non équivoque est régulièrement remise en question. La jurisprudence précise à ce titre qu’une démission doit être présentée librement et exclure tout reproche ou grief à l’encontre de l’employeur.

A. Forme et motivation de la démission

Le code du travail ne s’étant pas saisi de la démission et de la mise en place de ses conditions, il est difficile de prévoir une forme obligatoire à sa remise. Ainsi, le salarié est tout à fait admis à présenter sa démission oralement, par email ou encore par courrier simple. En pratique, il est conseillé au salarié de présenter sa démission selon un mode de transmission permettant de donner une date certaine à cette dernière. En effet, cela permet ensuite de déterminer notamment le point de départ de l’éventuel préavis avant la sortie de l’entreprise.

Si la forme de la démission est tout à fait libre, se pose la question de sa motivation. Le salarié doit-il, lorsqu’il souhaite quitter l’entreprise, expliquer pourquoi il envisage la rupture de son contrat de travail ? La jurisprudence répond constamment par la négative et le salarié ne doit en aucun cas justifier à son employeur d’un motif de rupture du contrat de travail. En revanche, la Cour de cassation demeure très vigilante quant à une motivation cachée de la rupture du contrat à l’initiative du salarié. En effet, la volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail induit nécessairement que le salarié n’est pas contraint de démissionner à la suite des pressions de son employeur ou à d’éventuels manquements de ce dernier (Cass. soc., 9 mai 2007, nos 05-40375 et suivants).

La démission, si elle doit être libre et réfléchie, ne peut en principe avoir aucune motivation, qu’il s’agisse de reproches à l’encontre de l’employeur ou d’altérations de la volonté du salarié.

Attention : La Cour de cassation rappelle régulièrement que la démission ne pourra être légalement reconnue qu’en dehors de toute pression de l’employeur. Les menaces illégitimes de licenciement, la « mise au placard » ou encore les pressions exercées constituent un comportement fautif de l’employeur qui viendra souvent exclure la qualification de démission. De jurisprudence constante, la Cour de cassation retient également que la lettre de démission qui serait signée par un salarié à la demande de son employeur ne sera pas constitutive d’une rupture à l’initiative du salarié. Elle pourra conduire l’employeur à être condamné par les juridictions au versement de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail (Cass. soc., 3 avril 2001, n° 99-40010).

Une seconde interrogation peut être soulevée en cas de rupture brutale du contrat par le salarié : comment qualifier la démission remise par le salarié à la suite d’un mouvement d’humeur ? Peut-on considérer qu’un salarié claquant la porte suite à une réunion houleuse et précisant qu’il ne reviendra plus est bien constitutif d’une démission ? Les juges répondent régulièrement par la négative : une démission présentée après une altercation ne doit pas être considérée comme définitive (voir notamment Cass. soc., 10 février 1993, n° 90-41703). Dans ces conditions, il sera indispensable que le salarié précise de nouveau sa volonté de quitter son emploi afin de garantir la réalité de la démission présentée précédemment.

B. Réponse de l’employeur

Légalement, la démission présentée par le salarié n’appelle pas de réaction de la part de l’employeur : il ne lui appartient pas de juger de l’opportunité et du bien-fondé de sa démission.

En revanche, la réponse de l’employeur peut être utile pour permettre d’acter la rupture du contrat de travail et surtout de valider la réception du courrier adressé par le salarié ou, si ce dernier a démissionné oralement, de valider le point de départ du préavis à respecter. La réponse de l’employeur peut également avoir pour objet, en adressant un courrier au salarié, de vérifier la volonté claire et non équivoque de l’employé de rompre son contrat de travail en l’absence d’écrit de ce dernier. Cette étape peut ainsi permettre à l’employeur, si le salarié devait contester par la suite la rupture de son contrat devant le conseil de prud’hommes, de démontrer que l’employé qui n’a pas donné suite au courrier avait donc clairement la volonté de quitter librement son poste de travail.

Que faire devant une rétractation ?

Comme évoqué précédemment, la démission présentée par le salarié doit avoir un caractère clair et non équivoque. La Cour de cassation précise à ce titre que la démission qui présente les caractéristiques précitées ne pourra pas faire l’objet d’une rétractation (Cass. soc., 21 septembre 2005, n° 03-43937). En revanche, si le salarié venait à saisir la juridiction prud’homale pour voir juger sa demande de rétractation comme valable, les juges du fond devraient analyser les circonstances de la rupture afin d’en vérifier la validité.

Aussi, dès lors que le salarié conteste la réalité ou la liberté de sa démission, il est fortement conseillé à l’employeur de répondre au salarié en analysant les circonstances de la démission pour éviter par la suite que ce dernier ne saisisse le conseil de prud’hommes et n’obtienne des dommages et intérêts si la juridiction devait considérer la rupture à l’initiative du salarié comme entachée d’irrégularité ou viciée.

Se pose enfin la question de la réaction de l’employeur au courrier du salarié qui, loin de se contenter de présenter sa démission, reproche à l’entreprise ou l’association différents manquements. Si les griefs énoncés n’ont aucun fondement, l’employeur peut alors, dans le courrier d’accusé de réception de la démission énoncer également qu’il s’étonne des reproches formulés par le salarié et rappeler sa bonne exécution des obligations contractuelles (voir modèle de courrier ci-contre). Il est alors conseillé à l’employeur de prévoir une réponse étayée qui permette de lever tout doute quant à d’éventuels manquements. En revanche, si l’employeur s’aperçoit que les reproches formulés par le salarié sont justifiés, il convient d’être particulièrement prudent. En effet, la démission pourrait alors être requalifiée en prise d’acte de la rupture (voir page 43). Il appartiendrait alors à l’employeur de réparer dans les meilleurs délais les manquements qui peuvent l’être et, en tout état de cause, de tenter de rapporter de l’absence de faits fautifs.

C. Règles relatives au préavis

Dans la mesure où il n’appartient pas à l’employeur d’accepter ou de refuser la démission présentée par le salarié mais simplement d’en prendre acte, la conséquence principale suite à la démission est celle du préavis. Le code du travail qui ne s’attache pas aux conditions de la démission précise cependant les modalités relatives au préavis. Ainsi, l’article L. 1237-1 du code du travail prévoit qu’en cas de démission l’existence comme la durée du préavis sont fixées par la loi, la convention ou l’accord collectif ou les usages. Il est à noter que la loi ne prévoit de préavis que pour certaines catégories de personnel intégrant notamment les journalistes ou les voyagistes représentants placiers (VRP).

En dehors de ces situations particulières, le préavis est régulièrement déterminé par les conventions collectives. Il est donc indispensable de prendre connaissance du texte conventionnel applicable à la structure, entreprise ou association.

A noter : Le préavis fixé par usage ne peut s’appliquer qu’à défaut de convention collective comprenant des dispositions sur la durée du préavis. Afin d’éviter tout litige, il est conseillé à l’employeur de préciser dans le contrat de travail la durée de préavis de démission telle que fixée par la convention collective applicable. En revanche, la fixation d’une durée de préavis de démission différente de celle de la convention collective n’est pas souhaitable dans le contrat de travail car la Cour de cassation estime alors que doit être retenue la durée la plus favorable au salarié. Or, selon les circonstances, peut se poser la question de savoir si la durée la plus favorable est celle qui est la plus longue ou la plus courte. La Cour de cassation retient, contrairement au préavis de licenciement, que les prescriptions les plus favorables au salarié sont celles qui prévoient un préavis plus court que les dispositions conventionnelles ou les usages (voir notamment Cass. soc,. 12 janvier 1993, n° 88-43033, jurisprudence constante). Par conséquent, lorsque la convention collective ne prévoit pas de préavis et qu’il n’y a pas d’usage dans la profession, la démission est effective sans préavis. Tel est notamment le cas dans le cadre de la convention collective des entreprises de services à la personne s’il n’y a pas d’usage et que le salarié a moins de 6 mois d’ancienneté dans la structure (voir tableau page 42).

Il est toutefois possible que le salarié, dans la lettre de démission, ait sollicité une dispense totale ou partielle de préavis. Cette demande, qui n’a aucun caractère impératif, devra être analysée par l’employeur qui pourra accepter ou refuser la dispense. Il est conseillé alors d’intégrer la dispense de préavis à l’initiative du salarié acceptée par l’employeur au courrier d’accusé de réception de la démission (voir modèle page 42). En effet, il n’appartient pas à l’employeur de dispenser le salarié de son propre chef du préavis, sauf à rémunérer le salarié pendant toute la période de dispense. La mention dans la lettre d’accusé de réception de la démission de la demande de dispense du salarié et de l’acceptation par l’employeur permet d’écarter tout litige éventuel quant à l’initiative de la dispense et donc à l’obligation de paiement de la période.

A noter : Si les salariés doivent en principe respecter un préavis lors de la démission, la salariée en état de grossesse constatée médicalement a la possibilité de rompre son contrat de travail sans préavis et sans devoir d’indemnité de rupture (C. trav., art. L. 1225-34). Il en va de même pour les salariés à l’expiration d’un congé maternité ou d’adoption qui ont la possibilité, sous conditions, de rompre le contrat de travail sans devoir respecter de préavis ni régler d’indemnité de rupture (C. trav., L. 1225-66).

Attention : Côté salarié, si l’employeur décide de refuser la demande de dispense de préavis, aucun moyen ne permet d’obtenir une dispense en dehors des cas visés ci-dessus. En pratique, l’employeur serait fondé à solliciter devant le conseil de prud’hommes des dommages et intérêts pour non-respect de la période du préavis pour laquelle le salarié n’avait pas obtenu l’autorisation de dispense.

Le salarié n’exécute pas correctement le préavis

Dans l’hypothèse où le salarié commet une faute grave ou lourde pendant le préavis ou que l’employeur découvre une faute grave ou lourde pendant cette période, l’employeur a seulement la possibilité d’interrompre le préavis en respectant la procédure disciplinaire (voir notamment Cass. soc., 4 juillet 2007, n° 05-45221). Il doit ainsi convoquer le salarié à un entretien préalable et lui envoyer une lettre notifiant la rupture du préavis. Dans ce cas, l’employeur ne verse pas la part de préavis non exécutée (voir notamment Cass. soc., 12 décembre 2001, n° 99-45290).

A noter : Si la découverte ou la commission d’une faute grave ou lourde intervient alors que le salarié a été dispensé de préavis, l’indemnisation est acquise et le salarié conserve l’ensemble de ses droits et notamment l’indemnité de préavis (voir notamment Cass. soc., 31 janvier 2006, n° 04-43141). Toutefois, dans l’hypothèse d’une faute lourde, l’employeur peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’il a subi à cause de cette faute.

II. La rupture aux torts de l’employeur : Prise d’acte de rupture et résiliation judiciaire

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail et la résiliation judiciaire – deux modes de rupture moins connus dans la pratique – constituent des voies de rupture alternatives du contrat de travail à l’initiative du salarié. Il s’agit toutefois d’une rupture de contrat intervenant régulièrement dans un contexte dégradé ou conflictuel, quand le salarié entend imputer la rupture du contrat de travail à son employeur.

Ces deux modes de rupture sont totalement interdits à l’employeur qui, s’il souhaite rompre le contrat de travail, ne peut recourir qu’au licenciement.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail comme la résiliation judiciaire sont issues d’un développement de la jurisprudence de la Cour de cassation. Il n’existe donc aucune mention ou condition fixée dans le code du travail.

Les conditions relatives aux manquements reprochés à l’employeur sont identiques dans le cadre de la prise d’acte de la rupture et de la résiliation et seront donc abordées ensemble.

A. Définition

1) Prise d’acte de la rupture

La prise d’acte de la rupture est un mode de rupture constitutif de la rupture la plus abrupte du contrat de travail. Le salarié qui décide de rompre le contrat de travail met en réalité en avant une impossibilité de poursuivre son activité dans le cadre de ses fonctions, mettant en cause la violation d’obligations contractuelles par son employeur.

La Cour de cassation reconnaît que la prise d’acte de rupture du contrat de travail peut prendre deux formes distinctes :

• lorsque le salarié adresse un courrier à son employeur motivé par différents griefs ;

• lorsque le salarié présente une démission dans laquelle il explique que cette dernière est due à des fautes commises par son employeur.

2) Résiliation judiciaire

Contrairement à la prise d’acte, la résiliation judiciaire ne rompt pas le contrat de travail. Il s’agira pour le salarié de formuler des reproches à l’encontre de son employeur et de saisir en parallèle le conseil de prud’hommes qui devra décider des conséquences à donner à la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur.

B. Forme et motivation de la prise d’acte et de la résiliation judiciaire

Intégralement issus de la jurisprudence, ces modes de rupture connaissent une liberté importante tant concernant la motivation que sur la forme de la présentation à l’employeur. A ce titre, la Cour de cassation retient que le salarié a la possibilité de présenter une prise d’acte de la rupture du contrat de travail ou une demande de résiliation judiciaire par le biais d’une lettre recommandée avec accusé de réception comme d’une lettre remise en main propre contre décharge. Il n’est pas exclu de prévoir l’acceptation de la prise d’acte ou la demande de résiliation par email ou présentée oralement : il appartiendra cependant au salarié d’apporter la preuve de son existence et de son contenu. Il n’est donc pas conseillé au salarié de recourir à ces dernières formes.

De surcroît, il est important de retenir que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du salarié aux torts de son employeur, tout comme la demande de résiliation judiciaire, n’est pas réservée à une catégorie spécifique d’employés. Ainsi, pourront être admis les salariés protégés tels que les représentants du personnel (Cass. soc., 5 juillet 2006, n° 04-46009). Les salariés bénéficiant d’une protection relative à l’état de grossesse ou encore à l’inaptitude physique pourront bénéficier par ailleurs de la prise d’acte de la rupture également.

Attention : Il conviendra de prêter attention au statut du salarié protégé quant aux effets de la prise d’acte de la rupture car ces derniers seront différents des conséquences classiques.

Quant à la motivation de la prise d’acte de la rupture ou de la demande de résiliation, contrairement à la démission, il est impératif que le salarié énonce les éléments qui l’ont poussé à présenter une prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Il appartient au salarié qui formule des reproches à l’encontre de son employeur de définir précisément les griefs invoqués (circonstances de temps, lieu, montant sollicité…).

A noter : Les juges fondent leur décision sur les griefs invoqués par le salarié dans sa lettre de prise d’acte ou de résiliation judiciaire mais également sur les griefs qu’il invoque lors de l’audience (voir notamment Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-19719).

Quid des manquements anciens constatés par le salarié ?

De jurisprudence constante depuis 2014, la Cour de cassation rappelle que les manquements anciens de l’employeur ne justifient pas une prise d’acte puisqu’ils font ressortir que le salarié n’a pas été empêché de poursuivre son contrat de travail (Cass. soc., 26 mars 2014, n° 12-23634).

Néanmoins, le juge ne peut pas refuser la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse « en se référant uniquement à l’ancienneté des manquements imputés par la salariée à l’employeur, alors qu’il lui appartenait d’apprécier la réalité et la gravité de ces manquements et de dire s’ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail » (Cass. soc., 19 décembre 2018, n° 16-20522).

En ce sens, la Cour de cassation a considéré que des faits de harcèlement moral invoqués par un salarié en arrêt de travail depuis plusieurs mois caractérisent des manquements suffisamment graves de l’employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail « nonobstant leur ancienneté » (Cass. soc., 11 décembre 2015, n° 14-15670).

De plus, dans un arrêt très récent du 15 janvier 2020, la Cour de cassation a accepté la demande de requalification d’un départ à la retraite en prise d’acte produisant les effets d’un licenciement nul. La salariée avait fait l’objet pendant plus de 20 ans « d’actes d’intimidation, d’humiliations, de menaces, d’une surcharge de travail et d’une dégradation de ses conditions de travail, de nature à affecter sa santé, constitutifs de harcèlement moral l’ayant conduit à l’épuisement et à l’obligation de demander sa mise à la retraite, ainsi que d’une discrimination syndicale dans l’évolution de sa carrière et de sa rémunération » (Cass. soc., 15 janvier 2020, n° 18-23417). La Cour de cassation a admis que la persistance de ces manquements avait rendu impossible la poursuite du contrat de travail.

C. Réaction de l’employeur

Comme dans le cadre de la démission, l’employeur n’a pas à accepter ou refuser la rupture du contrat de travail par le salarié. En revanche, s’agissant de la prise d’acte de la rupture ou de la demande résiliation, il est constant que le salarié formule des reproches à l’encontre de son ancien employeur. En toute hypothèse, il sera impossible pour l’employeur de mettre en demeure le salarié de réintégrer son poste de travail ou de prévoir une notification de licenciement car la prise d’acte de la rupture rompt définitivement les relations contractuelles.

En revanche, il est indispensable que l’employeur qui se voit reprocher différents éléments comme le non-paiement de salaires, d’heures supplémentaires ou encore le manquement à certaines obligations relatives à la sécurité ou à la santé puisse tenter de déclencher un dialogue avec le salarié. Il est alors conseillé à l’employeur de répondre au courrier de prise d’acte adressé par le salarié en lui proposant un entretien qui permettra à l’employeur de connaître plus précisément les faits fautifs qui lui sont reprochés et éventuellement d’y faire face afin d’éviter le litige à venir.

Cependant, le salarié ne peut en principe rétracter sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail (voir notamment Cass. soc. 9 décembre 2009, n° 07-45521). Dès lors, la rétractation ne semble être possible qu’en cas de commun d’accord entre le salarié et son employeur pour poursuivre la relation contractuelle. Les parties décidant de régler les éventuelles difficultés et d’abandonner la rupture du contrat de travail.

Attention : Cette possibilité de rétraction d’un commun accord, si elle n’est pas exclue par la jurisprudence, n’est pas pour autant expressément acceptée. Il conviendra donc de prendre cette possibilité avec précaution et de garder en tête qu’un litige peut toujours survenir.

Régularisation de la situation sur l’appréciation des griefs par les juridictions

Au fil des années, la Cour de cassation a développé une jurisprudence importante autour du fait que l’employeur, alerté par la lettre de la prise d’acte de la rupture ou de la demande de résiliation, décide de réparer les manquements commis en régularisant la situation (ex. : versement des salaires manquants ou rappel d’heures supplémentaires). La Cour de cassation apprécie ici les faits différemment en fonction du manquement de l’employeur. Ainsi, en matière d’obligation de sécurité, de santé ou de discrimination, la jurisprudence retient que la cessation des faits fautifs ne pourra pas permettre de considérer que les manquements ne sont plus suffisamment graves (voir notamment Cass. soc., 23 janvier 2018, n° 11-18855 et 23 mai 2013, n° 12-12995).

A l’inverse, à titre d’exemple, lorsque la demande du salarié est fondée sur des manquements de l’employeur de type financier, la Cour de cassation a pu retenir que la régularisation par l’employeur ne permettait pas de retenir l’existence d’un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail (Cass. soc., 21 avril 2017, n° 15-19353). Il ne s’agissait pas ici d’une régularisation au cours de la procédure devant la juridiction mais d’une régularisation antérieure. En effet, le salarié reprochait à son employeur de n’avoir pas réglé correctement une prime pendant plusieurs années, mais n’avait évoqué ce motif à l’appui de la prise d’acte qu’après la régularisation par son employeur. Dans ces conditions, la Cour de cassation avait estimé que le manquement qui avait été régularisé ne pouvait pas être constitutif d’un manquement suffisamment grave.

La Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence en précisant dans un arrêt rendu le 30 mai 2018 que le salarié devait agir concomitamment aux manquements de l’employeur et ne pouvait ensuite formuler de demande permettant de justifier la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur dès lors que, dans la pratique, ledit manquement n’avait pas été de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 16-26088). Il apparaît donc que la régularisation de la situation par l’employeur aura un effet si elle est antérieure à la saisine de la juridiction. En tout état de cause, la régularisation à la suite de la prise d’acte du salarié permettra tout de même de démontrer une certaine bonne foi de l’employeur et de restreindre la qualification des faits par les juges ou le montant de l’indemnisation allouée.

D. Conséquences de la prise d’acte ou de la demande résiliation

Rupture brutale et définitive du contrat de travail, la prise d’acte de la rupture induit l’absence de préavis. Le contrat de travail devra prendre fin à la date même de prise d’acte et il n’est pas question pour le salarié d’exécuter un préavis (Cass. soc., 20 janvier 2010, n° 08-43471).

Le salarié est dans l’obligation de saisir le conseil de prud’hommes qui jugera si la rupture doit avoir les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, selon la situation, ou les effets d’une démission.

A noter : La démission assortie de griefs, en ce qu’elle est requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat aux torts de l’employeur, aura les mêmes effets que ceux exposés ci-avants.

Quant à la demande de résiliation judiciaire, les effets seront moins lourds de conséquence pour le salarié. Comme dans le cadre de la prise d’acte, si les griefs reprochés à l’employeur sont suffisamment graves, sera obtenue une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul en fonction des manquements retenus.

En revanche, dès lors que les conseillers prud’hommaux viendront à considérer que les griefs reprochés à l’employeur sont inexistants ou insuffisants, le salarié poursuivra son contrat de travail dans l’entreprise, sans autre conséquence.

Quels manquements de l’employeur sont-ils suffisamment graves ?

Les juges devant examiner les reproches formulés par le salarié dans le cadre de la prise d’acte de la rupture devront, s’ils estiment les manquements suffisamment graves, requalifier la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, selon la situation. Dans cette hypothèse, le salarié pourra alors obtenir une indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse selon les barèmes fixés par les ordonnances « Macron » et l’indemnité prévue pour les licenciements (C. trav., art. L. 1234-9).

Pour rappel, l’indemnité est due dès lors que le salarié compte 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur et est égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté puis 1/3 au-delà de 10 ans d’ancienneté.

Attention : L’employeur pourra également être condamné à rembourser tout ou partie des indemnités chômage éventuellement versées au salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités lorsque le salarié a pu s’inscrire et bénéficier de la prise en charge de Pôle emploi suite à la rupture de son contrat de travail (C. trav., art. L. 1235-4).

En revanche, dès lors que les juges considèrent que les griefs invoqués par le salarié ne sont pas justifiés, la prise d’acte de la rupture produira invariablement les effets d’une démission (jurisprudence constante depuis Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42355). Et le salarié pourra être condamné à verser à son employeur une indemnité compensatrice correspondant à la période de préavis qu’il aurait dû effectuer s’il avait démissionné. En effet, il apparaît dans cette situation que la prise d’acte étant requalifiée en démission, le salarié aurait normalement dû respecter un préavis (voir notamment Cass. soc., 4 février 2009, n° 07-44142). Il appartiendra toutefois à l’employeur d’avoir clairement sollicité cette indemnité dans le cadre du litige prud’homale.

Absences injustifiées et démission… attention à la qualification !

La gestion des absences injustifiées du salarié interroge régulièrement les employeurs sur la possibilité de considérer ce dernier comme démissionnaire. Le fait que l’employé ne se présente plus à son poste de travail peut-il conduire l’employeur à décider qu’il a manifesté une volonté claire et non équivoque de rompre son contrat de travail ? La Cour de cassation ne l’admet pas et il est impossible pour l’employeur de considérer les absences injustifiées du salarié comme une volonté de démissionner. En effet, la définition jurisprudentielle de la démission précise expressément une volonté claire et non équivoque. Or le fait de ne pas se présenter à son poste de travail ne peut être constitutif d’un caractère non équivoque (Cass. soc., 27 février 1991, n° 88-40955, jurisprudence constante).

De même, l’absence de reprise du travail après une période de repos, d’arrêt maladie ou encore après une mise à pied disciplinaire ne pourra pas permettre à l’employeur de considérer le salarié comme démissionnaire. Ainsi, en toute hypothèse, l’absence injustifiée et l’abandon de poste ne pourront pas conduire l’employeur à décider que le salarié a, de cette manière, entendu démissionner.

Quid d’une convention ou d’un accord collectif prévoyant l’obligation de justifier pour le salarié de son absence dans un délai déterminé à défaut d’être considéré comme démissionnaire ?

Aucune convention ou accord collectif ne peut prévoir de telles dispositions qui dérogent aux dispositions légales et jurisprudentielles. L’employeur ne pourra donc en aucun cas considérer son salarié comme démissionnaire même si la convention collective impose au salarié une justification dans un délai restreint de son absence. Ces prescriptions pourront uniquement permettre à l’employeur de prendre les sanctions adéquates en l’absence de justificatif dans le délai indiqué.

• Modèle d’accusé de réception « démission »

Madame, Monsieur,

Nous prenons acte de la démission que vous avez adressée par…………..« à compléter » en date du…………..« à compléter » et présentée à la société/association…………..« à compléter » le…………..« DATE à compléter ».

Votre préavis d’une durée de…………..« à compléter » débutant à compter de…………..« à compléter : première présentation de la lettre recommandée ou de la lettre remise en main propre contre décharge ou de la démission orale », il se terminera donc le……………. « DATE à compléter » au soir, date à laquelle vous cesserez de faire partie de nos effectifs.

Nous nous tenons à votre disposition pour règlement définitif de votre compte dès la fin de votre préavis et remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte).

Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l’expression de nos sincères salutations.

Droit à l’assurance chômage

Depuis le 1er novembre 2019, le salarié démissionnaire peut bénéficier de l’allocation d’assurance chômage s’il remplit certaines conditions (C. trav., art. L. 5422-1).

Le salarié doit avoir travaillé au moins 1 300 jours au cours des 60 mois qui précèdent la fin du contrat de travail, c’est-à-dire au terme du préavis (Règlement d’assurance chômage, art. 3).

Il doit également poursuivre un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’une entreprise (C. trav., art. L. 5422-1).

En ce sens, préalablement à sa démission, le salarié doit demander un conseil en évolution professionnelle (CEP) en vue de construire son projet de reconversion. Le CEP établit à ce titre un document récapitulant le projet de reconversion.

Le document, accompagné de l’ensemble des pièces énoncées à l’article R. 5422-2-1 du code du travail, est ensuite transmis à la commission paritaire interprofessionnelle régionale afin qu’elle atteste du caractère réel et sérieux du projet (C. trav., art. L. 5422-1).

Si la commission retient le caractère réel et sérieux de la demande, le salarié dispose alors d’un délai de 6 mois à compter de la notification pour demander à bénéficier de l’allocation chômage (C. trav., art. R. 5422-2-3). A défaut, il peut effectuer un recours gracieux contre cette décision dans un délai de 2 mois à compter de sa notification (C. trav., art. R. 5422-2-2).

Responsabilité de l’employeur en matière de protection contre le harcèlement

L’employeur a l’obligation d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés. Par conséquent, dès lors que l’employeur est averti de faits de harcèlement moral ou sexuel, il doit immédiatement diligenter une enquête en vue de prendre les mesures nécessaires si les faits sont avérés (voir notamment Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-10551).

On conseillera donc à l’employeur de convoquer le présumé auteur, la présumée victime, les éventuels témoins ainsi que le comité social et économique. Il conviendra ensuite de réaliser un rapport d’enquête avant de prendre le cas échéant les mesures nécessaires.

Si l’employeur effectue une enquête et prend les sanctions nécessaires, la prise d’acte de la rupture du contrat par le salarié ne peut être requalifiée en licenciement nul (voir notamment Cass. soc., 19 juin 2019, n° 17-31182). En revanche, les griefs pourraient être fondés si l’employeur ne réagit pas, pas assez rapidement ou s’il ne prend pas les mesures nécessaires pour faire cesser les manquements.

Différents types de manquements de l’employeur

Manquements de l’employeur pouvant justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail et la demande de résiliation judiciaire entraînant la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul :

• modification de la rémunération contractuelle ;

• retrait de la fonction d’encadrement ;

• passage imposé d’un horaire de jour à un horaire de nuit ;

• passage imposé d’un temps plein à un temps partiel ;

• défaut de maintien du salaire en cas d’arrêt maladie ;

• non-respect de l’égalité de traitement entre les salariés ;

• non-paiement ou retard de paiement sur les salaires et les heures supplémentaires ;

• non-respect du repos hebdomadaire ;

• mesures vexatoires ;

• violences morales et/ou psychologiques ;

• absence de mesures prises contre des agissements de harcèlement moral ou sexuel contre un salarié.

Manquements de l’employeur ne justifiant pas la prise d’acte et ayant les effets d’une démission et ceux ne justifiant pas la demande de résiliation judiciaire et entraînant la poursuite du contrat de travail :

• décalage de 1 ou 2 jours dans le paiement d’un salaire ;

• défaut de visite médicale d’embauche sans volonté de l’employeur de violer les règles du droit du travail ;

• manquements isolés et ponctuels en matière de rémunération.

Notes

(1) Voir notre dossier sur le sujet dans ASH n° 3148 du 21-02-20, p. 40.

Dossier juridique

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