ESS : des entreprises comme les autres ?

Il fallait oser, elle l’a fait. Dans Souffrance en milieu engagé, la journaliste Pascale-Dominique Russo s’attaque au secteur de l’économie sociale et solidaire. Des entreprises différentes, non cotées en Bourse, où la rentabilité du capital n’est pas le but premier et où l’homme a toute sa place, selon le sacro-saint principe « un homme égale une voix ». En théorie, car, dans la pratique, ce n’est pas exactement ce que la journaliste – qui a elle-même travaillé dans ce milieu – a découvert. Son enquête sur les conditions de travail dans les grosses associations et les mutuelles montre que partout les valeurs de solidarité, le sens de l’engagement se diluent. « Comment intervenir sur des marchés tels que la santé ou l’assurance ? Comment vouloir en devenir un leader sans tomber dans une logique concurrentielle nécessairement synonyme de nouvelle organisation du travail ? Comment répondre aux offres des marchés publics et privés sans se plier aux mêmes règles que les entreprises à but lucratif ni jouer sur l’emploi comme variable d’ajustement ? », interroge l’auteure. Résultat : des salariés écartelés entre leurs idéaux et la réalité d’un système parois pervers, qui finissent par s’user, se démotiver, souffrir… « Dans les associations, il y a une double logique à l’œuvre, managériale et militante. On fait le bien, donc on fait le bien. Il y a un impensé pour les salariés, un déni de la situation d’employeur », explique dans l’ouvrage Alain Pellé, secrétaire général du syndicat des mouvements et associations (SMA-CFDT). Epinglés au passage, le groupe SOS et sa logique de « big is beautiful » et de « social business », France Terre d’asile et sa volonté de croissance au risque de jouer la « carte du moins-disant social pour gagner des parts de marché », Emmaüs Solidarité, de moins en moins exigeant sur la professionnalisation et qui dispose actuellement d’un travailleur social pour 40 personnes accueillies en centre d’hébergement, contre un pour 25 en 2014.